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Sans les grandes corvées, le paysage agricole québécois n’aurait pas le même visage aujourd’hui. Cette tradition d’entraide remonte à l’arrivée des premiers colons au Québec.
« Autrefois, les cultivateurs ne pouvaient pas se passer des corvées. Ils n’avaient pas d’employés », raconte l’écrivaine beauceronne Jeanne Pomerleau, auteure de nombreuses œuvres dont Corvées et quêtes – Un parcours au Canada français, de même que Les grandes corvées beauceronnes.
« Toutes les corvées, c’était pour travailler ensemble, mais aussi pour fêter et être moins seul. Il en existait pour à peu près tout. Les gens formaient des groupes de 14 ou 15. En peu de temps, la maison était montée », poursuit Mme Pomerleau.
Chaque saison amenait son lot de corvées. Le printemps était synonyme de sciage de bois. Durant l’été, même le contrôle des « bibittes à patates » faisait l’objet de corvées en famille. À l’automne, les habitants faisaient boucherie. Aujourd’hui, les corvées de bois de chauffage sont d’ailleurs toujours présentes dans nos campagnes.
Un peu d’histoire
À l’époque de la Nouvelle-France, la corvée se définissait comme le droit du seigneur de faire travailler ses censitaires sans les rémunérer. Ce droit était limité à trois jours durant les semis, un jour pendant la récolte du foin et un autre pour le reste des moissons. En 1731, pendant la construction du chemin du Roy, chaque censitaire ayant une terre le long du tracé était responsable des travaux sur son segment, que ce soit pour le défrichement ou l’empierrement. Puis, dans les années 1760, sous le régime britannique, chaque habitant devait consacrer huit jours de corvées aux travaux de voirie, en plus d’entretenir les chemins de sa terre, sous peine d’amende, révèle le livre Brève histoire socio-économique du Québec. Avec le temps, les corvées sont devenues volontaires. Dans certaines communautés, le nom de ces activités était remplacé par l’expression « faire un bis (bee) ».
« Ce n’était pas l’argent qui comptait, mais l’entraide » – Yvette B. Côté, agricultrice de 96 ans Martin Ménard SAINT-HYACINTHE — L’une des plus vieilles lectrices de La Terre de chez nous, Yvette B. Côté, 96 ans, se rappelle des corvées. « À l’époque, ce n’était pas l’argent qui comptait en agriculture, mais l’entraide. Chacun connaissait les besoins des autres producteurs et on ne les laissait pas dans la misère », se remémore avec plaisir celle qui demeure encore sur sa ferme située à Saint-Hyacinthe. S’il y avait un bâtiment à construire ou du foin à engranger rapidement avant la pluie, l’arrivée de renforts était fréquent, assure Mme Côté. « On aidait parfois les gens à faire leurs travaux aux champs, surtout ceux qui n’avaient pas une bonne santé. Ce n’était pas la personne elle-même qui demandait de l’aide, mais quelqu’un d’autre qui passait dans le rang pour nous informer », se rappelle-t-elle. Elle et son mari ont participé à des corvées. « Les jeunes aussi y allaient. Ils apprenaient à construire les bâtiments avec les plus vieux », ajoute-t-elle. Mme Côté ne critique pas l’évolution des fermes d’aujourd’hui, qui misent sur des employés formés et qui disposent de « toute la machinerie nécessaire ». Elle note cependant que les agriculteurs étaient moins indépendants à l’époque. « Le côté social de l’agriculture a été très important pour moi. C’était sympathique les corvées. Les gens se tenaient de façon marquée. Et on se connaissait tous dans le rang, c’était du bon monde », conclut-elle. |