Fini la perte de données à cause du calepin de champ qui vient de passer dans la laveuse! Depuis trois ans, plus de 950 entreprises agricoles utilisent le carnet de champ électronique AgPAD. Développé par deux producteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean, il facilite la prise de données visant à mieux connaître les coûts de production par parcelle et à améliorer la régie culturale.

ALBANEL — Non seulement le AgPAD permet-il de faire la planification de récolte, de fertilisation ou de pesticides, mais c’est un outil qui sert à se donner une méthode de travail, soutient Michel Frigon, propriétaire de la Ferme des Fleurs, qui a adopté le carnet intelligent il y a trois ans. « Mon carnet me sert aussi d’aide-mémoire. Ça m’indique les prévisions de récolte de mes 27 parcelles », explique le producteur qui exploite 450 hectares de terres de fourrages, d’avoine, de blé, d’orge et de canola, principalement pour nourrir son troupeau de 225 vaches laitières.

Sur le terrain, le producteur peut noter toutes les opérations réalisées en utilisant une liste personnalisée, qu’il peut modifier selon ses besoins. Le taux d’application, le nom de l’opérateur, des informations supplémentaires et des photos terrain peuvent être annotées et ajoutées au dossier. « Le calepin ne reste plus dans le tracteur et il ne passe plus dans la laveuse. Ça améliore grandement la prise de données », ajoute M. Frigon. Par la suite, les intervenants, comme l’agronome ou le conseiller de la Financière agricole, ont accès à ces données qui sont partagées dans le nuage (cloud).

Développé par des producteurs, pour les producteurs

Le AgPAD a été lancé en 2013 par deux producteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean qui ont mis leurs connaissances en commun pour développer un outil performant pour leurs entreprises respectives. « On avait des besoins de gestionnaire. Je voulais un outil à la fine pointe pour connaître le coût de production par parcelle », souligne Nicolas Lavoie, consultant en géomatique et actionnaire de la Ferme Lavoie. De son côté, Guillaume Dallaire, diplômé en génie informatique et actionnaire de la Ferme Tournevent, producteur de grandes cultures biologiques à Hébertville, voulait améliorer la régie culturale. « J’étais frustré de ne pas me souvenir de détails que j’aurais pu noter. Le AgPAD me permet d’apprendre plus vite de mes erreurs », dit-il.

En quelques semaines, Guillaume Dallaire a programmé la première version du carnet électronique, qui ne cesse d’être améliorée depuis grâce aux commentaires des utilisateurs. Puis, les contacts de Nicolas Lavoie ont permis de faciliter les échanges avec la Financière agricole du Québec, d’où sont tirés tous les plans des fermes des utilisateurs. Cette collaboration leur permet d’importer les contours des champs en quelques minutes seulement, note ce dernier. 

« C’est un outil incroyable pour noter ses observations et ça devient un outil d’apprentissage, parce que chaque parcelle a sa petite histoire. Si on connaît bien son histoire, on peut mieux l’exploiter, estime Nicolas Lavoie. Mon carnet est en train de devenir une sorte d’encyclopédie de mes champs. Ça va être beaucoup plus facile de transférer l’information et les connaissances aux générations suivantes. »

La « mémoire du champ » est ainsi préservée et partagée avec les différents intervenants, comme les agronomes. Les informations disponibles dans la base de données et les photos prises sur le terrain facilitent la prise de décision, note Martine Bergeron, agronome au Groupe multiconseil agricole Saguenay–Lac-Saint-Jean, qui travaille avec des producteurs qui utilisent le AgPAD depuis trois ans. « C’est un outil super intéressant qui évite la perte de données et le double travail en écriture », dit-elle.

Des projets plein la tête

Après trois ans de tests et de mise à niveau, les producteurs-entrepreneurs souhaitent mousser la commercialisation du AgPAD en développant un partenariat avec un ou des partenaires financiers. Ils entrevoient déjà d’autres outils informatiques qui permettront l’automatisation de la saisie des opérations au champ, la gestion des inventaires et l’intégration des données météo au carnet de champ.