Actualités 6 octobre 2014

Travaux à forfait, ici et en Europe (partie 2)

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Le portrait européen

La prestation de travaux agricoles à forfait n’est pas un phénomène nouveau en Europe. Même en France, où la CUMA a des racines profondes, ce type d’entente est implanté de longue date et fait des adeptes.

Lors d’une rapide tournée européenne en avril dernier, L’UtiliTerre a pu rencontrer deux entrepreneurs européens qui nous ont expliqué leurs façons de faire et la nature de leur clientèle.

La première visite s’effectue à Kevelaer, dans la région de Düsseldorf en Allemagne. Nous y retrouvons Hans-Peter Mertens, producteur de porcs, qui tire la grande majorité de ses revenus de travaux agricoles à forfait. Ses activités touchent le semis de betterave sucrière, de petites céréales et de maïs. Il fait l’ensilage et le pressage de foin ainsi que la récolte des céréales.

Sa liste de 120 clients rayonne dans un cercle de 40 kilomètres. Les producteurs faisant appel à ses services sont surtout des producteurs de porcs ou laitiers. Il se trouve aussi un nombre de propriétaires de terres qui n’y ont jamais mis les pieds, ayant hérité de ces parcelles. Il se charge pour eux de les cultiver et leur verse les profits.

Ici aussi, les producteurs ne sont aucunement liés par un contrat, mais ils demeurent fidèles à l’entrepreneur. Ce dernier, qui connaît les terres travaillées, guidera souvent le producteur dans ses prises de décision. « Quand je fais ma planification de semis dans une région, je contacte mes clients pour compléter mon horaire. Sinon, j’attends les appels. » Il n’est pas sans admettre que cette façon de faire est source de stress, mais il s’y est fait après la trentaine d’années passées à livrer des services agricoles.

Les superficies couvertes par l’entrepreneur totalisent 1200 hectares soit une moyenne de 100 hectares par client. Ce chiffre est un peu trompeur puisque bon nombre de ses clients n’en comptent pas dix. Pour effectuer le travail, quatre employés donnent un coup de main à M. Mertens. « Les employés, c’est important. Il faut des professionnels qui assurent la même qualité de travail que moi. Qui plus est, je veux des gens débrouillards qui ne vont pas m’appeler au secours pour une simple crevaison », explique l’entrepreneur.

Au chapitre de la facturation, les choses deviennent complexes. Un tarif à l’hectare s’applique pour chaque intervention. À cela s’additionnent les heures consacrées à la réalisation des travaux. Finalement, le carburant sera facturé au client. Un tarif fixe lié aux superficies peut s’appliquer pour les anciens clients. Il trouve plus équitable de charger uniquement le tarif horaire pour certaines opérations, comme l’épandage et la fenaison, par exemple. Hans-Peter Mertens tient ses registres dans un fichier Excel, ce qui facilite la facturation. « Je dois avouer qu’il est très difficile d’établir une estimation des coûts pour un nouveau client. Tant que je n’ai pas travaillé ses terres, il est risqué de proposer un prix. »

À quatre heures et demie de route de là, un peu moins par l’autobahn sans limites de vitesse, nous arrivons dans la région de Laon, au petit village français de Vigneux-Hocquet. Ici, l’opération est d’une tout autre nature.

Nous y trouvons les membres de la famille Mennesson, qui exploitent une entreprise de grande envergure. Trois frères, un cousin et une quinzaine d’employés permanents gèrent une liste de plus de mille clients pour des superficies de plus de 11 000 hectares. Céréales et maïs sec comme humide, betterave, carotte, oignon et plantes médicinales sont au menu.

Le grand-père s’est installé dans ce village après la dernière guerre avec comme seul équipement une batteuse fixe, que les villageois utilisaient à tour de rôle. « Nous n’avons jamais possédé de terres, explique David Mennesson, représentant de la troisième génération d’entrepreneurs. Et le parc de machinerie a explosé au cours des années. »

Avec les années, une solide expertise s’est développée, autant aux champs que dans la comptabilité. « Nous avons établi un tarif de base pour toutes les machines et tous les types de prestation. Ce tarif est élevé. Après la réalisation des travaux, nous l’ajustons à la baisse si le travail s’est conclu sans mauvaises surprises. Le producteur sait alors, avant même le début de la saison, combien coûteront les services qu’il souhaite prendre. » Soulignons que tout paiement de la facture d’après-récolte acquittée dans la semaine entraîne un rabais de 3 %.

Des centres de transformation guident aussi le travail de cette entreprise. Pour les carottes et les oignons, c’est sur une base industrielle que le travail se fait, avec des machines à la hauteur. L’acheteur travaillera étroitement avec l’entrepreneur pour établir les paramètres de culture pour s’assurer de la qualité de récolte qui convient. Le propriétaire n’intervient qu’à la signature du contrat avec l’industrie, laissant ensuite les Mennesson procéder aux travaux.

On parle de machines très spécialisées, comme des arracheuses de carottes complexes et imposantes. « Nous avons établi depuis longtemps que chaque opérateur est responsable de sa machine. Il apprend à s’en servir sous notre supervision et voit ensuite à son entretien. En cas de problème, c’est l’opérateur qui se sent responsable. C’est pour cela que nous passons beaucoup de temps en atelier pour nous assurer que toutes les machines sont en parfait ordre de marche. »

« La concurrence d’autres entrepreneurs à forfait dans la région fait en sorte que nous conservons des opérations moins intéressantes, comme la récolte des céréales, une période complètement folle. Nous ne voulons pas qu’un concurrent s’immisce parmi notre clientèle », explique David Mennesson.

À la période des fêtes, l’entreprise envoie à ses clients ses bons vœux accompagnés d’une page où ces derniers peuvent indiquer leurs intentions d’ensemencement pour l’année à venir. Maïs, betterave et céréales y figurent avec une estimation, assez précise, des superficies. « Ça nous aide dans notre planification de chantier, reprend l’entrepreneur. C’est aussi pour nous une bonne indication des machines qu’il faudra remplacer ou aller chercher pour combler la demande. »

Soulignons que pour compléter le programme, l’entreprise se charge du déneigement du réseau routier de la région. Pour accomplir cette tâche, deux saleuses et un camion monté d’une simple lame en caoutchouc suffisent. Quand nous avons demandé à nos hôtes où se trouvaient les souffleuses, ils ont éclaté de rire. Dans la région, deux pouces de neige sont un phénomène exceptionnel.