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Plusieurs propriétés jouissent d’un riche panorama donnant sur une rivière, un lac ou même le Saint-Laurent. Mais pourquoi ne pas briser la routine en enfilant son chapeau de pirate et en se lançant dans l’exploration de son propre plan d’eau?

« Vous avez une belle rivière qui serpente le bout de votre terre », me lance un ami. Je lui réponds fièrement que oui. Mais au fond, qu’en sais-je? Personne d’entre nous ne l’a jamais explorée! Le soir même, je feuillette la circulaire d’un magasin grande surface et, surprise, un canot à 100 $ de rabais fait la une… Difficile d’aller contre un tel signal des dieux! Le canot demeurera rangé à côté du garage presque un an.

Un beau samedi, nous avions encore du travail, mais je dis à mon père : « Nous le mettons à l’eau, c’est aujourd’hui ou jamais! » Malgré les pluies récentes qui avaient gorgé la rivière, le courant ne paraissait pas hostile. Nous commençons par remonter le cours d’eau. Je pagaie à pleine puissance, les gouttes de sueur me brûlent graduellement les yeux. Le paternel ne paraît pas trop faire semblant (!), sauf qu’après un certain moment, je regarde la rive, et la même roche demeure constamment à côté de nous! De toute évidence, il nous faut battre en retraite en prononçant cette phrase de René Lévesque : « À la prochaine! »

Un pro en renfort

Explorer cette rivière coriace, la Nicolet Sud-Ouest pour ne pas la nommer, exigeait simplement de faire appel à quelqu’un de plus coriace qu’elle : Ulysse Moisan, mon vieux pote d’enfance. Guide de canot, il a dompté plusieurs rivières, avec la Romaine comme plus beau trophée de chasse.

Nous décidons de parcourir la rivière, située près de Drummondville, sur une distance d’environ dix kilomètres, vers l’aval. Les premiers coups de pagaie s’effectuent de belle façon. Étonnamment, les rives bordées d’arbres matures cachent l’intervention des hommes; on dirait un paysage vierge. Soudainement, une ombre couvre le canot. Un regard vers le haut nous coupe le souffle : un pygargue à tête blanche! Le plus grand oiseau de proie du Québec nous survole en rase-mottes et poursuit son chemin en poussant son cri légendaire. Wow!

Un peu plus loin, du mouvement attire notre attention. Les herbes du rivage bougent sur une bonne distance. Nous approchons silencieusement, curieux de voir quelle sorte de bête surgira des buissons. Le suspense perdure, puis… des bernaches! Sûrement des juvéniles qui, bizarrement, préfèrent se déplacer en marchant près de la forêt. Quelqu’un devrait les informer qu’elles peuvent nager!

Le paysage qui s’offre à nous après les premiers méandres est toutefois moins rigolo : un cimetière de roches où l’eau coule au compte-gouttes. Ulysse réagit avec un « Ouin »! De fait, il faudra débarquer et pousser l’embarcation sur quelques centaines de mètres… De retour sur l’eau, nous pagayons dans un secteur où mes voisins cultivent jusqu’à la rivière. Peu de personnes s’aventurent ici. Pourtant, nous pouvons y contempler de belles réalisations des producteurs du coin, dont une bande riveraine garnie d’innombrables chênes rouges. Plus loin, l’œuvre de certains déçoit : carcasses de voitures, sacs à ordures et autre débris polluent la rive. Je serais curieux d’en connaître le ou les propriétaires…

Le vieux pont des trains se trouve maintenant dans notre mire. Mais avant, il nous faudra franchir un rapide, avec comme dessert, une chute. Je les aurais descendus d’un trait, sans me poser de questions. Après tout, le danger n’a jamais tué personne! Ulysse a cependant d’autres images en tête. Notamment celles de canot dessalé (chaviré), de mise en cravate (canot coincé contre un rocher) et autres mésaventures qu’il a déjà vécues, même sur des cours d’eau d’apparence insignifiante… « Un rapide semble souvent banal, jusqu’au moment où tu es dedans! », assure t-il. Avec son conseil, nous attachons donc le canot et partons effectuer un peu de repérage à pied. Comme constat, Ulysse n’aime pas ce rapide, et sa chute. « Trop de roches », dit-il.

Amusés, nous reprenons le canot et l’affrontons tout de même! Quelques secondes d’adrénaline plus tard, le manège est terminé. Nous sourions, le canot un peu moins, mais bon! Nous voici maintenant sur une longue section, plus profonde et sans courant. Voilà le moment de mettre les gaz à fond, question de voir ce que chacun a dans le ventre! Le canot fend l’eau, nos vagues frappent un coin magnifique bordé de fougères immenses, comme une zone préhistorique. Soudainement Ulysse me dit : « Tu savais que la vraie technique consiste à tourner le bassin à chaque coup de pagaie, et non seulement agiter les bras? » Il s’est bien amusé en me donnant ce truc, sachant qu’il aurait pu m’en faire part avant!!! Plus loin, trois loutres rigolent avec lui. Elles nagent en surface, effectuent des cabrioles et plongent à qui mieux mieux. Décidément, la faune est en feu au Centre-du-Québec!

Notre périple se termine comme il avait commencé : dans un champ de roches! Ulysse dira qu’il a assumé seul la sale besogne de faire passer le canot par-dessus toutes les pierres, puisque son coéquipier prétextait prendre des photos pour un article… Évidemment, ce n’est pas vrai. Hahaha!

Finalement, une dernière surprise nous attend. Nous remontons l’embarcation sur la terre ferme, sans respecter l’emplacement exact auquel la gentille dame nous avait donné accès. Elle s’empresse alors de venir nous avertir, mais pour une autre raison : « Les garçons, l’endroit où vous vous situez, c’est bourré d’herbe à puce! »

En résumé, une balade en canot sur « son » cours d’eau vous permettra de vivre une expérience unique, surtout en compagnie d’un bon copain. Pour du plaisir garanti, évitez toutefois les niveaux d’eau trop bas (cimetières de roches) et… l’herbe à puce!