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La réforme de la Loi sur l’expropriation, qui est entrée en vigueur à la fin décembre, continue d’inquiéter le milieu agricole, même si plusieurs amendements y ont été ajoutés pour atténuer ses effets négatifs potentiels.
« On ne peut pas dire qu’on a obtenu tout ce qu’on demandait, mais oui, il y a eu des changements qu’on a obtenus, qui sont des gains, et on a pu atténuer les effets de la loi avec les amendements », confie Charles-Félix Ross, directeur général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), en entrevue avec La Terre.
Au départ, ce projet de loi 22 sur la réforme de la Loi sur l’expropriation visait principalement à réduire les indemnités parfois exorbitantes demandées par des promoteurs immobiliers. « La loi, avant d’être modifiée, n’établissait aucune limite pour ces indemnités. Ça causait beaucoup de problèmes pour les municipalités, parce qu’elles n’étaient pas capables de prévoir l’argent qu’elles devaient investir pour pouvoir faire une expropriation », explique Me Yaëlle Lyman, avocate spécialisée en droit agricole chez BHLF avocats. La nouvelle version de la loi impose désormais une indemnisation basée sur la valeur marchande de la propriété, plutôt que sur la « valeur au propriétaire », laquelle était une indemnité « sur mesure pour le propriétaire », puisqu’elle tenait compte d’aspects comme les projets futurs pour la propriété », détaille Me Lyman.
De plus, la nouvelle mouture de la loi encadre de manière plus stricte d’autres types d’indemnisations, comme la valeur de réparation du préjudice, la perte de bénéfice lié à un projet d’entreprise, ou encore l’indemnité pour les troubles et ennuis.
Si ces changements peuvent s’avérer efficaces pour freiner les effets de la spéculation immobilière sur le montant des indemnisations des expropriations, ils risquent en revanche d’appauvrir les entreprises agricoles, qui sont encadrées par la même loi, mais qui ont une réalité bien différente de celle des promoteurs immobiliers, signale Me Lyman. « On craignait qu’un producteur qui se fait exproprier ne puisse pas se faire indemniser correctement en raison de nouveaux plafonds imposés pour plusieurs types d’indemnités », précise l’avocate.
Une appréhension partagée par des producteurs comme Jean-Michel Gagnon, qui représente la 5e génération à la tête de la Ferme laitière Gagnon, à Saint-Bruno, au Lac-Saint-Jean. Ce dernier se demande s’il pourra recevoir une indemnisation aussi élevée que ce qu’il aurait obtenu avec l’ancienne loi pour l’expropriation d’une partie de ses terres, ciblées par le ministère des Transports pour le prolongement d’une autoroute dans quelques années.
Des atténuations obtenues
L’UPA, qui a déposé un mémoire en plus de faire des représentations dans le cadre de l’étude du projet de loi en commission parlementaire en septembre 2023, estime toutefois être parvenue à amoindrir les dégâts, puisque de nombreux amendements ont été ajoutés à la version finale du projet de loi pour mieux tenir compte de la spécificité agricole. « Par exemple, au départ, le projet prévoyait que l’indemnité pour la valeur de substitution ne pouvait pas dépasser 135 % de la valeur marchande du terrain exproprié. Si un producteur devait se reloger, et que quelque chose d’équivalent coûtait 150 % de ce qu’il avait, et bien, il n’aurait pas pu en raison de ce nouveau plafond de 135 %. Finalement, ce plafond a été retiré », explique Me Lyman.
D’autres assouplissements ont été obtenus concernant d’autres types d’indemnisations, notamment celle de la « valeur de convenance », limitée au départ à 20 000 $, et rehaussée à 30 000 $ dans la version finale de la Loi.
Au bout du compte, le directeur général de l’UPA, Charles-Félix Ross, estime que les producteurs ou les entreprises agricoles qui font face à une expropriation ne recevront pas d’indemnité plus élevée qu’avant, mais équivalente, alors que d’autres pourraient toutefois s’appauvrir, selon les cas.
Inquiétude pour la protection du territoire agricole
L’UPA se réjouit par ailleurs d’un nouvel amendement qui permet une rétrocession des terres agricoles si le projet pour lequel la propriété a été expropriée ne se réalise pas.
Il s’agit toutefois d’un moindre mal par rapport à une autre disposition de la loi, qui pourrait causer des préjudices importants aux producteurs expropriés tout comme au territoire agricole, souligne M. Ross. Car, pour accélérer le processus, un corps expropriant pourra désormais enclencher les démarches d’expropriation avant d’obtenir l’autorisation de la Commission de la protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ). « L’amendement qu’on a obtenu sur la rétrocession, pour nous, ce n’est pas suffisant, car les autorisations [de la CPTAQ] devraient être obtenues avant que le processus d’expropriation soit mis en branle. On pense également qu’on devrait associer un coût au dézonage agricole, pour freiner l’appétit pour ces terres », revendique M. Ross.