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Les plus grandes créatures mécaniques se sont réunies, en septembre dernier, dans les forêts de la Seigneurie de Perthuis, à Saint-Raymond, près de Québec. En des termes plus officiels, il s’agissait de la 12e exposition DEMO International 2012, un événement qui a lieu tous les quatre ans.
Les organisateurs parlent d’un succès éclatant, en partie grâce aux 8 572 visiteurs qui ont pris d’assaut les trois kilomètres de cette exposition à ciel ouvert présentant les machines de coupe forestière en action. Plusieurs producteurs agricoles aiment découvrir de nouvelles machineries. Il apparaît donc intéressant d’expliquer l’utilisation des équipements forestiers les plus spectaculaires, de même que certains éléments techniques qui les distinguent.
Abatteuse-groupeuse
Mentionnons d’emblée que les opérations forestières à grande échelle s’effectuent principalement de deux façons. La première concerne la récolte d’arbres en billots, tandis que la deuxième consiste à récolter les arbres en longueur (avec leur cime). La machinerie change en fonction de ces deux techniques. Commençons par la récolte d’arbres en longueur où une abatteuse-groupeuse coupe les arbres, qui sont transportés jusqu’au lieu de chargement par un débardeur à grappin. Finalement, la cime et les branches sont enlevées par une ébrancheuse.
La machine qui récolte les arbres se nomme une abatteuse-groupeuse, que les forestiers appellent affectueusement abatteuse à tête à scie. Elle coupe un arbre, le maintient vertical entre ses pinces, en coupe un deuxième qu’elle conserve également entre ses pinces. Après avoir coupé et accumulé de cinq à sept arbres (de diamètre moyen), elle les dépose au sol. Du fait qu’elle accumule les arbres dans ses pinces, cette machine est généralement la plus rapide sur les parterres de coupe. La Caterpillar 541 affiche un effort tractif de 34 318 kg, ce qui lui permet de gravir des pentes particulièrement abruptes. Sa garde au sol est également plus élevée afin de surpasser les obstacles. Finalement, l’opérateur peut ajuster à sa guise la distance entre les chenilles : plus grande en terrain difficile et plus petite lors du transport.
Débardeur à grappin
Ce type d’équipement transporte les arbres entiers (avec la cime) du lieu d’abattage jusqu’à la zone d’ébranchage. Et à ce chapitre, il a la réputation de déménager le plus de tonnes de bois par dollar investi. Un digne représentant de ces débardeurs se nomme le John Deere 848H, avec son impressionnant grappin de 3,3 m de largeur lorsque ouvert au maximum. Confronté aux terrains les plus accidentés, ce modèle présente des essieux et des différentiels renforcés. Il comprend également une conduite bimode où l’opérateur peut diriger la machine en tournant le volant ou, pour les manœuvres plus rapides, le conduire simplement par pression hydraulique, comme un bouteur (bulldozer). Les constructeurs tentent de réduire la consommation de carburant des machineries forestières. Et au-delà des économies attribuées au nouveau type de transmission, on retrouve certains détails, comme un ventilateur qui fonctionne au besoin et dont la soufflerie s’inverse pour le nettoyer.
Ébrancheuse à flèche
Règle générale, l’ébrancheuse à flèche demeure stationnaire dans la zone de déchargement, qu’on appelle la jetée. L’une des ébrancheuses sur place lors de l’exposition était l’œuvre de deux manufacturiers. Il s’agissait d’une Caterpillar 320D FM couplée à l’unité d’ébranchement PP-453, conçue en Beauce par la compagnie Pro-Pac. « Caterpillar offre une machine forestière misant sur un moteur de 157 ch et le système de chenilles du D5H. Cette machine ultra robuste, comprenant du métal plus épais et des zones de renforcement, peut recevoir une ébrancheuse, mais aussi une pelle hydraulique, une abatteuse, etc. », explique Adam Page, analyste forestier chez Hewitt Équipement ltée.
