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Avant de fertiliser leurs champs, les producteurs de grains auraient tout avantage à se préoccuper de la santé de leur sol. Cette attention particulière est susceptible d’engendrer des rendements plus élevés, des économies de fertilisants et un sol mieux préparé à encaisser les soubresauts de Dame Nature.
Le conseil vient d’une réalité toute simple : le sol est vivant. « C’est un monde qu’on est en train de découvrir, explique Gilles Tremblay, agronome et conseiller en grandes cultures au ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ). On a longtemps vu le sol comme un simple substrat pour les cultures, mais il renferme aussi un ensemble de microorganismes qui participent à la croissance de la plante. »
Il y a par exemple les mycorhizes, qui agissent comme un prolongement des racines des végétaux. Des bactéries du type rhizobium permettent quant à elles de fixer l’azote pour le rendre accessible à la plante. Par leur travail, ces microorganismes améliorent la croissance et la productivité de la plante en lui fournissant de l’azote sous une forme assimilable. Leur présence est un gage que le sol est en santé, selon M. Tremblay. « Et un sol en santé, c’est un sol qui a moins besoin d’intrants », ajoute le spécialiste.
Alors, comment garder tous ces microorganismes heureux? D’abord, en gérant bien l’eau dans les champs. « Un sol qui n’est pas drainé et nivelé aura tendance à accumuler de l’eau et à manquer d’air », rappelle Marc-Olivier Gasser, agronome et spécialiste de la santé des sols à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA).
Pareil sol sera aussi plus prompt à la compaction, spécialement si on travaille avec de la machinerie lourde dotée de pneus trop gonflés. « Beaucoup d’accent a été mis sur le travail réduit ces dernières années pour limiter la compaction, ajoute le spécialiste, mais on pourrait encore limiter le problème en réduisant le volume de lisier qu’on met dans les citernes, par exemple. »
Stratégie « de la petite bière »
De son côté, M. Tremblay recommande de retarder le moment où on entre avec la machinerie dans les champs en adoptant la stratégie « de la petite bière ». « C’est mieux de relaxer et de prendre une petite bière lorsqu’on sent que c’est le bon moment, dit-il, parce que chaque fois que je suis rentré un peu trop vite dans le champ, ça a été néfaste. »
Une fois la question de l’eau réglée, le producteur soucieux de la santé de son sol s’assurera que son pH se situe entre 6 et 7 en chaulant au besoin. « C’est important parce qu’un pH trop acide fait en sorte que plusieurs éléments nutritifs ne sont plus disponibles pour la plante », rappelle M. Tremblay. Une attention à la quantité de matière organique devra aussi être apportée. Celle-ci agit comme une éponge et emmagasine l’eau qui servira éventuellement à la plante en cas de sécheresse. Une situation à laquelle on pourrait devoir s’habituer avec les changements climatiques.
La rotation des cultures et le recours aux cultures de couverture et aux intercalaires avec des engrais verts permettent entre autres d’améliorer son bilan en matière organique. « Ce qui est important, c’est de diversifier les systèmes racinaires », rappelle Vicky Villard, agronome au Club Durasol Drummond. On cherchera ainsi à introduire des graminées et des légumineuses de plusieurs espèces.
Selon elle, l’impact des engrais verts sur la santé des sols se mesure en années, la météo se mettant parfois de la partie. « L’été passé, par exemple, la croissance des intercalaires a été limitée en raison de la sécheresse, rappelle la spécialiste, mais à terme, les engrais verts peuvent pratiquement remplacer le fumier. »
Une place pour les biostimulants ? Après avoir fait une apparition fructueuse dans les cultures maraîchères, les biostimulants ont investi le secteur des grandes cultures. Selon leurs fabricants, ces produits – stimulants mycorhiziens, extraits d’algues, acides humiques et fulviques ou acides aminés – sont susceptibles d’améliorer la productivité des grandes cultures de 5 à 10 %, en stimulant des processus physiologiques de la plante. Mais qu’en est-il des résultats aux champs? Selon Gilles Tremblay, le recours aux biostimulants ne s’est pas avéré rentable jusqu’ici dans les tests qu’il a effectués. « Les entreprises travaillent à améliorer leurs formulations, alors ça pourrait changer », souligne-t-il toutefois. Vicky Villard abonde dans le même sens, indiquant que ces produits pourraient s’avérer utiles dans les sols pauvres en microorganismes. « Une culture dans un sol sableux sans amendement de fumier pourrait profiter des biostimulants, dit-elle, mais dans les terres que je connais, où il y a un historique d’utilisation de fumier, les biostimulants semblent avoir peu d’impact. » C’est que chaque biostimulant a un rôle bien précis, et son impact sera influencé par une série de facteurs, comme le type de sol ou la météo, souligne pour sa part Lucie Kablan, chercheure à la Ferme de recherche de La Coop fédérée. « Comme pour d’autres produits, on doit appliquer les 4B [le bon produit, à la bonne dose, au bon moment et au bon endroit] avec les biostimulants », dit celle qui mène des recherches sur l’utilisation des biostimulants en grandes cultures. Elle donne comme exemple l’application foliaire d’extraits d’algues sur des plants de maïs durant la sécheresse de l’été dernier. « On a vu des résultats vraiment intéressants, explique Mme Kablan. Le produit a permis de réduire le stress sur la plante et d’obtenir un retour sur l’investissement. » |