Vie rurale 10 février 2022

Comment réussir un jardin dans son sous-sol

SAINT-JUDE ― À travers les rigueurs de l’hiver, pourquoi ne pas créer un coin d’été dans le sous-sol pour faire pousser de belles tomates juteuses, des poivrons, des haricots, de la salade et des fines herbes?

Une oasis de ce genre se trouve dans la maison de campagne de Véronique Côté, à Saint-Jude, en Montérégie. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce type de projet est accessible à tous, notamment grâce aux nouvelles lumières DEL qui imitent les rayons du soleil sans coûter une fortune en électricité, assure Mme Côté, enseignante en horticulture à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe.

« J’adore mon jardin intérieur! Chaque jour, je descends le voir, je l’arrose et je cueille les légumes dont j’ai besoin pour les repas. C’est beau, c’est frais, c’est écologique et économique », mentionne-t-elle à La Terre.

Il existe plusieurs options pour créer un jardin intérieur. Une simple étagère située près d’une fenêtre et surplombée de lampes aux DEL s’avère un bon départ. Une pièce inutilisée au sous-sol devient idéale lorsque l’on vise une plus grande production.

La recette du succès en quatre points

Selon Véronique Côté, la recette du succès d’un jardin intérieur tient en quatre points. Premièrement, un jardin intérieur se prépare tôt. L’horticultrice aménage le sien dès le mois de septembre afin qu’il puisse livrer ses premiers légumes en novembre et pour tout l’hiver.

Deuxièmement, il faut résister à la tentation de transférer des plants provenant du jardin extérieur vers l’intérieur ou d’utiliser du compost et de la terre du jardin, car ils pourraient être accompagnés de petits amis… « On ne veut pas partir notre jardin intérieur avec une population déjà existante de mouches et d’insectes », indique l’enseignante, qui recommande d’acheter du terreau d’empotage pour l’intérieur et d’ajouter un quart de volume de fibres de coco et un quart de biochar, lesquels aident entre autres à la structure du sol et à la rétention d’eau.

Troisièmement, le choix des contenants est important. « Avant, je prenais des gros contenants usagés provenant des pépinières. C’est bien pour faire pousser de petits plants ou une pomme de laitue individuelle, mais pour les autres plantes comme des tomates, l’espace aux racines devient limité. Je préfère la technologie Smart Pot [des contenants en géotextile] qui maximise l’espace et offre plus d’options de densification », explique l’horticultrice qui place ces contenants sur des petits morceaux de bois afin de laisser passer l’air en dessous, diminuant de facto les sources de maladie aux racines.

En quatrième lieu, le clou du spectacle est la lumière. L’enseignante précise que des tubes néon pour la croissance des plantes ou des lumières DEL bleues, moins chères et faciles à trouver, font très bien pour les fines herbes et autres végétaux dont on mange le feuillage. « Si vous voulez obtenir des fruits (concombres, tomates, etc.), il faut investir dans des lampes performantes comprenant des rayons UV rouges. C’est plus cher à près de 200 $ chacune », dit-elle, en recommandant de surcroît l’installation de déflecteurs afin d’optimiser la lumière.

L’horticultrice conseille d’utiliser des tables usagées pour ajuster la hauteur des plants par rapport à la lumière. « Plus les plants sont près de ton éclairage, plus ils font de la photosynthèse et plus ils poussent vite », dit Mme Côté. Photo : Martin Ménard/TCN
L’horticultrice conseille d’utiliser des tables usagées pour ajuster la hauteur des plants par rapport à la lumière. « Plus les plants sont près de ton éclairage, plus ils font de la photosynthèse et plus ils poussent vite », dit Mme Côté. Photo : Martin Ménard/TCN

On commence!

Dans son jardin intérieur, Véronique Côté utilise les vieilles semences du printemps dernier. Elle met deux graines par trou pour les tomates et les concombres et conserve ensuite la plantule la plus vigoureuse. En ce qui concerne les fines herbes et les pousses comme le mesclun, elle conseille d’insérer plusieurs semences par trou afin d’obtenir des bouquets qui augmenteront le volume récoltable. Selon elle, ceux qui ont de la misère avec la germination devraient prendre des semences enrobées et bien lire les instructions sur le sachet.

L’horticultrice maintient une température d’environ 20 °C dans la pièce, attend que les premières plantules fassent leurs apparitions et ensuite, elle met la gomme en allumant ses lumières 12 heures par jour pour le reste de l’hiver. Elle consacre toujours un espace à la germination de nouveaux plants qui remplaceront ceux qu’elle mange. Mme Côté recommande de démarrer soi-même ses cultures au lieu d’introduire des plantes provenant d’un magasin ou d’un ami, qui pourraient apporter maladie et insectes.

