Actualités 8 octobre 2014

Valoriser les déchets organiques

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Par Michel Beaunoyer – Les producteurs agricoles connaissent depuis des générations l’importance de la fertilisation organique.

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L’épandage de fumier et de lisier dans les champs pour amender le sol constitue une pratique bien connue et maîtrisée. Une approche qui l’est moins consiste à utiliser des déchets organiques d’autres provenances. Parmi les entreprises québécoises qui se sont donné comme mission de valoriser ces déchets, on trouve les Services environnementaux Richelieu (SER), de Beloeil. Cette entreprise en croissance rapide propose des services de collecte de déchets résidentiels, de location de conteneurs et de transport en vrac, mais sa branche de valorisation des matières résiduelles est celle qui intéressera le plus nos lecteurs.

Soulignons au passage que c’est SER qui a obtenu le contrat d’élimination et de valorisation du colossal amas de compost abandonné à Saint-Luc-de-Vincenne, en Mauricie, à la suite de la faillite de Compostage Mauricie. Une bonne partie sera d’ailleurs utilisée pour fertiliser des terres agricoles.

La récupération de ce compost n’est qu’un des défis de cette entreprise. Son vice-président, Michel St-Germain, a en effet expliqué comment il compte multiplier les ententes avec les producteurs agricoles, notamment en culture commerciale, pour valoriser d’autres matières organiques. Il s’agit ici de déchets verts municipaux, de boues provenant des centres d’épuration des eaux, de résidus de papetière ou encore de déchets organiques provenant des abattoirs ou des usines de transformation agroalimentaire. Précisons que ces déchets sont obligatoirement conditionnés par les fournisseurs. La matière fertilisante proposée aux producteurs n’est pas compostée par la suite. Actuellement, SER gère la valorisation de 120 000 tonnes de ces résidus par année.

L’intervention de ce genre d’entreprise devient d’autant plus importante que le ministère de l’Environnement souhaite interdire l’enfouissement de ces matières au potentiel fertilisant à partir de 2020.

Démystifier le produit

Une des principales difficultés liées à la valorisation de ces matières consiste à connaître de quoi elles sont composées. « La première étape, cruciale, et pour laquelle nous insistons, est la caractérisation de la matière, souligne Miche St-Germain. Nous devons en premier lieu nous assurer de l’absence de contaminants pour ensuite établir la grille des composantes organiques. »

Comme l’explique M. St-Germain, on ne peut arriver chez un producteur et vider deux camions de boues de composition indéterminée sans autres formalités. Chaque matière est analysée pour son contenu en éléments fertilisants, azote, phosphore, potassium ou propriétés chaulantes. Un rapport doit être présenté selon les normes sur les matières fertilisantes. L’autre étape s’adresse au producteur. Selon M. St-Germain, si ce dernier souhaite intégrer des matières organiques dans sa grille de fertilisation, on le rencontre, idéalement en compagnie de son agronome, pour établir comment cet apport d’engrais peut s’intégrer à son PAEF.

L’avantage pour le producteur qui suit toutes les étapes d’approbation est que la matière fertilisante lui est livrée gratuitement à sa ferme. Les seuls frais liés à cette activité seront ceux de l’épandage. Là aussi, des normes strictes d’application assujettissent la période et la méthode d’application. La matière provenant de SER a, la plupart du temps, l’apparence de fumier, et cela, peu importe sa provenance.

Un producteur de cultures commerciales de Saint-Félix-de-Valois, Daniel Dufresne, est un des clients de cette entreprise. « J’utilise toutes sortes de fumiers sur mes 3500 acres de terre, mais aussi, depuis une dizaine d’années, des boues de papetière. Cet apport a un impact direct sur mes coûts d’intrants. Je reçois aussi du compost, livré l’hiver directement au champ, pour éviter la compaction. C’est plus tard au printemps, après l’avoir épandu, que je pourrai évaluer les effets sur mes cultures. » M. Dufresne a une attitude favorable vis-à-vis d’une telle valorisation des matières résiduelles organiques.

Cela étant dit, il considère qu’au-delà des tracasseries administratives que cette démarche entraîne, le nerf de la guerre, c’est l’épandage. « Au printemps, j’ai de 8000 à 9000 tonnes de fumier à épandre dans une fenêtre de temps très limité. J’ai trois épandeurs pour faire le travail et il faut être méthodique pour réduire les transports et arriver à temps. »

Michel St-Germain, de SER, est bien conscient que la gestion de ces engrais demande une bonne préparation. Mais il s’assure avec son équipe d’effectuer les livraisons dans des conditions optimales et d’accompagner les producteurs pour établir les meilleures techniques de valorisation de cette matière.

Un producteur qui souhaite bénéficier de cet apport fertilisant doit y penser entre six mois et un an à l’avance. Les étapes de caractérisation et d’obtention des autorisations sont longues. Mais, comme le souligne M. St-Germain, les clients agricoles avec lesquels son entreprise travaille depuis longtemps connaissent la routine et s’y prennent d’avance. Il souligne également que les agriculteurs qui en font la demande n’obtiennent pas nécessairement le type d’engrais qu’ils souhaitent. Parfois parce qu’il n’est pas disponible, parfois aussi parce que le producteur, trop rapproché des voisins, ne pourra l’épandre, ces boues pouvant s’avérer odoriférante.

Michel St-Germain est convaincu que la collaboration avec les producteurs agricoles va croître avec le temps. « C’est une belle façon de mettre de la vie dans le sol », résume-t-il. Et le potentiel de développement est considérable puisqu’à peine 2 % des terres agricoles québécoises profitent de ce type d’amendement présentement.