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LOUISEVILLE ‒ Martin Caron est devenu l’une des personnalités les plus influentes du milieu agricole canadien avec sa nomination au poste de président de l’Union des producteurs agricoles (UPA). La Terre l’a rencontré chez lui, afin de découvrir sa ferme, sa famille et un côté plus personnel de cet agriculteur de Louiseville, en Mauricie.
Première chose qui surprend : l’endroit! Sa ferme n’est pas située dans un rang. Il faut plutôt tourner dans une petite rue résidentielle. Son entreprise est entourée de maisons. Certains citoyens ont pratiquement sa laiterie dans leur cour arrière! Est-ce que la cohabitation est bonne? « Oui, et on travaille très fort avec le voisinage pour lui expliquer et vulgariser tout ce qu’on fait à la ferme, comme à quoi sert le maïs, l’orge ou le blé que nous cultivons et pourquoi nous appliquons des pesticides. […] On a aussi développé des petits trucs. Quand de nouveaux résidants arrivent, on leur fait visiter la ferme et on demande aux enfants de choisir un nom pour les génisses. Ça crée un lien », assure-t-il.
En marchant dans cette première couche de neige de l’année vers ses terres qui totalisent 245 hectares, Martin Caron arrête soudainement de parler, et s’immobilise. « C’est spécial, je vois encore mon grand-père marcher ici dans la neige. Mon père le suit, et moi, tout petit, qui essaie de suivre en sautant dans leurs pas. J’ai suivi leurs traces tout en ayant un chemin différent aujourd’hui », glisse-t-il, en faisant référence à sa récente nomination comme président de l’UPA, qu’il perçoit comme un accomplissement de vie. Sauf que son père n’était pas des plus heureux, au départ, que son fils commence à s’impliquer dans des organismes agricoles. « On avait tellement d’ouvrage qu’il ne comprenait pas pourquoi j’allais mettre du temps ailleurs. Il comprenait encore moins pourquoi on ne faisait pas nos réunions quand il pleuvait, raconte en souriant M. Caron, mais il m’a laissé y aller et a été fier de ce que j’accomplissais. »
La force
Martin Caron a visiblement une grande affection et admiration pour ses parents. Son père Gilles était connu pour sa force physique. « Il mesurait six pieds et avait les doigts deux fois larges comme les miens. Dans les concours pour lever des brouettes de briques, c’est lui qui gagnait. J’arrivais à la station-service et on me parlait de mon père. Mais cela avait un petit défaut, quand il vissait quelque chose, après ce n’était plus démanchable. »
Ne craignant pas l’ouvrage, l’homme a été briqueteur en même temps qu’agriculteur pour rapporter plus d’argent à la ferme, laquelle a nécessité des investissements pendant plusieurs années. Cette ardeur au travail, il l’inculquait aux enfants. « On venait de décharger du foin et il nous disait : « Pour vous reposer, allez soigner les taures! » ou « Allez repeindre le bâtiment en vous reposant » », se souvient Martin Caron.
La mort de son père, un dimanche à la ferme, à la suite d’un arrêt cardiovasculaire à l’âge de 63 ans, l’a profondément marqué. « Il m’a fallu un an juste pour passer à travers », se remémore-t-il, la voix encore brouillée.
Sa famille
Martin Caron a acheté la ferme de ses parents avec sa conjointe Chantal Tourigny en 1994, créant une nouvelle entité au nom de Ferme Macha. Une ferme laitière de 50 vaches en lactation ainsi que les multiples réunions des différents conseils d’administration empiètent nécessairement sur la vie familiale. « Ma mère avait le tour de passer les messages et de me dire subtilement de m’occuper de ma famille! Avant d’avoir un employé, je me trouvais donc du monde à l’occasion pour me remplacer la fin de semaine. Je me rappelle même d’un dimanche où je me lançais à la balle avec mon fils. L’inséminateur avait dit à la personne qui me remplaçait dans l’étable que je n’étais pas gêné de jouer pendant que lui travaillait à ma place. La personne avait répondu : « C’est lui qui a raison, et il en faudrait plus des agriculteurs qui prennent le temps de se lancer à la balle avec leurs enfants » », illustre M. Caron, conscient que la conciliation travail-famille n’est pas toujours évidente à la ferme.
Parlant de son fils Marc-Antoine, ce dernier arrive pendant l’entrevue. Tout sourire, il revient de l’une de ses formations de brasseur. Le jeune homme rêve de produire sa propre bière à partir des cultures de la ferme familiale dont il envisage de prendre la relève. Martin Caron spécifie qu’une portion de ses champs sert déjà à produire de l’orge brassicole cultivée sans engrais chimique ni pesticide. Ces grains sont vendus à une microbrasserie de la région que l’agriculteur se fait ensuite une fierté d’encourager.
Les pratiques environnementales, comme les cultures de couverture et le semis direct risquent aussi d’être reprises par son garçon. Par contre, la ferme laitière n’est pas dans ses projets. Martin Caron et sa conjointe n’y voient pas une fin pour autant et commencent des démarches auprès du service de maillage L’Arterre afin de trouver une relève non apparentée.
D’une présidence à l’autre Au fil de sa carrière, Martin Caron a entre autres présidé les Futurs professionnels de l’agriculture et le Syndicat de la relève agricole de sa région. Il a aussi été président du Conseil provincial des cercles d’amélioration du bétail, du Centre d’insémination artificielle du Québec et du géant de la génétique Semex Alliance. « Semex m’a amené beaucoup de bagages. Ça m’a ouvert sur le côté commercial et humain et m’a permis de voyager », mentionne le nouveau président de l’UPA. Celui qui a foulé le sol de plus de 12 pays pour des voyages à caractère agricole se souvient entre autres d’une discussion marquante en Serbie. « J’étais en voiture et j’ai fait la remarque que les fermes étaient pauvres. Le conducteur a rangé la voiture sur l’accotement et m’a dit : « Vous savez, Monsieur, ici les gens avaient perdu le pouvoir de décider dans leur ferme. Aujourd’hui, ils n’ont peut-être pas grand-chose, mais ils décident chez eux. Ils sont libres. Ça, c’est une richesse » », rapporte M. Caron. |