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Cheville cassée, main perforée, doigt lacéré… Il en faut beaucoup pour convaincre les agriculteurs d’interrompre leur travail à la ferme pour aller consulter un médecin.
Luc Gervais, producteur de lait d’Hérouxville en Mauricie, a connu sa part d’accidents. En plein chantier de fauche du foin, il a subi une fracture ouverte à un doigt en attachant de la machinerie à la prise de force du tracteur. La plaie saignait abondamment. L’agriculteur a sorti sa trousse de premiers soins, a désinfecté son doigt, l’a recouvert d’un bandage et est retourné travailler. Ce n’est que le lendemain matin qu’il s’est rendu à l’hôpital pour recevoir une injection contre le tétanos. Après plus d’une demi-journée d’attente à l’urgence, M. Gervais s’est impatienté et a quitté l’endroit sans avoir vu le médecin. Le personnel soignant a tenté de le retenir, mais l’agriculteur n’en a fait qu’à « sa tête de cochon. Je pensais à mon foin qui était en train de sécher », confie-t-il. Quatre jours après l’incident, il est enfin retourné à l’hôpital. Devant l’état de la plaie, le médecin l’a obligé à revenir tous les deux jours pour recevoir des traitements contre l’infection, et ce, pendant un mois complet.
Gervais s’est aussi blessé sévèrement à une omoplate en tombant dans le dalot. « J’avais mal, mais pas assez pour aller consulter », raconte-t-il. Deux semaines après sa mésaventure, l’agriculteur a finalement vu son médecin de famille, qui l’a informé que son omoplate était fracturée et lui a prescrit un mois de repos. « Je suis sûr que tu vas m’écouter », a sermonné le docteur sur un ton sarcastique. La douleur le forçait à se tenir un peu plus tranquille qu’à l’habitude, mais « je n’ai jamais pris une journée de congé pour ça », reconnaît l’éleveur laitier.
C’est finalement une fracture à la cheville qui l’a obligé à aller à l’hôpital de toute urgence. Incapable de marcher et après avoir rampé sur 400 pieds, M. Gervais s’est rendu au centre hospitalier où sa jambe a été plâtrée. Le médecin lui a interdit de mettre du poids sur celle-ci et de conduire un tracteur. « Je n’ai pas suivi tous les conseils du médecin, avoue M. Gervais. Je me suis fait des coussins dans le tracteur pour ne pas que ça vibre trop et j’ai fait mon ensilage de maïs et mes balles rondes », raconte le copropriétaire de la Ferme Germec.
Culture
Pour sa part, Annie St-Laurent a subi deux accidents, « deux bêtises », selon elle. En changeant les dents d’un vibroculteur, elle s’est entaillé la main avec un boulon relié à une perceuse à percussion, qui tournait à 1 000 tr/min. Après une nuit à l’urgence, elle a finalement reçu des points de suture et s’est dépêchée à aller traire ses vaches. « Nous étions dans les semences et je ne pouvais pas forcer avec cette main-là. Au moins, j’ai eu congé de ramassage de roches, mais j’ai conduit le tracteur quand même », plaisante-t-elle. L’an dernier, Mme St-Laurent s’est aussi fait renverser par une vache lors d’une exposition agricole. Frappée violemment à la tête, elle est partie en ambulance, accompagnée de son vétérinaire. À l’hôpital, le médecin a diagnostiqué un hématome au cerveau. Une fois capable de se tenir sur ses jambes, la productrice n’avait qu’une idée en tête : retourner s’occuper de ses animaux sur le terrain de l’exposition. « Je ne peux pas te retenir », lui a répondu le praticien qui lui conseillait de se reposer. Son médecin de famille l’a aussi mise en garde. « Toutes les fois où ton corps va te dire qu’il est fatigué et que tu ne l’écouteras pas, ça va engendrer des séquelles qui resteront plus tard », lui a mentionné la docteure. Celle-ci lui a également fait remarquer que si Mme St-Laurent était employée de la ferme, elle serait en arrêt de travail durant plusieurs semaines. « Ç’a été difficile. Un bobo dans la tête, ça ne paraît pas. Ce n’est pas comme un bras cassé avec lequel tu ne peux pas forcer », illustre la productrice. Aujourd’hui, Mme St-Laurent reconnaît « qu’il faut s’arrêter quand on se fait mal. On dirait que c’est valorisé en agriculture de travailler même si on s’est fait mal; d’être tough. C’est une culture », conclut-elle.
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