Territoire 12 mars 2024

L’arrivée remarquée d’un producteur de saules en Abitibi

L’arrivée en Abitibi de Ramo, une entreprise spécialisée dans la plantation de saules pour résoudre des problèmes environnementaux, suscite un mélange de préoccupations et de curiosité chez les producteurs agricoles de la région. 

Depuis près de 20 ans, Ramo mise sur le saule, l’essence de feuillus à la croissance la plus rapide au Québec, pour résoudre des problèmes environnementaux en misant sur la valorisation des micronutriments azotés dans les eaux usées, la confection de murs antibruit ainsi que la production de copeaux de saules utiles à la prévention de l’érosion et à la santé microbienne des sols, notamment des terres noires de la Montérégie. 

Mais c’est surtout l’utilisation de terres agricoles pour y cultiver des saules qui soulève des questions. Le président régional de l’Union des producteurs agricoles, Pascal Rheault, parle d’une certaine « grogne », particulièrement à La Corne, où s’est établie l’entreprise.

C’est sûr que ça nous inquiète un peu. C’est quand même une production agricole, mais on ne veut pas que ça devienne la norme ici, de juste planter des arbres ou des productions comme celle-là. À moins qu’on vire castors, du saule, ça ne se mange pas. Il faut produire pour nourrir notre monde.

Pascal Rheault, président de la fédération de l’UPA de l’Abitibi-Témiscamingue

Laisser la chance au coureur

David Cyr, producteur laitier et voisin immédiat de Ramo à La Corne, concède que la venue de l’entreprise au village a fait sourciller quelques-uns de ses concitoyens. Il insiste toutefois sur le fait que l’entreprise cherche aussi à revaloriser des terres laissées en friche. « Il y a plusieurs hectares de terres en friche en Abitibi dont personne ne s’occupe. Ce sont ces sites qu’ils favorisent. C’est sûr qu’au début, ça fait peur un peu. Mais je pense qu’on doit donner la chance à notre coureur. Et ils encouragent quand même local », souligne l’agriculteur. Il fait ainsi référence au recours à des fournisseurs d’intrants agricoles et à des sous-traitants de La Corne, par exemple en mécanique ou en soudure, mais aussi à l’accompagnement offert par le Groupe conseil agricole de l’Abitibi.

Le saule est l’essence de feuillus à la croissance la plus rapide au Québec. Chez Ramo, son cycle de récolte est de trois ans.

Le président de Ramo ne cache pas que la volonté de s’établir en Abitibi n’est pas étrangère à l’idée de se rapprocher de l’industrie minière. Mais Francis Allard se veut rassurant : il veut aussi travailler avec les agriculteurs pour s’assurer que ses activités soient « compatibles » avec le secteur dans une perspective de diversification des cultures. 

« Je pense que les terres de l’Abitibi sont prisées pour ce qu’on appelle la reforestation. Il y a quand même un attrait de planter des arbres dans l’esprit de générer ou de vendre des crédits carbone. On croit qu’il y a un potentiel là, mais on est vraiment dans une dynamique de créer une activité économique structurante. L’expertise dont a besoin pour cultiver les saules, c’est beaucoup plus près de l’expertise agricole que de l’expertise forestière », fait-il valoir, précisant que le cycle de récolte des saules, tous les trois ans, permet de revenir à d’autres productions rapidement au besoin.