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Les agriculteurs Véronique Letendre et Jérôme Lizotte ont reçu par huissier une lettre d’expropriation venant de leur municipalité, qui désire creuser un puits et prélever de l’eau directement dans la cour de leur ferme, située à Saint-Antoine-de-Tilly, dans Chaudière-Appalaches. « La municipalité manque d’eau depuis 15 ans. Ils ont creusé des puits exploratoires un peu partout, dont six chez nous. Ils ont finalement choisi ici », se désole Mme Letendre.
Cette situation ne plaît pas aux agriculteurs, surtout que le montant que leur offre la Municipalité pour l’expropriation de 3 700 mètres carrés est ridicule, souligne la copropriétaire de la Ferme Marijoli. Son conjoint et elle consacrent maintenant beaucoup de temps à collecter de l’information pour faire valoir leurs droits. « Pour nous, c’est stressant financièrement et émotivement. On a cinq enfants. IIs nous entendent avoir des conversations. Eux aussi, ils sont stressés », témoigne-t-elle.
Si la Municipalité voulait construire le puits à l’extrémité de leur terre, le problème serait moins grave, estime la productrice. « Mais le puits qu’ils veulent creuser, il sera directement dans notre cour! » Cela aura pour effet de perturber les activités agricoles de la ferme. « Dans un rayon de 100 mètres autour d’un puits d’eau potable, tu ne peux pas avoir de pesticides. Notre grange est dans le 100 mètres de rayon. Les pâturages sont à côté, et jamais l’Environnement ne laissera des vaches à 50 m d’un puits municipal », appréhende-t-elle.
Selon les données fournies par la municipalité, 43 % de l’eau de la municipalité est utilisée par la Fromagerie Bergeron. « C’est spécial; on vient creuser un puits dans ma cour pour fournir de l’eau à une entreprise commerciale », dénonce Véronique Letendre. Son dernier rempart demeure la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), qui devra décider si la Municipalité aura le droit d’utiliser une superficie agricole pour construire un puits. « Si ça passe à la CPTAQ, ça veut dire que les municipalités vont pouvoir creuser des puits et il n’y aura plus un producteur agricole qui sera protégé au Québec. C’est sûr qu’on va se battre », affirme-t-elle.
L’agricultrice craint d’ailleurs que la construction d’un puits pour alimenter la municipalité et d’autres commerces assèche un jour son propre puits. « Si ma relève veut faire de l’agriculture, comme du maraîchage, et qu’il n’y a plus d’eau, il n’y en aura plus d’agriculture. »
Peu de solutions
Le directeur général de Saint-Antoine-de-Tilly, Raphaël Rioux, affirme que la source d’eau située à la ferme de Véronique Letendre et Jérôme Lizotte est malheureusement la seule solution. « On aurait aimé trouver un autre endroit, mais si on tasse de quelques pieds, on pourrait ne pas trouver de l’eau. C’est le seul endroit qui répond aux normes des hydrologues pour dire que le tout sera viable. »
La situation du manque d’eau est telle à Saint-Antoine-de-Tilly que les volumes d’eau seraient insuffisants durant certaines périodes pour éteindre un incendie, ce qui pose des problèmes de sécurité publique, s’inquiète le directeur.
Et le fleuve? « C’est vrai qu’on est tout près, mais notre municipalité, comme d’autres, rejette ses eaux usées dans le fleuve… Et des installations pour pomper dans le fleuve coûteraient près de 150 M$. On ne pourrait financer ça seul », explique-t-il. La Municipalité doit présentement acheter de l’eau de la Ville de Québec à prix élevé. Des mesures restrictives sont également imposées : tous les utilisateurs non résidentiels, incluant un verger, une ferme agrotouristique et la Fromagerie Bergeron, doivent être équipés d’un compteur d’eau et payer 0,86 $ le mètre cube. « Au Québec, on a beaucoup négligé cette ressource, l’eau. On commence à se réveiller », constate M. Rioux.