Vie rurale 8 septembre 2014

Entrepreneurs de père en fils

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

En tant que dignes Beaucerons, les membres de la famille Cyr cultivent leur fibre entrepreneuriale et la transmettent de génération en génération.

SAINT-ELZÉAR — Fils d’agriculteur, Hector Cyr part de zéro lorsqu’il décide de suivre les traces de son père, Wilbrod. En 1954, le jeune homme achète une terre d’une quarantaine d’hectares (ha) pour y construire une maison et une grange. Il démarre en affaires avec quatre vaches et un cheval pour labourer. L’année suivante, Hector se procure un tracteur, un vieux modèle dont le siège est installé « huit pieds dans les airs! Ça prenait un gars pas nerveux », plaisante le producteur de 81 ans. Puisqu’il s’avère difficile de vivre avec quatre vaches, du bétail supplémentaire vient « engraisser » la ferme.

Après avoir fait l’acquisition de premières vaches croisées « bleu, blanc et rouge », M. Cyr « se greye » d’animaux de race Holstein. Au début des années 1960, son troupeau compte une quarantaine de têtes. Hector Cyr est l’un des premiers agriculteurs de son coin de pays à investir dans les plus récentes technologies : des trayeuses, une ligne à lait et un réservoir réfrigéré. De plus, à deux reprises, le producteur devra agrandir l’étable pour y accueillir des pensionnaires supplémentaires.

En 1964, un bâtiment d’élevage d’une capacité de 10 000 poulets à griller, l’un des premiers de cette taille à l’époque, est érigé. Toujours à la recherche de nouveaux défis, l’entrepreneur tâtera également de la production de bovins de boucherie avec des vaches de race Angus.

Puis, en 1978, il décide de se lancer dans la production porcine. La conjoncture est plus que favorable avec des prix dépassant les 0,70 $/lb. Une première porcherie, un engraissement de 1 500 places, est alors construite. Encore une fois, l’éleveur ne lésine pas sur les dépenses et installe l’équipement le plus récent : un soigneur automatique. Deux ans plus tard, un deuxième engraissement s’ajoute.

Au fil du temps, M. Cyr procède à l’achat de plusieurs terres. Une puis deux cabanes à sucre sont aussi annexées à l’entreprise Hector Cyr inc.

Au début des années 1980, l’homme d’affaires vend les divisions laitière et avicole à son fils aîné, Marcel. En 1987, c’est au tour de Gaétan de se porter acquéreur du volet porcin, qui compte 3 000 têtes en engraissement. Hector se retire ainsi après s’être investi, avec succès, dans plusieurs productions. « L’ouvrage, ça ne me fatiguait pas plus que ça », avoue modestement l’octogénaire. Tout au long de sa fructueuse carrière, il a pu compter sur le soutien de son épouse, Maria, qui n’hésitait jamais à mettre la main à la pâte. Elle s’avérait d’ailleurs une redoutable « pileuse » de balles de foin. « Maman, ça prenait un gars solide pour l’accoter », raconte Gaétan, le deuxième des trois fils Cyr.

Esprit d’entreprise

Hector a transmis son œil avisé pour les opportunités d’affaires et son sens de l’innovation à ses enfants. Malgré ses aptitudes scolaires, Gaétan, le cadet de la famille, quitte l’école pour s’établir à temps plein sur la ferme à l’âge de 15 ans. Blessé à la suite d’une ruade lancée par une vache, il ne démontre aucun intérêt pour la production laitière. En revanche, l’élevage porcin le passionne.

En 1987, il prend la relève de son père à la tête des deux engraissements. Gaétan Cyr se rappelle avec nostalgie ses premières belles années en production, lorsqu’il possédait « seulement » 3 000 porcs. Malheureusement, les journées n’étaient pas assez chargées à son goût. Il ne tarde pas à acheter des élevages et des terres. Aujourd’hui, ses différentes entreprises, qui portent toutes le nom Porcité, exploitent une maternité de 900 truies et engraissent 5 400 porcs. La famille Cyr fait aussi appel à des éleveurs à forfait pour l’exploitation d’une pouponnière de 3 600 places et d’un engraissement de 1 300 têtes. Elle possède 600 ha de terres, dont 445 en culture (maïs et soya), de même qu’une cabane à sucre d’environ 5 000 entailles.

Innovation

Dès ses débuts en production, Gaétan Cyr se voit offrir du petit-lait pour engraisser ses porcs. La pratique était alors peu répandue au Québec, mais au cours d’un voyage en Europe, il constate la popularité de l’alimentation « en soupe ». De retour au bercail, il se procure un système automatisé d’alimentation liquide.

