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Un cri de soulagement a retenti dans Chaudière-Appalaches lorsque Véronique Letendre et Jérôme Lizotte, de la Ferme Marijoli, ont lu la décision de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), laquelle refuse à la Municipalité de Saint-Antoine-de-Tilly le droit d’utiliser une partie du terrain des agriculteurs pour creuser un puits municipal d’eau potable. « On est très contents, on est soulagés, et on espère que tout cela sera derrière nous. On a tenu notre bout, oui, mais on est endettés. On a 92 000 $ de frais en experts, avocats et autres. Pour une petite ferme comme la nôtre, c’est énorme. Il a fallu que mon conjoint parte travailler à l’extérieur pour aider à payer ça », explique Véronique Letendre, qui remercie les gens qui ont donné un total de 11 000 $ lors d’une campagne de sociofinancement.
Rappelons que la Municipalité de Saint-Antoine-de-Tilly, qui éprouve un grave problème d’approvisionnement en eau pour ses citoyens, estime que la meilleure solution consiste à forer et exploiter un puits sur la terre de la Ferme Marijoli, et ce, à moins de 100 mètres de ses bâtiments agricoles. La Municipalité avait déjà exproprié les agriculteurs pour la zone du futur puits et attendait l’autorisation de la CPTAQ pour procéder aux travaux. Une démarche d’expropriation que Véronique Letendre ne souhaite à personne.
Une expropriation qualifiée d’« agression »
« C’est comme une agression, comme un viol. On a reçu un courriel de leur avocat avec 48 heures de préavis, comme quoi une compagnie de forage viendrait chez nous. Ils sont arrivés le samedi matin, ils ont déblayé notre cour à leur goût et ont tassé une pile de bois. Ils ont même fait trois forages exploratoires dans notre érablière en coupant des branches d’érables tout croche. Et tu ne peux rien dire et rien faire! On a pensé les bloquer avec notre machinerie, mais notre avocat nous a dit que ça ne servirait à rien sauf à nous faire payer plus de frais… » raconte-t-elle.
La CPTAQ, organisme qui protège le territoire agricole, était le dernier rempart sur lequel reposaient tous les espoirs des agriculteurs. Or, dans sa décision du 14 février, la CPTAQ indique que le puits que veut aménager la Municipalité entraînerait des conséquences négatives sur les activités agricoles de la ferme.
En effet, sa présence l’empêcherait d’utiliser ou de stocker des pesticides de classe 1 à 3 dans un rayon de 100 mètres du puits et les bâtiments concernés se trouvent à moins de 100 mètres du puits. Mais surtout, la Municipalité n’a pas réussi à convaincre la CPTAQ qu’il était impossible de localiser le puits ailleurs, hors du milieu agricole. La CPTAQ refuse ainsi à Saint-Antoine-de-Tilly le droit d’aliéner une superficie approximative de 3 700 mètres de deux lots de la Ferme Marijoli et d’en faire une utilisation autre qu’agricole.
« C’est la bonne décision qu’a prise la CPTAQ, et c’est une décision importante, car si la Municipalité pouvait passer chez nous pour puiser de l’eau, il n’y a plus une ferme au Québec qui aurait été protégée », analyse Véronique Letendre. À ce sujet, l’agricultrice affirme avoir eu des discussions avec des représentants de l’Union des producteurs agricoles, afin d’être soutenue par le fonds de défense de l’organisation, mais aucun engagement en ce sens n’a été pris jusqu’à maintenant.
Pas terminé
Tout n’est pas terminé pour autant, car la Municipalité de Saint-Antoine-de-Tilly pourrait contester la décision de la CPTAQ devant le Tribunal administratif du Québec. Elle pourrait aussi demander la permission d’installer son puits dans d’autres secteurs de la propriété agricole.
Véronique Letendre et Jérôme Lizotte espèrent que le dossier sera clos et qu’ils pourront se recentrer sur leurs enfants, de même que sur leur entreprise agricole, et ce, après deux ans de lutte. Non seulement le couple devra assumer ses dettes associées à sa propre défense, mais elle déplore qu’elle devra indirectement payer les coûts de sa municipalité. « La Municipalité a des dépenses de 300 000 $ pour les forages exploratoires qu’ils ont faits chez nous, sans parler de leurs frais d’avocats. Je vais moi-même payer une partie de tout ça sur mon prochain compte de taxes », s’insurge l’agricultrice.