Lorsque les racines accaparent tout l’espace du pot de germination, elle les transfère dans des pots plus grands et finalement dans les Smart Pot.

L’arrosage, l’un des nerfs de la guerre, s’effectue quotidiennement et à petite dose. « Il ne faut pas délaver la terre en arrosant trop. L’eau ne doit pas couler sous le pot », insiste-t-elle, en spécifiant qu’elle laisse l’eau de ses arrosoirs reposer à température pièce au moins 24 heures à l’avance afin de diminuer le choc thermique aux racines.

Miam, la récolte!

Les légumes-feuilles sont les premiers à être récoltés. « Au lieu de couper une pomme de salade, je prélève les plus vieilles feuilles ou celles qui poussent en périphérie de la laitue, même chose pour les bok choys ou le mesclun. Les plants demeurent ainsi productifs plusieurs semaines », précise-t-elle.

D’ailleurs, elle invite ceux qui doutent de leurs talents de jardinier intérieur à se faire la main avec les fines herbes et les légumes-feuilles avant de passer à la culture de tomates et d’autres fruits.

La finale

Au mois de mars, elle profite de ses installations intérieures pour démarrer ses boutures extérieures, et en mai, elle transplante les plants « qui ont encore du gaz », ses tomates par exemple, vers son jardin extérieur. « Un petit truc pour terminer : au printemps, lorsque le jardin intérieur est démantelé, on désinfecte la pièce du sous-sol et on laisse sécher le terreau. À l’automne, tout sera prêt pour recommencer… sans insectes et sans maladie! », conclut-elle. 

Attention à l’humidité

Avant de commencer le tout, il faut penser à l’humidité. Un taux d’humidité trop élevé peut entraîner des maladies fongiques aux plants et causer des problèmes d’humidité à la pièce. Au-delà de 50 % d’humidité, Véronique Côté recommande de démarrer un déshumidificateur ou d’installer un ventilateur à détection d’humidité qui évacue les surplus à l’extérieur de la maison.

Trucs de « pro »

Concombres

« J’utilise le libanais, car les fleurs n’ont pas besoin de pollinisation. Il produit des fruits plus rapidement qui sont aussi moins lourds et donc nécessite un tuteurage moins complexe. Le tuteurage s’effectue simplement en descendant une corde du plafond jusqu’à la base du plant. Vous entourez la tête du plant sur la corde à mesure qu’il grandit », explique Véronique Côté. Pour stimuler la croissance, elle enlève les feuilles qui sont situées sous les fruits. Elle coupe aussi les pousses latérales. Les plants de concombres étant plus propices aux maladies fongiques, si du blanc s’installe sur les feuilles, il faut s’assurer que le taux d’humidité de la pièce n’est pas trop élevé et il est possible de traiter.

Tomates

« Pour ne pas se compliquer la vie, choisissez une variété déterminée, idéalement une variété pour patio, ce qui donne un plant qui demeure nain, demandant moins d’entretien, mais qui produit de moins gros fruits », suggère l’horticultrice. Pour la grosse tomate, il faut choisir une variété dite indéterminée et recommandée pour la culture en serre. Les variétés indéterminées grimpent. Il faut donc les tuteurer comme pour les concombres, enlever les feuilles du bas au fur et à mesure que les tomates poussent plus haut et supprimer les gourmands. « N’hésitez pas à brasser les plants de temps en temps ou diriger un ventilateur sur les fleurs pour les féconder », conseille Mme Côté. 

Poivrons et piments forts

« Privilégiez les variétés comme les poivrons banane qui ne donnent pas de gros et lourds poivrons, afin d’éviter que le plant casse. Les poivrons vivent bien à l’intérieur. Le problème, c’est parfois le puceron ou la mouche de terreau. Vous pouvez traiter, le cas échéant, avec des savons insecticides qui sont homologués pour l’intérieur et pour le bon type d’insecte », exprime l’horticultrice.

Engrais

La fertilisation est primordiale à l’intérieur. Véronique Côté met une dose de mycorhizes et d’engrais granulaire (phosphore et potassium), au début, lorsqu’elle transplante ses plants. Elle rajoute du fertilisant granulaire minéral ou organique environ toutes les quatre semaines, selon les recommandations du fabricant. Cependant, chaque semaine elle offre à ses plants un bonus d’azote sous forme liquide, soit de l’émulsion de poisson qu’elle dilue avec l’eau d’arrosage. Une pulvérisation foliaire hebdomadaire d’éléments mineurs, comme le cuivre, le zinc et le manganèse, corrige également les carences. « Soyez généreux avec les fertilisants, car les plantes en production ont faim. Il importe cependant de diversifier ses fertilisants et les éléments qu’ils apportent, autrement les tomates et autres fruits goûteront l’eau », souligne-t-elle avant d’ajouter que trop fertiliser peut être contre-productif.