Outre le lactosérum, la ferme a fait l’essai de plusieurs ingrédients inusités tels que des petits gâteaux Vachon et des pains, déballés un à un par les trois enfants de Carmen et Gaétan : Andréanne, Daniel et Steven. Ces expérimentations ont été ponctuées de quelques anecdotes. Avec de la drêche de brasserie fermentée par erreur, Hector et Gaétan découvrent la signification de l’expression « saoul comme un cochon »! Le père et le fils rient encore en racontant comment ils ont dû sortir un porc en état d’ébriété de son enclos afin qu’il dégrise!

À l’heure actuelle, les sous-produits constituent 70 % de l’alimentation des porcs, ce qui réduit considérablement les coûts de production. « L’alimentation, c’est la clé », assure Gaétan Cyr, toujours à la recherche d’une plus grande efficacité. « J’ai toujours voulu atteindre les sommets », ajoute-t il.

Le producteur demeure fidèle au lactosérum, notamment grâce à un partenariat de longue date avec la Fromagerie Cayer, de Saint-Raymond-de-Portneuf. Le propriétaire de l’entreprise, Denis Cayer, a donné un sérieux coup de pouce à la mise en place du volet transport du Groupe Porcité, qui manipule un million de litres de sous-produits laitiers chaque semaine. D’ailleurs, Gaétan Cyr se montre particulièrement fier de sa flotte rutilante de camions.

En partant de presque rien, l’entrepreneur a réussi à se bâtir un impressionnant parc de machineries. Ce dernier est composé de tout l’équipement nécessaire à la production de maïs et de soya de même qu’à la mise en culture de terres en friche. L’agriculteur et son fils font eux-mêmes leurs travaux de drainage, d’excavation et offrent leurs services pour des travaux à forfait. « On a peur de s’ennuyer », plaisante M. Cyr, qui s’avoue grand amateur de machinerie.

Efficacité

En dépit de la crise qui a secoué le secteur porcin au cours des dernières années, la compagnie de Gaétan Cyr a réussi à se démarquer du lot. « Si l’on n’avait pas de sous-produits, on serait morts depuis longtemps », confie l’homme d’affaires. Le secret de cette longévité réside aussi dans la diversification des activités.

Il souligne du même souffle le soutien de son ex-conjointe Carmen, un pilier important de la ferme. Elle dirige toujours la maternité de 900 truies. « Les enfants nous ont également donné de gros coups de main. On est montés à une certaine vitesse et là, Steven a une belle entreprise », précise le fier père de famille. Il peut aussi compter sur une « bonne équipe » d’une douzaine d’employés ainsi que sa relève, son fils Steven. Le diplômé en technique de gestion et exploitation d’entreprise agricole du Collège Macdonald (Farm Management and Technology Program) est devenu actionnaire à 20 % de la maternité en 2005. Depuis 2011, le jeune homme de 28 ans possède Produits ADS, qui engraisse 2 900 porcs/année. En dépit du contexte parfois éprouvant en production porcine, Steven aime son métier. Il sait qu’il peut se reposer sur la solide expertise de ses parents et sur des installations de pointe. Grâce à l’automatisation, l’agriculteur contrôle du bout des doigts, sur son téléphone intelligent, les opérations des différentes fermes.

Héritage

Aujourd’hui, trois générations de Cyr se côtoient sur la ferme. À 81 printemps, Hector donne encore un coup de main. Il travaille toujours à la cabane à sucre. De plus, il lui arrive de labourer. C’est une activité qu’il affectionne particulièrement. En effet, Hector n’hésitait pas à partir retourner la terre, en cachette, pendant que son épouse jouait aux cartes. « J’ai connu les bœufs, les chevaux et les tracteurs », raconte-t il. « Et là, il voit les GPS », ajoute son fils Gaétan. Le patriarche s’avoue d’ailleurs impressionné par la technologie actuelle. « Le tracteur dévire tout seul au bout du champ, illustre-t il. Pour être cultivateur, il faut aimer ça. Un gars qui branle au vent, ce n’est pas fort. Je suis fier de mes gars, qui ont persévéré et performé. » « Je suis fier d’avoir pris de l’expansion et d’avoir relevé les défis, poursuit Gaétan. Il faut être innovateur et réellement aimer ce qu’on fait, comme disait papa », conclut-il.

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