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Nul besoin de se rendre dans la forêt boréale pour croiser un authentique trappeur. Gardien d’une tradition millénaire, Arthur Roy pratique son métier avec passion dans la région de Saint-Hyacinthe depuis plus de 70 ans tout en rendant de précieux services aux agriculteurs du coin.
À presque 80 ans, Arthur Roy peut encore passer pour une petite jeunesse. Gestes précis, poignée de main vigoureuse, il grimpe avec aisance sur son véhicule tout-terrain (VTT) pour entamer sa tournée matinale du site d’Expo-Champs à Saint-Liboire, suivi de son fidèle Jack, un croisé berger allemand et husky.
Au bout d’un moment, il s’arrête et descend inspecter une parcelle. Deux tiges de maïs ont été saccagées et les épis grignotés. « Ça, ce sont des ratons laveurs. Ils savent quand les épis deviennent sucrés. Si rien n’est fait, ils peuvent tout massacrer », explique-t-il tandis que son compagnon à quatre pattes renifle autour de nous avec frénésie.
Le trappeur installe alors une cage montée sur une table près de la scène de crime. Pourquoi donc une table? « Pour éviter d’attraper une moufette. C’est plus compliqué à transporter. »
Depuis sept ans, les organisateurs d’Expo-Champs font appel à Arthur Roy pour préserver la qualité des parcelles sur le site. Les ravageurs ne manquent pas. Les fossés le long de l’autoroute regorgent de rats musqués et de marmottes qui viennent s’attaquer au soya, tandis que les ratons laveurs et les moufettes présents dans les bois à proximité raffolent du maïs. En une saison, l’homme peut capturer une vingtaine d’indésirables sur le site de l’exposition, qu’il relâche dans une forêt isolée.
Manifestement, l’homme est connu dans la région. Pendant l’entrevue, un producteur de Saint-Jude qui passait par là vient lui serrer la main. « Quand vous aurez le temps, Monsieur Roy, pourrez-vous passer chez moi? J’ai un problème de marmottes », demande-t-il.
C’est que le trappeur joue un rôle important à la ferme. « Tu serais surpris des ravages qu’un groupe de ratons laveurs est capable de faire dans du maïs. En une nuit, ils peuvent casser 30 ou 40 épis. Ils prennent une petite mordée et passent au suivant. » Puisque la nourriture est abondante et que les prédateurs sont rares dans la région, la population de certains animaux peut rapidement exploser, explique-t-il.
Un adjoint qui a du flair
Pour remplir sa mission, Arthur Roy peut compter sur l’aide de Jack. « Il vient rentrer son nez dans les trous de siffleux et m’indique le bon endroit où mettre les cages. »
D’ailleurs, la façon dont il a trouvé Jack vaut la peine d’être racontée. « Je trappais chez un gars de la région et le chien lui appartenait. Il n’avait plus que la peau sur les os et il allait le tuer. Je l’ai donc ramené chez moi. »
Depuis, le canidé a repris du poil de la bête et accompagne son nouveau maître partout, que ce soit à la trappe ou pour garder ses moutons et ses sangliers. « Il a appris tout seul à garder un troupeau. Il est brillant. J’en ai eu toute ma vie, des chiens, mais celui-là, je ne le vendrais pas même pour 5 000 $ », confie-t-il en décochant un coup d’œil affectueux à son compagnon.
Une vie de trappage
Ce natif de Saint-Hélène-de-Bagot a trappé toute sa vie, ou presque. « J’ai commencé à six ans sur la ferme avec des perdrix et des lièvres. Je n’ai jamais arrêté depuis. C’est ma passion. »
Arthur Roy a longtemps pratiqué son métier dans la région pour le commerce des fourrures, souvent accompagné de ses trois fils. Il débitait et dégraissait lui-même ses prises pour les revendre ensuite à la North American Fur Auctions, qui a mis fin à ses activités en 2019. C’était l’un des meilleurs, certificats d’excellence à l’appui. « J’adorais ça. Je pouvais préparer des peaux tard dans la nuit jusqu’à ce que ma femme me dise d’aller me coucher! Et c’était payant. À une certaine époque, on me donnait 150 $ US pour une peau de loutre. Même une fourrure de raton laveur me rapportait 15 ou 18 $. Maintenant, les prix se sont effondrés; ça ne vaut plus la peine. »
Sa plus belle prise est sans doute un castor de 85 livres piégé à Béthanie, au cuir épais et au pelage encore luisant sous le soleil. « Mes chums me l’ont tous demandé pour le donner à leur blonde. J’ai préféré l’offrir à ma femme Denise », dit-il, un large sourire au visage.
Désormais, on l’appelle surtout pour piéger des animaux qui causent des ravages dans les fermes ou dans les maisons. « Encore l’autre jour, on m’a demandé de l’aide parce que les siffleux avaient pris le contrôle d’un terrain. Ils avaient creusé des galeries jusqu’au solage de la bâtisse et grugeaient les pièces électriques. J’en ai attrapé 28! »
Au cours de sa longue carrière de trappeur, Arthur Roy a piégé parfois des animaux hors du commun comme des pékans, des opossums et même un lynx, encore une fois à Béthanie. « Mes petits-fils marchaient au-devant de moi et m’ont dit qu’ils venaient de trouver un gros minou! Jamais vu une aussi belle bête. Évidemment, je l’ai retourné à la faune. »
Malgré son âge, Arthur Roy n’est pas près d’arrêter. « Je fais 15 paroisses et je reçois des appels tous les matins. Faire ce que j’aime et le faire avec mes fils et mes petits-fils me permet de rester jeune. »