Du côté de l’unité d’ébranchage, la compagnie Pro-Pac mentionne d’emblée que ses unités s’installent sur n’importe quelle pelle hydraulique de 20 tonnes. Le modèle PP-453 ébranche des arbres faisant jusqu’à 69 cm de diamètre. Lorsque confrontée à des branches ayant plus de 10 cm de diamètre, la machine doit les affaiblir par un trait de scie. À ce sujet, cette ébrancheuse incorpore, en option, une scie à chaîne de 61 cm ou une scie circulaire de 101 cm de diamètre. Ces dispositifs servent évidemment à tronçonner les arbres selon la longueur désirée. Le représentant de la compagnie précisait que, contrairement aux abatteuses multifonctionnelles, l’ébrancheuse à flèche se répare plus facilement et à moindre coût. « Les pièces sont faciles à trouver, et un petit coffre d’outils suffit. »
Abatteuse-façonneuse
« Les abatteuses sur roues abîment moins le sol que celles qui sont munies de chenilles métalliques. Ce système s’adapte également plus efficacement au relief accidenté de nos forêts et offre un roulement plus doux pour l’opérateur. »L’autre technique de récolte forestière consiste à débiter et à ébrancher les arbres directement en forêt. Les billots sont ensuite déplacés par un transporteur. Fait impressionnant, une seule machine coupe l’arbre, l’ébranche et le tronçonne en longueur. Il s’agit de l’abatteuse-façonneuse, communément appelée une multifonctionnelle. Plusieurs de ces machines possèdent un ordinateur de bord qui calcule instantanément le volume de bois de chaque arbre afin de le tronçonner en plusieurs longueurs, de façon optimale. Daniel Lahaie, de Komatsu, exposait l’abatteuse 911.5, qui dispose d’une traction à six roues motrices.
L’abatteuse Komatsu munie d’une tête d’abattage 360.2 peut couper des arbres de 65 cm de diamètre et les ébrancher selon un rythme impressionnant de 5 m/s. Comme plusieurs autres, elle affiche une cabine autonivelante qui garde l’opérateur dans une position droite, même si la machine se trouve inclinée, autant vers l’avant ou l’arrière que sur les côtés. Le confort de l’opérateur est également assuré par un siège à suspension pneumatique chauffant et climatisé, en plus d’une cabine insonorisée. Difficile d’indiquer un rendement précis, mais pour une coupe totale dans une forêt de résineux, l’abatteuse 911.5 peut transformer en billots environ 15 à 20 m³ d’arbres à l’heure.
Transporteur
Le transporteur qui travaille de pair avec l’abatteuse-façonneuse comprend un grappin qui empile, dans sa caisse, les billots préalablement tronçonnés et ébranchés, pour ensuite les déplacer jusqu’au camion. Le fait de les transporter, plutôt que de les traîner (comme le débardeur à grappin), permet de diminuer la quantité de terre sur les billes et laisse les branches de même que la cime sur le parterre de coupe. Les branches ne frottent pas au sol, ce qui endommage également moins la repousse.
Toujours plus puissantes, certaines machines peuvent déplacer près de 20 tonnes de billots dans les zones les plus accidentées. Elles sont disponibles en version quatre, six ou huit roues motrices, avec ou sans chenille. Mike Morin, vendeur chez Hewitt sur la Côte-Nord, en souligne les performances impressionnantes. « Le 584 HD possède des tandems plus longs qui offrent une adhérence accrue et un meilleur confort en forêt. Le moteur puissant, couplé à un système hydraulique bien ajusté, se démarque par un énorme effort tractif de 26 761 kg et sa capacité à gravir des pentes allant jusqu’à 30°, même chargée de plus de 23 m³ de bois. Ici sur la Côte-Nord, certains secteurs sont très montagneux, et ce genre de machines permet de suivre l’abatteuse dans les zones les plus accidentées. »
M. Morin mentionnait également que les Caterpillar s’avèrent les seuls transporteurs à posséder une cabine certifiée pour sa résistance aux renversements (la machine peut effectuer des tonneaux sans que la cabine n’écrase le chauffeur). Elle est également certifiée pour résister aux chutes d’arbre, de roche, etc. Il s’agit donc d’un habitacle en acier particulièrement résistant à la déformation, où les vitres sont remplacées par du polycarbonate.
