Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
Il y a 20 ans cette semaine, le sud du Québec était plongé dans le noir le plus total à la suite de l’une des pires tempêtes de verglas de son histoire.
Habitués du système D, les agriculteurs ont improvisé un vaste réseau de distribution de génératrices et de bois de chauffage qui a permis de limiter les pertes dans les fermes. Dans les érablières, jusqu’à 90 mm de glace ont provoqué un véritable cataclysme dont, vingt ans plus tard, on ne relève aucune trace. La Terre a retrouvé des acteurs qui ont joué un rôle déterminant en 1998. En ce début d’année, voici leur histoire.
« Un méchant tour de force »
Quand le verglas s’est abattu sur le Québec, en janvier 1998, Laurent Pellerin rentrait de la vallée de la Matapédia. En cette journée du « vendredi noir », le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de l’époque a retrouvé sa ferme de Saint-Grégoire près de Bécancour plongée dans le noir.
« Les génératrices se sont mises à péter durant la fin de semaine », se souvient-il, en raison de leur faible autonomie. Sans compter que les livraisons de carburant avaient cessé, les camions-citernes ne pouvant emprunter le pont-tunnel Louis-Hippolyte-Lafontaine. La priorité, rappelle-t-il, était donnée aux services d’urgence et aux hôpitaux. Une rencontre avec le premier ministre Lucien Bouchard et le directeur d’Hydro-Québec, André Caillé, a vite permis de faire inclure les productions agricoles sur la liste des priorités.
« C’est un gain qu’on a fait et ç’a été reconnu rapidement », indique Laurent Pellerin.
Le président de l’UPA se souviendra toujours de la solidarité et de l’élan de générosité des gens envers les agriculteurs. Il ne pouvait s’imaginer « l’immensité » de l’entraide déployée, soit par le prêt de génératrices ou la livraison de bois de chauffage.
« Il y a du monde qui s’est démené pas à peu près », apprécie-t-il encore aujourd’hui, qualifiant cette opération de « méchant tour de force ».
Centre d’urgence
Dans le mémoire déposé devant la commission Nicolet pour faire le point sur la tempête de verglas, l’Union notait d’ailleurs que les agriculteurs n’avaient pu compter que sur eux-mêmes pour se procurer des génératrices au cours des deux premières semaines.
Dès le lundi 12 janvier, l’UPA mettait sur pied un « centre d’urgence » afin de coordonner les prêts de génératrices par le biais de sept centres de distribution. Pour bien mesurer le rôle clé de l’électricité dans une ferme, notons que des élevages entiers de porcs ou de poulets peuvent être décimés en l’espace de deux heures à peine au cours d’une panne de courant.
Au total, un millier de génératrices fournies par des producteurs à l’échelle de la province, notamment du Lac-Saint-Jean et des Maritimes, et par des entreprises comme Labatt, ont été mises à contribution. Bon nombre d’entre elles ont même servi dans trois fermes différentes au cours de la crise.
« Dès le mardi matin [13 janvier], les génératrices commençaient à entrer », témoigne avec fierté André Drapeau, qui dirigeait le centre. Il se souvient que des génératrices provenaient même des États-Unis. Des employés d’Hydro-Québec allaient les livrer chez les producteurs. André Drapeau est également intervenu en faveur d’une compagnie de jus qui s’était fait bloquer une génératrice à la frontière.
La générosité des agriculteurs a aussi pris la forme d’une vaste corvée de bois de chauffage. Les producteurs forestiers – par l’entremise de leur fédération –, l’Union des municipalités du Québec et la Sécurité civile ont fourni pas moins de 50 000 cordes. « Une grande confusion » a cependant marqué cette distribution, la responsabilité entre municipalités et Sécurité civile n’ayant pas été bien précisée.
Les leçons tirées du verglas de 1998 pourraient-elles servir de nos jours? « Peut-être pas », pense Laurent Pellerin, les catastrophes naturelles étant « imprévisibles ». L’initiative personnelle et la débrouillardise, songe-t-il, seront toujours de mise.
À lire aussi