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Pour lutter contre la dégradation des sols organiques, les producteurs auraient intérêt à rapidement mettre en place un plan de conservation, estime un chercheur. Une telle approche permettrait de maintenir les profits nets sur l’horizon d’investissement, voire de préserver la valeur foncière de la terre et d’en améliorer la productivité.
« On établit maintenant qu’en dessous de 60 cm d’épaisseur, une terre est à risque, indique Jean Caron, professeur en physique des sols et titulaire de la chaire CRSNG [Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada] en conservation des sols organiques. Pourquoi? Les chercheurs ne sont pas encore sûrs. Certaines terres vont continuer à bien performer à cette épaisseur, tandis que d’autres voient leur porosité s’effondrer sur deux ans. »
Dans le secteur des Jardins-de-Napierville, en Montérégie, les sols organiques ont perdu en moyenne 40 cm en 25 ans. Ce phénomène est attribuable principalement à la décomposition du sol (25 cm), à l’érosion éolienne (15 cm) et à la compaction et au tassement (9,75 cm). Si le chercheur estime que la situation n’est pas encore critique considérant le potentiel de production de la région, l’inaction va entraîner son lot de conséquences agronomiques comme la perte de valeur foncière, une érosion accrue, des sols plus minces et plus compacts et des cultures plus sensibles aux aléas climatiques en raison d’une moins bonne interception de l’eau.
Apparition d’une couche compacte
Même si un sol organique dispose encore d’une bonne épaisseur, un autre type de phénomène peut survenir. « À la surface, on retrouve un horizon très fibreux qui, avec le travail du sol et le drainage, va amener la production d’une matière très fine qui migre vers l’horizon plus profond », explique Jean Caron, qui présentait une synthèse de 14 ans de travaux lors des dernières Journées horticoles et grandes cultures.
Cet horizon va s’épaissir et limitera assez rapidement le drainage, ce qui accélérera ce mouvement. « Au bout de 50 ans, cet horizon va constituer l’essentiel du sol. Ce matériel se montre très récalcitrant avec l’apparition de nappe perchée et de stress d’oxygène qui feront fourcher les racines », poursuit-il.
Dans cette région, la moitié des terres avec un sol d’une épaisseur de 60 à 100 cm sont susceptibles d’être confrontées à cette problématique. « Si on ne fait rien, le sol se dirige vers cet état, avertit Jean Caron. Outre la formation d’une couche compacte, on assistera à l’affaissement du sol. La vitesse de drainage ralentira aussi et le sol sera encore plus difficile à travailler. »
Des solutions à l’essai
Les travaux de Jean Caron et de ses collègues ont permis d’évaluer certaines solutions afin de conserver, et éventuellement de restaurer, les sols organiques. Parmi les techniques étudiées, l’implantation d’engrais verts et l’irrigation sont les plus connues des producteurs. D’autres avenues ont été explorées par la professeure Jacynthe Dessureault-Rompré, comme des amendements de saules et de miscanthus.
Des travaux sont également en cours pour étudier les effets de la plantation de haies de saules aux six ans afin d’améliorer le drainage et de réduire l’érosion. « Cette mesure fait partie des solutions qui se sont avérées les plus efficaces, car les racines viennent fracturer la couche compacte. Même après la mort du plant, on a observé un effet résiduel sur trois à quatre ans. En comparaison, avec les travaux de redrainage, on avait perdu la moitié de l’efficacité initiale à l’intérieur de deux ans. »
Jean Caron convient que cette solution n’est pas très populaire auprès des producteurs. Néanmoins, elle mérite d’être considérée. « Même si on perd de la superficie et que cela requiert plus de travail, on obtient un gain de rendement en raison de la réduction du stress hydrique et de la dispersion de la couche compacte. »
Enfin, les travaux antérieurs ont pu démontrer la pertinence des interventions spatialisées au cours desquelles des ressources humaines sont consacrées à établir des zones pour cibler leurs interventions. « Mais pour cela, il faut affecter des ressources pour faire le diagnostic et les suivis. »
Des interventions viables
Afin de mesurer les impacts financiers de l’adoption d’un plan de conservation des sols, le chercheur a réalisé différentes simulations pour une ferme fictive de 150 hectares en production de laitues. L’exercice servait à démontrer des tendances et ne constituait aucunement une recommandation agronomique spécifique à une entreprise, a-t-il précisé.
Dans le scénario où aucune action n’était prise pour conserver les sols, la ferme était destinée à essuyer une baisse constante de ses revenus, de même qu’une perte de valeur foncière et de profit net. Autre constat, l’irrigation seule ne suffisait pas à inverser cette tendance et des interventions de conservation s’avéraient nécessaires. Le scénario qui impliquait des engrais verts, des amendements et l’implantation de petites haies de saules permettait de maintenir la valeur foncière et d’améliorer la productivité.
« Il apparaît hautement bénéfique à court terme (deux à trois ans) de mettre en place un plan de conservation, car il permettra de maintenir les profits nets sur l’horizon d’investissement. Il faut voir ces interventions comme un investissement et non une dépense », conclut-il.
État des sols organiques du bassin de Napierville–Sherrington–Sainte-Clotilde
Sols de 0 à 60 cm : 16 %
Sols de 60 à 100 cm : 24 %
Sols de 100 cm et + : 60 %
Erreur de prédiction : 1 %