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Le bond de 1 $, qui propulsera le salaire minimum au Québec à 15,25 $/h dès le 1er mai, s’annonce difficile à absorber pour les producteurs de fruits et légumes, pour qui la rémunération de la main-d’œuvre peut représenter jusqu’à 50 % des dépenses. Certains craignent une perte de compétitivité par rapport à leurs principaux concurrents, tels que le Mexique, où les employés sont payés huit fois moins cher, et certains États américains, où les normes du travail ne sont pas appliquées de façon aussi stricte.
Après l’entrée en vigueur du salaire minimum à 15,25 $/heure, en mai, la rémunération de la main-d’œuvre de Pascal Lecault, producteur maraîcher à Oka, dans les Laurentides, représentera environ 600 000 $ de dépenses de plus qu’en 2022. Celui qui embauche plus de 290 travailleurs étrangers temporaires (TET) inclut dans son calcul la part qu’il doit débourser pour le régime de rentes, l’assurance emploi et les vacances. Guy Pouliot, important producteur de fraises sur l’île d’Orléans, estime quant à lui à plus de 20 $/heure le salaire réel qu’il devra minimalement verser à ses TET pour 20 semaines de travail de 60 heures, lorsqu’il ajoute les frais pour le logement et le billet d’avion.
« Cette nouvelle est énorme pour notre secteur », affirme-t-il. Le producteur maraîcher estime que les normes sociétales et environnementales sont celles qui lui font le plus mal. « La hausse des coûts de la matière première pour faire des boîtes de carton, au moins, ça ne me désavantage pas au niveau compétitif par rapport au Mexique ou à la Californie, parce que c’est égal pour tout le monde. Au niveau des normes et du salaire, par contre, on n’est pas à compétition égale », avance-t-il.
Le directeur scientifique des études économiques pour le Groupe AGÉCO, Bertrand Montel, ne réfute pas cette affirmation, mais y apporte des nuances. Ce dernier a identifié des différences au chapitre des normes et des salaires versés en production maraîchère aux États-Unis, au Mexique et au Québec, dans une revue, parue en décembre 2022, de textes réglementaires et de littérature scientifique, le tout appuyé d’entretiens avec des intervenants du secteur. Si M. Montel admet que l’exercice de comparaison de la compétitivité est complexe, voire impossible à réaliser avec exactitude, quelques observations ressortent.
Au Mexique, les travailleurs agricoles sont effectivement payés beaucoup moins cher qu’au Québec (voir le tableau du bas), mais en Californie, le salaire minimum général, fixé à 15,50 $ US/h, est plus élevé. Aussi, dans plusieurs États américains qui exportent des produits maraîchers au Québec, comme la Floride, la rémunération plancher à offrir aux travailleurs étrangers agricoles est plus haute que le salaire minimum général.
Comme l’embauche de travailleurs illégaux est monnaie courante aux États-Unis, en revanche, Bertrand Montel doute que les normes du travail soient appliquées aussi strictement qu’au Canada. « C’est le point qui est vraiment, pour moi, important pour les États-Unis et qui rend compliquée la comparaison. Quand on prend les normes du travail officielles, il n’y a pas de grandes différences. […] L’éléphant dans la pièce, c’est que quasiment 50 % de la main-d’œuvre agricole aux États-Unis est en situation d’immigration irrégulière », exprime-t-il.
Mouvance vers le Mexique
Les différences les plus significatives de conditions de travail par rapport au Canada observées par Bertrand Montel sont au Mexique. D’ailleurs, des économistes de l’Université de Californie se penchent actuellement sur un enjeu de mouvance de la production de fruits et légumes vers le sud de la frontière américaine, découlant des salaires à verser là-bas qui sont nettement inférieurs. « L’industrie a complètement changé. Pas juste en Californie, mais aussi dans d’autres États producteurs de fruits et légumes, tels que la Floride et la Géorgie. Le tarif horaire est de cinq à sept fois plus bas au Mexique. C’est devenu un aussi grand, sinon un plus grand producteur de petits fruits que les États-Unis à cause de ça », dépeint Oleg Daugovish, conseiller en culture de fraises et de légumes à la division agricole de l’université, dans un échange de courriels.
Le salaire au poids monte aussi
Le personnel à temps plein et les travailleurs étrangers temporaires reçoivent un salaire horaire, mais il existe également un salaire au rendement destiné, par exemple, aux adolescents qui viennent prêter main-forte pour la récolte de fraises et de framboises durant les vacances d’été. Ce salaire minimum au poids augmentera respectivement de 0,08 $ et de 0,30 $ le 1er mai pour atteindre 1,21 $ (fraises) et 4,53 $ (framboises) du kilogramme.
Plus élevés en Colombie-Britannique et en Ontario
Jarek Holoszkiewicz, directeur général adjoint chez Vert nature, une division de VegPro International, ne s’étonne pas de voir le salaire minimum bondir au Québec, considérant que ceux établis notamment par les provinces de l’Ontario et de la Colombie-Britannique étaient déjà plus élevés (voir le tableau du bas). « Je pense qu’on avait une petite pause au Québec, comparé à la Colombie-Britannique, où [la hausse rapide du salaire minimum] avait commencé avant », observe celui qui produit de la laitue là-bas. Il estime que le rattrapage des autres provinces était inévitable.
Salaires minimums au 1er janvier 2023
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