Chaude lutte entre opérateur et opératrice
Les Équipements SMS commanditaient une course de transporteurs Komatsu où deux opérateurs devaient accomplir quatre épreuves sur un trajet chronométré. L’une des épreuves nécessitait beaucoup de précision puisqu’il fallait prélever des billots entre des poteaux, chacun surmonté d’une balle de tennis. Une balle qui tombait entraînait la perte de points. Comme épreuve finale, l’opérateur devait empiler des bûches avec son grappin. Lors des rondes de qualification, une jeune femme, Isabelle Boilard, en a surpris plusieurs en remportant son duel contre un opérateur aguerri. « C’est une expérience très intéressante. Le principal niveau de difficulté consiste à s’adapter rapidement à une nouvelle machine, car j’ai l’habitude de conduire une Timberjack », souligne-t-elle. Le gagnant, Steeve Sirois, a remporté un montant d’argent, mais surtout un billet d’avion pour la Suède où il ira se mesurer aux meilleurs opérateurs du monde dans une compétition similaire.
D7E
Caterpillar a mis au point une nouvelle classe de bouteurs qui performerait autant en travaux lourds qu’en finition. Mais plus encore, il est question de cette technologie où le moteur diesel alimente une génératrice qui fournit l’énergie aux différentes composantes. Le même principe qu’une locomotive, quoi! Ce système réduirait la consommation de carburant de 20 à 25 % et nécessiterait moins d’entretien en raison de l’absence d’alternateur et de courroies. Adam Page, de Hewitt Équipement ltée, mentionne que, mis à part le moteur, ce bouteur contient 60 % moins de pièces mobiles. Éliminer la transmission mécanique et hydraulique réduit le bruit et les vibrations tout en offrant des opérations plus douces.
Déchiqueteur forestier
Deux compagnies québécoises présentaient des débroussailleurs-déchiqueteurs forestiers qui se fixent à la flèche des excavatrices. La compagnie Denis Cimaf pointait son nouveau système à couteaux tangentiels, où les lames sont justement tangentes au rotor. Il en résulterait une vitesse de déchiquetage très élevée, même dans les arbres de bon calibre, en plus d’économies de carburant supérieures. Quelques stands plus loin, on remarque des attaches hydrauliques destinées à broyer arbres et arbustes. Guy Normand, de GB Équipement, mentionnait qu’en plus de déchiqueteurs équipés de couteaux, il offrait des modèles munis de marteaux qui broient non seulement l’arbre entier, mais aussi sa souche. En effet, les marteaux peuvent entrer en contact avec la terre et les roches sans s’émousser. Ces débroussailleurs/déchiqueteurs se fixent aux excavatrices de 5 à 35 tonnes, pour un coût variant de 20 000 à 65 000 $.
Retour vers le futur?
Ils dirigent les chevaux à la voix. « Cibelle avance, maintenant Nellé, back, back… ». Et les juments exécutent exactement les commandes, le cœur à l’ouvrage. « Pas une machine n’a encore remplacé le cheval quant à la protection du sol et à la sauvegarde des jeunes pousses. Sans compter qu’un cheval n’exige qu’un mètre de largeur pour circuler en forêt, tandis qu’il faut déboiser des chemins de 3 à 7 m de largeur pour laisser passer les machines. Plus les chemins sont larges, plus le producteur perd de la production ligneuse », fait-il sagement remarquer.Au milieu des puissantes machines alimentées au diesel se trouve un anachronisme : Jacques Bournival, un forestier qui emploie les chevaux pour débarder les arbres. « C’est un honneur pour moi d’être invité à la DEMO International 2012, assure-t-il. Nous faisons la promotion d’une méthode douce, celle d’exploiter la forêt avec des chevaux. » Le sympathique bûcheron est continuellement entouré de visiteurs, autant des plus vieux, pour qui ce genre de travaux leur rappelle des souvenirs, que de jeunes forestiers démontrant un sincère intérêt face à l’utilisation de chevaux en forêt. Dans un silence à peine brisé par le bruit des attelages en mouvement, Jacques Bournival et ses compagnons impressionnent.
Prochain rendez-vous : 2016
Les machines forestières ont enregistré d’importantes avancées technologiques ces dernières années. Il apparaissait donc intéressant d’en faire part aux producteurs agricoles dans le présent article. De plus, c’était l’occasion pour certains d’en apprendre davantage sur la récolte forestière intensive, à savoir la différence entre la récolte d’arbres pleine longueur et celle en billots. La prochaine démo forestière aura lieu en 2016; la province hôte sera connue sous peu.