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« J’ai de la difficulté à voir le positif de la financiarisation des terres agricoles pour les agriculteurs déjà établis, a déclaré à la Terre Maurice Doyon, professeur à l’Université Laval, le 29 octobre dernier.
Ces fonds d’investissements constituent en outre un compétiteur de plus pour les agriculteurs en devenir, ce qui rend l’acquisition des terres plus difficile. »
M. Doyon a même émis un doute sur le fait que les actionnaires de ces fonds fassent une bonne affaire. « On peut comprendre que ces gens veulent stabiliser leurs rendements et diversifier leur portefeuille par l’achat de terres agricoles. Mais s’ils achètent des terres à des prix nettement plus élevés que ce que les agriculteurs voudraient payer, leurs actionnaires risquent de ne pas toucher les rendements escomptés et même de se planter si l’évolution du prix des denrées agricoles n’est pas favorable. »
Cela dit, le professeur Doyon trouve « difficile d’analyser le phénomène de l’accaparement des terres par des fonds d’investissement à l’étape actuelle, car c’est un phénomène qui dépasse l’anecdotique, mais qui demeure au total relativement marginal ». Et il est selon lui difficile de dire quelle ampleur il va prendre. Ainsi, ces fonds auront peut-être moins d’appétit pour les terres agricoles si le rendement des obligations s’améliore à la suite de l’annonce de la Réserve fédérale américaine d’une possible reprise de la hausse des taux d’intérêt à compter de juin 2015.
M. Doyon s’est dit « intrigué » par le prix nettement supérieur payé par ces fonds pour acquérir des terres agricoles. Est-ce que les détenteurs de ces fonds seraient en train de doper le propre rendement de leur portefeuille, en faisant grimper le prix des terres, en vue d’une future vente en bloc à un fonds d’investissement étranger ou à un fonds de retraite? s’est-il ouvertement demandé.
Détournement?
Faut-il arrêter ce phénomène ou non? « Je n’ai pas de réponse à cette étape-ci », a-t-il répondu. Mais c’est à la lumière de la politique agricole du Québec que le professeur et fils d’agriculteur analyse d’abord ce phénomène. Donc que ferait-il s’il était ministre de l’Agriculture? « Je commencerais à me demander à quel pourcentage ce phénomène devient un problème à l’échelle nationale et régionale. Est-ce 2 %, 5 %? Et surtout, quel est son impact sur la politique agricole? » M. Doyon a expliqué : « Comme société, nous acceptons que des transferts soient accordés à l’agriculture pour plusieurs raisons, comme de permettre aux familles agricoles de vivre convenablement, de progresser vers l’autosuffisance alimentaire, d’occuper le territoire, etc. Est-ce que cette politique atteint toujours ses objectifs si une partie de ce soutien va à des actionnaires de grandes entreprises? Car ces dernières pourront bénéficier de crédits de taxes aux agriculteurs, dont le budget n’est pas infini, et d’autres programmes semblables. S’il faut aider ces entreprises, le soutien devrait peut-être venir d’un autre ministère que celui de l’Agriculture, comme celui du Commerce et de l’Industrie. »
Quant à la spéculation sur le prix des terres agricoles, M. Doyon a mentionné que « les plus grands spéculateurs sont sans doute les producteurs eux-mêmes ».