Ce contenu est réservé aux abonné(e)s.
Pour un accès immédiat,
abonnez-vous pour moins de 1 $ par semaine.
S'abonner maintenant
Vous êtes déjà abonné(e) ? Connectez-vous
SAINT-HYACINTHE – Le recrutement d’étudiants atteint un seuil critique dans les techniques de transformation alimentaire. Même que pour la première fois de son histoire, l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ) n’a pas reçu suffisamment d’inscriptions pour démarrer sa formation en Technologie des procédés et de la qualité des aliments, au campus de Saint-Hyacinthe, l’automne dernier.
« C’est assez catastrophique! » exprime sans détour Alain Chalifoux, président du conseil d’administration de l’ITAQ et ancien président de la Laiterie Chalifoux. Il explique cette situation par la courbe démographique actuelle, qui présente une baisse du nombre de jeunes pouvant fréquenter les collèges. Par contre, il estime que les milieux de la transformation et de l’enseignement auraient pu faire mieux. « En 2013, l’Ontario avait remarqué qu’il manquerait 2 000 fromagers. Au Québec, on a comme allumé en retard. […] L’Ontario et Guelph ont travaillé fort. Le gouvernement a payé et ça s’est mis à accélérer », compare-t-il.
Payer les étudiants
La Technique de transformation du lait en produits laitiers, une formation sur deux sessions, a attiré 13 étudiants sur le campus de St-Hyacinthe de l’ITAQ pour l’automne 2023, remportant un plus grand succès que la formation de Technologie des procédés et de la qualité des aliments. L’une des explications est peut-être l’argent offert aux élèves qui s’y inscrivent. En fait, des entreprises du secteur représentées par le Conseil des industriels laitiers du Québec ont sorti leur chéquier et offrent une bourse de 2500 $ à certains élèves qui compléteront la formation, tout en respectant quelques critères, comme d’avoir l’intention de pratiquer ce métier au Québec.
Au campus de l’ITAQ de La Pocatière, la formation en Technologie des procédés et de la qualité des aliments a connu une hausse d’inscriptions l’automne dernier, avec 12 nouveaux étudiants admis. Une nouvelle bourse extrêmement généreuse est offerte aux gens de l’extérieur qui veulent étudier dans ce programme au Bas-Saint-Laurent. Celle-ci prévoit un montant de 3 750 $ versé à tout étudiant admissible à la fin de chaque session réussie, pour une possibilité totale de 22 500 $ par étudiant.
Au Collège de Maisonneuve, le nombre d’inscriptions au programme de Technologie des procédés et de la qualité des aliments est anémique, avec six ou sept inscriptions par année, se désole la coordonnatrice du programme, Mylène Mailloux. Avec les abandons habituels, il peut rester seulement cinq étudiants à la troisième année de leur formation. « Chaque année, la question est posée à savoir si on ouvre ou pas le programme. […] On sait que les assiettes de demain vont en payer le prix si on n’a pas assez d’inscriptions », déplore-t-elle.
Mme Mailloux affirme qu’il est temps d’améliorer les incitatifs et milite pour que son programme puisse être sujet à la même bourse que celle offerte en Technologie du génie électrique, par exemple, où des étudiants reçoivent ainsi 1 500 $ après la réussite de chaque session à temps plein pour un total de 9 000 $ à la fin du programme. « Ça fait une différence sur leurs inscriptions! » constate Mylène Mailloux. Cette dernière souhaite aussi un partenariat avec les entreprises en transformation alimentaire, lesquelles pourraient, par exemple, soutenir financièrement un employé qui désirerait s’inscrire au programme. « Les industriels sont très à l’écoute et conscients qu’il leur faut des employés qualifiés, fait-elle remarquer. Ils voient que le besoin est vraiment grand. »
142 000 emplois à combler
« Entre 2023 et 2030, l’industrie canadienne des aliments et des boissons devra embaucher 142 000 nouvelles personnes, soit près de 50 % de la main-d’œuvre actuelle », indiquent les données publiées en décembre par l’organisme Compétences transformation alimentaire Canada. Ces chiffres reflètent une épine au pied de la compétitivité du secteur agroalimentaire, analyse Christian Bazinet, vice-président aux communications et affaires corporatives du Conseil de la transformation alimentaire du Québec. « Les derniers chiffres laissent présager une pénurie jusqu’en 2030. Une baisse de la main-d’œuvre, mais avec une productivité qu’on demande d’accroître. Le Québec est toujours à la traîne par rapport aux États-Unis et à l’Europe en termes de productivité. C’est une dynamique qu’on ne peut pas ignorer », indique-t-il. Les emplois à combler sont variés, mais M. Bazinet précise qu’il faudra notamment plus de gens formés en développement de produits alimentaires et en salubrité.
Cannibalisation décriée
Selon Alain Chalifoux, l’une des solutions consiste à concentrer la formation en transformation alimentaire, et évidemment, il prêche en faveur de l’ITAQ. « L’affaire que j’ai déplorée et que je déplore, c’est que le ministère de l’Éducation a fait des doublons [en offrant la formation de Technologie des procédés et de la qualité des aliments dans quatre établissements collégiaux que sont Joliette, Maisonneuve et les deux campus de l’ITAQ]. Et sais-tu quoi? On s’est tous cannibalisés, on crève tous de faim et on a perdu des profs. Au lieu de donner quatre petites enveloppes, ce serait plus payant d’envoyer les étudiants où il y a les bons équipements », exprime le coloré homme d’affaires.
Au Collège de Maisonneuve, le conseiller pédagogique Alexandre Ménard juge qu’une centralisation de la formation pourrait faire perdre des joueurs. Il donne l’exemple d’une personne de Laval qui pourrait renoncer à une formation se donnant exclusivement à Saint-Hyacinthe ou à La Pocatière. Il souligne plutôt l’importance de mieux vendre la transformation alimentaire ainsi que de valoriser les postes et les salaires.
Une aide d’ailleurs?
L’aide pourrait aussi venir d’ailleurs. La directrice générale par intérim de l’ITAQ, Karine Mercier, révèle que des liens ont été renoués avec la France par son institution. Elle ne sait toutefois pas encore quelle forme prendra le recrutement ou les échanges. « Mais présentement, ça cogne à la porte, affirme-t-elle. Les Français veulent venir ici [étudier en transformation alimentaire]. »