Vie rurale 18 janvier 2023

De la monnaie locale permettant des gains de santé publique

AMOS – La plupart des monnaies locales visent à encourager l’achat local, mais la « monnaie santé », seulement acceptée au marché public d’Amos, a d’autres visées : en plus de renforcer le lien entre les consommateurs et les producteurs locaux, elle cherche aussi à promouvoir l’acquisition de saines habitudes de vie.  

La ressemblance des billets avec ceux du jeu Monopoly ajoute une dimension ludique à l’exercice. Photo : Marie-Andrée Dubois
La ressemblance des billets avec ceux du jeu Monopoly ajoute une dimension ludique à l’exercice. Photo : Marie-Andrée Dubois

En ce jeudi midi de la fin septembre, c’est l’abondance au marché public d’Amos, où les visiteurs profitent d’une dernière chance de faire des provisions de courges, de choux, de carottes, de tresses d’ail, etc., pour les mijotés d’automne et les conserves d’hiver. 

Au kiosque des Jardins de la colonie, on accepte les dollars, mais aussi la « monnaie santé » mise sur pied par le marché public et la Coalition pour les saines habitudes de vie (CASH). « Ça amène de l’affluence, de nouvelles clientèles et on est bien heureux de ça. Ils ne sont souvent pas portés à venir au marché; ça leur donne une occasion de venir », illustre la maraîchère Nancy Marcotte, en faisant référence aux nouveaux adeptes encouragés par l’accès à ces billets distribués par des professionnels de la santé. 

« Monopoly » santé

La trésorière de CASH, Marie-Andrée Dubois, abonde dans le même sens. « Des médecins, des nutritionnistes, des infirmières et des travailleurs sociaux vont redistribuer la monnaie santé [à] des personnes qui ne seraient pas nécessairement allées au marché public parce que ce n’est peut-être pas dans leurs habitudes. [Les billets] permettent d’acheter tous les produits peu ou pas transformés comme des fruits et légumes, des œufs et du fromage », dit-elle, ajoutant que la ressemblance des billets avec ceux du jeu Monopoly ajoute une dimension ludique à l’exercice.

Outre les retombées de santé publique, les forfaits achetés par des employeurs permettent aussi de financer le fonctionnement du marché public et de renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté. 

« Ça insuffle l’esprit de joie et de célébration au marché. Qui n’est pas heureux de dépenser de l’argent Monopoly pour obtenir quelque chose de savoureux? », renchérit le Dr Bert Govig, spécialisé en santé publique. « Le fait de ‘‘gagner’’ cet argent peut aussi être un déclencheur pour créer une habitude, peut-être même inciter ces gens à faire découvrir le marché à leurs amis. »

Même s’il n’y a pas d’autres déclinaisons de « monnaie santé » au Québec, d’autres initiatives de monnaies locales visent des retombées en santé publique ailleurs dans le monde. « J’avais monté le projet en m’inspirant de projets semblables dont j’avais pris connaissance en participant à un colloque de Sustain Ontario », se souvient Annie Boivin, idéatrice du concept amossois. 

Le professeur Christophe Stamm, qui s’intéresse au sujet des monnaies locales dans le cadre de ses fonctions à la Chaire de recherche de l’UQAM sur la transition écologique, cite aussi l’exemple du grama dans les villes catalanes de Santa Coloma et Gramenet. « Si on donne [aux gens à faible revenu] un supplément de salaire ou des bons qui sont liés à l’achat local, ça peut faire un double avantage à la fois pour les commerces locaux et pour ces gens qui peuvent acheter de l’alimentation qui est plus santé et à laquelle ils n’ont pas accès sinon », affirme-t-il.

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