Vie rurale 7 février 2023

Entendu au « son de la Terre »

Dans le cadre du Salon de l’agriculture, La Terre de chez nous a été invitée à animer trois panels de discussions sur des sujets agricoles variés. Chacune de ces rencontres a permis à trois intervenants d’échanger sur des enjeux de l’heure. Pour vous donner un avant-goût, voici les réponses des panélistes à une question posée par l’animateur Vincent Cauchy.

Biométhanisation

Q  Est-ce que le contexte actuel autant sur le plan économique que politique et environnemental est favorable à l’implantation de projets de biométhanisation?

R  Josée Chicoine (codirectrice générale chez Coop Agri-Énergie Warwick) : Il faut parler du prix de l’énergie parce qu’ultimement, on ne peut pas faire un projet s’il n’est pas rentable. La pérennité et la rentabilité d’un projet sont les deux premiers éléments, mais il y a d’autres facteurs qui font que le contexte est favorable pour la biométhanisation en ce moment. La situation climatique actuelle en est un. Le gouvernement a déployé un plan pour une transition énergétique. Nous avons l’hydro­électricité au Québec, mais il y a tout un pan énergétique qui a besoin d’être verdi, notamment quand on pense au gaz naturel de source fossile. Ça fait longtemps que les producteurs regardent des projets à la ferme, mais les choses n’étaient pas en place comme elles le sont aujourd’hui.

R  Simon Naylor (président de Keridis Bioénergie) : Nos agriculteurs, ici, ce sont des pros. Ils ont des grosses fermes, ils sont curieux, scientifiques et ils veulent se diversifier. De la biométhanisation, ça ferait 10 ou 15 ans qu’on en aurait ici si c’était un environnement d’affaires favorable. L’environnement est en train de devenir favorable, notamment parce qu’Énergir peut commencer à nous payer un vrai prix pour le GNR [gaz naturel renouvelable] agricole et parce que les ministères commencent à donner des subventions pour des projets de construction.

R  Raphaël Duquette (directeur principal de l’approvisionnement et du développement des gaz renouvelables chez Énergir) : C’est par la demande de notre clientèle pour se décarboner qu’il y a un marché qui s’est généré et qu’on a dû aller chercher plus de gaz renouvelable à un prix qui fait en sorte que les projets puissent être rentables. Il y a eu beaucoup d’avancements dans les dernières années. Un des gros jalons, c’est le gouvernement du Québec qui a imposé une proportion de gaz renouvelable pour les distributeurs gaziers, ce qui a généré un marché. On a donc une obligation d’avoir dans notre réseau 5 % de GNR d’ici 2025 et 10 % d’ici 2030. Ça crée une demande et ça fait en sorte qu’on est en mesure de payer plus cher pour le gaz. On s’assoit avec les promoteurs et on regarde quel est le prix pour qu’un projet soit rentable.


Nouvelles technologies

Q  Comment fait-on pour convaincre un client d’être parmi les premiers à adopter des nouvelles technologies?

R  Mathieu Phaneuf (président d’Agrilog) : La relation de confiance est très importante. Il faut leur faire comprendre que nous ne sommes pas des vendeurs itinérants qui arrivons avec des crayons. Nous ne sommes pas pour leur vendre un truc et disparaître dans la brume. Ce qu’on veut, c’est construire une entreprise. Et au final, il ne faut jamais oublier qu’un client satisfait va en attirer un autre.

R  Jérôme Boissoneault (président-directeur général d’AYOS technologies) : La première chose est de reconnaître qu’il y a une problématique. En bout de ligne, tu pars une entreprise pour aider à résoudre le problème, que ce soit pour réduire un coût, améliorer la rapidité, etc. Parfois, ce n’est pas juste le producteur; c’est l’ensemble de l’écosystème qui doit le comprendre pour que ce soit favorisé. Le client, ou le partenaire, doit reconnaître la problématique et doit avoir le goût d’y mettre de l’énergie un peu. Le client a souvent cherché des solutions ailleurs avant de trouver la tienne et de décider d’embarquer avec toi.

R  Guillaume Breton-Ménard (directeur des opérations chez Chrysalabs) : Quand on regarde les exploitants les plus performants au Québec, dans l’Ouest canadien ou aux États-Unis, on voit qu’ils ont tous adopté la technologie. Quand on regarde de plus haut, on voit que la vague n’est pas en train d’arriver, mais qu’elle est déjà arrivée. C’est notre responsabilité d’éduquer les gens sur les avantages d’adopter la technologie.


Bien-être animal

Q  Est-ce que les changements demandés dans les codes de pratique entraînent nécessairement des coûts exorbitants pour les producteurs?

R  Martine Denicourt (professeure invitée à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal) : Les codes de pratique présentent des exigences, mais généralement, comme dans le porc, il y en a cinq ou six qui accrochent et une centaine qui ne posent pas de problème et auxquelles les producteurs répondent vraiment. Dans les éléments peu coûteux, notamment dans le porc, il y aurait les mesures d’enrichissement. Ajouter des chaînes, ajouter des jouets, ce n’est pas très dispendieux et les producteurs voient rapidement que les bêtes ont du plaisir à jouer avec ça. Mais, là aussi, il faut faire les changements en y pensant. J’ai déjà vu une chaîne qui avançait toute seule. Toutes les sept minutes, elle avançait avec des objets différents au bout du parc. C’est parfait côté bien-être, mais côté biosécurité, si tu veux répandre une maladie, c’est une excellente façon. Il ne faut jamais oublier la question de la santé et de la biosécurité.

R  Steve Adam (expert en confort, bien-être et comportement animal chez Lactanet) : Au Canada, on se dirige vers la stabulation libre de plus en plus. Parmi les petites choses qu’on peut faire, il y a la gestion des génisses. Les recherches ont prouvé que tu adaptes une génisse à côtoyer une autre petite génisse en bas âge et que lorsqu’elles sont en groupe par la suite, c’est plus facile. Comme ça, lorsqu’elles arrivent en stabulation libre, elles sont déjà prêtes à compétitionner entre elles et à vivre en société. Juste de prendre des parcs individuels comme dans le passé et d’enlever la séparation, ça ne coûte pas vraiment cher et on peut faire un bon bout de chemin sans avoir la grosse pouponnière neuve.

R  Anne-Marie Raîche (superviseure au développement de services techniques chez Trouw Nutrition Canada) : Je ne crois pas que ce soient les codes de pratique qui ont forcé les producteurs à faire des ­changements. Ça fait une vingtaine d’années que je suis dans le milieu et je peux dire que les producteurs ont commencé bien avant ça à faire des changements. Ils ont voulu donner une image à leur métier, démontrer à quel point ils sont passionnés et font attention à leurs animaux.


Pour écouter l’ensemble des épisodes de la balado Le son de la Terre, cliquez ici.