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Si la fonction première de l’agriculture est de nourrir, il arrive qu’elle soit pratiquée à d’autres fins, comme la production de produits cosmétiques.
Depuis six ans, Geneviève Bergeron, propriétaire de La Fibre Végétale, une ferme maraîchère biologique, a ajouté à ses cultures le luffa, de la famille des cucurbitacées, qui, une fois à maturité, sèche et donne une fibre qui se transforme en éponge. Voulant se démarquer avec un élément plus niché, l’agricultrice est parmi les rares dans la province à cultiver cette plante tropicale qu’elle fait pousser en serre. La production de ce légume, pour lequel peu de littérature existe, représente davantage un défi que la mise en marché. Elle a dû y aller par essais et erreurs. « Tout est à trouver : la fertilisation, l’espacement, le séchage, l’arrosage, la température », énumère-t-elle.
La demande, surtout dans les boutiques bio et zéro déchet, l’encourage à poursuivre. L’agricultrice cultive actuellement 500 luffas et prévoit bientôt augmenter la production à 1 700.
Philippe Choinière, lui, a grandi dans un verger. Des recherches sur le bio et les produits biodégradables l’ont mené vers le monde des cosmétiques. Ce dernier voulait avoir un impact plus positif sur l’environnement. « J’ai réalisé qu’on avait la capacité de cultiver des plantes à la ferme pour en faire des cosmétiques. Le défi n’est pas dans la culture et l’extraction, mais plutôt d’en faire un produit fini et performant », affirme celui qui est copropriétaire avec sa conjointe de l’entreprise Oneka.
Leurs produits d’hygiène corporelle sont conçus à partir de leurs cultures, mais aussi d’importation, puisqu’il est difficile de tout cultiver au Québec. Par contre, l’entreprise lancera un shampoing composé à 95 % d’ingrédients du Québec, puisqu’il sera fabriqué à base de vinaigre de cidre conçu par son frère.
Un marché encore trop petit
L’utilisation d’ingrédients issus de l’agriculture québécoise dans les cosmétiques demeure toutefois marginale. Pour être utilisée dans ce type de produits, la matière doit être transformée par un procédé d’extraction ou de distillerie.
Selon Isabelle Villeneuve, de la firme Intega, qui commercialise des produits des marques Laboratoire Dr Renaud et Alyria, le marché des cosmétiques québécois est trop petit pour justifier une industrie d’extraction et de transformation. « On a des ressources originales et des éléments intéressants au Québec, mais ça prend une masse critique pour permettre d’optimiser le coût de production », avance Mme Villeneuve. Ses produits comportent des ingrédients issus de la pomme ne provenant pas du Québec. Elle souligne avoir déjà été approchée par des entreprises souhaitant faire la transformation de matière végétale, sans que les démarches aboutissent.
Aliksir, un fabricant d’huiles essentielles à base de plantes et d’arbustes cultivés au Québec depuis 33 ans, a comme principal marché l’exportation, mais cela tend à changer. « On n’était pas tant populaires au Québec à cause des prix. Notre créneau est davantage la qualité. Avec la période qu’on vient de passer, la demande a augmenté au Québec », souligne Nathalie Vinet, coordonnatrice des ventes au détail.
Le prix est d’ailleurs le frein principal à l’essor des ingrédients de cosmétiques issus de l’agriculture québécoise, selon Sarah Hunter, fondatrice de Coco et Calendula, un grossiste de matière première pour ces produits. « Ça prend de grands champs et une croissance longue. Il faudrait cultiver en serre. Ça fait augmenter le prix vite », dit-elle en précisant que les produits québécois coûtent souvent deux à trois fois plus chers que ceux d’ailleurs.
Approvisionnement local en huile de caméline Annie Poudrette a choisi de confectionner des cosmétiques avec comme ingrédient principal l’huile de cameline produite à partir de cultures du Québec par Oliméga. « J’ai fait des recherches et cette huile avait les propriétés que je voulais », raconte la fondatrice d’ÖL Cosmétiques. Elle ajoute accorder une grande importance à la traçabilité de ses composantes et aime avoir accès directement aux producteurs. Pour les producteurs et transformateurs d’huile végétale, ce marché permet d’augmenter les ventes et d’offrir une meilleure visibilité à leur produit. L’huile est la même, qu’elle soit avalée ou intégrée dans un produit cosmétique. « Ça nous permet d’augmenter notre volume, mais surtout de faire connaître davantage la caméline au grand public », indique Chantale Van Winden, présidente-directrice générale chez Oliméga, qui cultive et transforme cette plante crucifère. Quelques entrepreneurs s’y approvisionnent d’ailleurs en huile pour confectionner des cosmétiques. |