Vie rurale 20 octobre 2022

Ferme Améroquois : les défis de la production d’huile de tournesol

L’entrée de Janel Laplante dans l’univers du tournesol et de son huile s’est faite sur les chapeaux de roue. À peine sa formation à l’Institut de technologie agroalimentaire (ITA) de Saint-Hyacinthe terminée, ce fils de producteur laitier de 43 ans mettait la main sur Les Huiles Champy, une entreprise fondée par Christian Champigny à Upton, en 1999.

Janel Laplante, président de la Ferme Améroquois. Photo : Claude Fortin
Janel Laplante, président de la Ferme Améroquois. Photo : Claude Fortin

SAINTE-CHRISTINE – Lorsque Janel Laplante, président de la Ferme Améroquois, rencontre Christian Champigny, des Huiles Champy, en 2019, c’est pour la rédaction d’un rapport de fin d’études destiné à clore sa formation en agriculture, à l’ITA de Saint-Hyacinthe. « Je l’ai d’abord rencontré pour avoir des notions en régie biologique », raconte celui qui visait la production de chanvre, au départ. « Je me suis vite rendu compte que le chanvre, c’est un milieu qui fonctionne en vase clos, c’est difficile d’y entrer. J’ai donc mis ça sur la glace », relate l’entrepreneur dont l’arrivée en agriculture a été précédée d’un détour d’une dizaine d’années dans le domaine de la construction, en génie civil, où il a notamment été contremaître de chantier.

Les rencontres avec Christian Champigny réorientent toutefois le parcours original prévu par Janel Laplante. Très rapidement, le fondateur des Huiles Champy lui offre de reprendre son entreprise. « Au départ, il m’a dit : “Je vais être prêt dans cinq ans”, et finalement, de cinq ans, on est passés à deux, et de deux à un an. Ça fait que ça a déboulé vraiment vite », se rappelle l’entrepreneur, qui entreprend la construction de l’huilerie sur sa terre de Sainte-Christine au printemps 2020. « Pendant la construction de la bâtisse, M. Champigny est revenu me voir pour me dire qu’il faudrait que je sois capable de reprendre tout ça à l’automne », souligne l’entrepreneur. « Mes silos ne devaient arriver que le printemps suivant. J’ai fait venir une équipe en urgence pour tout monter ça puis, juste au moment où on posait le dernier boulon du plan de séchage, le camion reculait dans la cour pour décharger le premier voyage de grains. »

L’entrepreneur profite cependant du soutien de sa famille pour faire face aux nombreux imprévus qui caractérisent cette industrie encore marginale au Québec. Le fils de Janel, Nathanyël, son filleul, Marc-Olivier, de même que ses parents mettent la main à la pâte pour faire fonctionner la jeune entreprise. « Mes parents me soutiennent beaucoup, autant sur le plan financier que par leur présence. C’est l’héritage familial, la ferme qu’on a vendue, qui m’a permis d’investir ici », souligne-t-il, tout en ajoutant l’aide reçue du MAPAQ et de la Financière agricole pour l’achat d’équipements de séchage et de criblage. « Une chose est certaine : dans mon cas, le soutien familial est hyper important. »

La transformation d’abord

L’achat d’une marque existante, comme Les Huiles Champy, présente parfois un avantage indéniable pour l’investisseur. Sur le plan de la notoriété du produit, bien entendu, mais grâce aussi à la liste de clients qui accompagne l’acquisition et contribue à sécuriser les opérations de l’acheteur. « Grâce au fonds de commerce, lorsque je suis parti l’an passé, ça m’a permis de produire autour de 11 000 litres », souligne Janel Laplante, dont le nombre de clients a doublé en l’espace d’un an.

La Ferme Améroquois reste, d’abord et avant tout, une fabrique d’huile de tournesol, mais elle mise aussi sur l’agrotourisme pour optimiser son investissement. Environ le quart de ses revenus actuels proviennent de l’organisation des Tournesols plein la vue, une activité qui permet aux visiteurs de découvrir les champs lorsque les tournesols sont à leur plus beau, vers la fin du mois d’août. Cet été, 1 800 personnes se sont rendues à la ferme et l’an dernier, 2 900. « Ma stratégie de champ, c’est plus comme un modèle réduit de ce que peut être une ferme en grandes cultures », explique l’entrepreneur, dont la culture de tournesols ne s’étend que sur quelques hectares. « Pour compenser mon manque de superficie, je fais affaire avec des producteurs d’ici », précise le producteur. « Ces gens sont bien plus expérimentés et équipés que moi pour produire en biologique, sans compter que ce type de régie représente un défi en soi », ajoute-t-il.

La Ferme Améroquois organise l’événement Des tournesols plein la vue, où les visiteurs peuvent découvrir la culture du tournesol ainsi que les produits qui peuvent en être tirés. Photo : Gracieuseté de la Ferme Améroquois
La Ferme Améroquois organise l’événement Des tournesols plein la vue, où les visiteurs peuvent découvrir la culture du tournesol ainsi que les produits qui peuvent en être tirés. Photo : Gracieuseté de la Ferme Améroquois

Une soixantaine de tonnes de graines de tournesol ont été transformées sur le site de Sainte-Christine, cette année. Comme chaque tonne permet d’extraire de 300 à 320 litres d’huile, autour de 20 000 litres sont sortis du pressoir. Cette quantité devrait passer à 30 000 litres, l’an prochain, grâce aux clients deux fois plus nombreux sur lesquels compte la jeune entreprise. La production se destine à la vente au détail, aux transformateurs alimentaires et à la restauration.

Convaincre les producteurs de grains

Janel Laplante explique le fonctionnement du cribleur à grains. Photo : Claude Fortin
Janel Laplante explique le fonctionnement du cribleur à grains. Photo : Claude Fortin

Parmi les défis que doit relever la ferme, comme les autres producteurs québécois d’huile de tournesol, il y a la régularité de l’approvisionnement en graines. « C’est sûr que c’est un défi de rester dans la rotation de culture des producteurs », admet Janel Laplante. « Il faut se battre avec la fluctuation des prix. L’augmentation du prix du soya, ça a fait mal un peu, ça rendait cette culture plus intéressante. Il a fallu s’ajuster », explique le producteur.

Les quatre producteurs d’huile de tournesol du Québec travaillent d’ailleurs à la formation d’un réseau d’entraide dont un des objectifs consiste à favoriser le partage des connaissances, mais aussi, à parler d’une seule voix lorsqu’il est temps de discuter avec les producteurs de grains. « On est en train de standardiser les normes et les prix pour éviter la compétition sauvage. L’idée, c’est d’arriver à être assez compétitifs, assez intéressants au niveau du tournesol, pour que les producteurs de grandes cultures acceptent d’en produire », soutient Janel Laplante.

Une autre organisation, un peu plus large, se trouve aussi dans les cartons, affirme le président d’Améroquois. Elle devrait regrouper l’ensemble des producteurs d’huile du Québec, et pas seulement d’huile de tournesol. « On est en train de mettre en place une organisation pour identifier les producteurs d’huile du Québec », signale Janel Laplante. L’entrepreneur espère que l’alliance des producteurs d’huile de la province permettra de faire face de manière plus efficace à la concurrence, d’où qu’elle vienne. « Notre principal concurrent, nous autres, c’est l’huile d’olive, et l’huile qui vient d’outre-mer », dit le producteur de l’huile Champy.

Claude Fortin, collaboration spéciale


Ce texte provient du cahier Grains publié dans La Terre de chez nous du 19 octobre 2022