Territoire 23 mai 2023

200 municipalités réclament des allègements pour la construction en zone agricole

Plus de 200 municipalités demandent au gouvernement provincial d’autoriser les constructions résidentielles dans certaines zones agricoles et forestières inexploitées où les villages n’ont ni les installations ni les moyens de préconiser la densification urbaine.

« Quand on se promène le long des routes, à l’extérieur des périmètres urbains, il y a des milliers de kilomètres où il n’y a aucune production agricole, où les terres sont de second ordre, mais on ne peut pas se construire parce que c’est zoné agricole ou forestier, constate le maire de Saint-Louis-de-Blandford, Yvon Barrette. Pourquoi ne pas permettre aux propriétaires de vendre des parcelles? »

Les toutes petites municipalités, quand il nous reste des sous, en bout de ligne, c’est pour réparer une route. On ne peut pas améliorer nos infrastructures; on n’a pas assez de revenus pour ça. On arrive serré, serré.

Yvon Barrette

Après avoir entrepris la création d’un « comité spécial » à la MRC d’Arthabaska, l’instigateur du mouvement a fait adopter sa résolution en novembre, tout comme ses homologues des autres municipalités de la MRC. Puis, une invitation à emboîter le pas a été envoyée à travers la province. « On a récolté plus de 200 résolutions au total, y compris celles d’Arthabaska. Ce sont probablement toutes de petites municipalités comme nous qui peinent à faire des revenus et à arriver », exprime le maire, dont le village compte 1 200 habitants.

Ses confrères et lui aimeraient que de nouvelles propriétés soient construites sur leur territoire pour pouvoir percevoir plus de taxes et garder la tête hors de l’eau, mais ils disposent de peu de marge de manœuvre. Selon M. Barrette, la densification urbaine, telle qu’encouragée par le gouvernement du Québec dans sa Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire, dévoilée en juin 2022, ne s’applique pas à la réalité des petites municipalités qui n’ont pas la capacité financière d’installer les infrastructures requises pour l’ajout de maisons dans les périmètres urbains, notamment les réseaux d’aqueduc et d’égouts.

« On n’a pas de système d’égout. Ce serait impensable de faire un coin de densification.Ça représenterait des coûts exorbitants », plaide-t-il.

M. Barrette suggère plutôt que les propriétaires de terres qui ne sont pas propices à l’agriculture en bordure de la route soient autorisés à vendre de petits lots de 3 000 mètres carrés sur lesquels pourraient être construites de nouvelles habitations. Chacune disposerait ainsi de l’espace réglementaire requis pour avoir son propre champ d’épuration et son puits. « Pas besoin de système d’égout, et il y aurait de la place pour des lots de 3 000 mètres carrés. On pourrait facilement avoir 20-25 habitations de plus par municipalité sans que ça ne dérange personne », calcule le maire. Seulement 3 % d’un terrain de 100 acres, estime-t-il, pourraient permettre la construction de cinq résidences, sur cinq lots différents.

Prêts à vendre des parcelles de terre

Les 22 maires de la MRC d’Athabaska ont sondé des propriétaires de terres agricoles et forestières sur leur territoire pour savoir s’ils seraient prêts à vendre des parcelles inexploitées. Près d’une soixantaine auraient répondu par l’affirmative jusqu’ici. Toutes ces démarches des municipalités sont faites dans un objectif de rencontre avec les ministres de l’Agriculture ainsi que des Affaires municipales et de l’Habitation pour les convaincre de revoir la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles et la Politique nationale d’architecture et d’aménagement du territoire. Le député provincial d’Arthabaska, Éric Lefebvre, leur a suggéré, après des sollicitations de leur part, de sonder l’intérêt des propriétaires de terres pour la vente de parcelles. Selon son attaché, toutefois, le député n’a pas pris position dans le dossier. Questionné par La Terre à savoir si des allégements pour les petites municipalités étaient envisageables, le ministère de l’Agriculture a répondu par courriel que le milieu municipal sera appelé à « participer à la réflexion » sur l’aménagement du territoire dans le cadre de la politique nationale, dont les modalités seront rendues publiques prochainement.

Des enjeux de cohabitation redoutés par l’UPA

Le président de la Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) du Centre-du-Québec, Daniel Habel, est bien au fait de cette démarche amorcée il y a quelques mois. Déjà, il y voit plus d’inconvénients que d’avantages pour l’agriculture. « On s’explique mal l’objectif de développer les rangs. La cohabitation est un élément qui fait surface et qui fait craindre le pire au milieu agricole », fait valoir celui qui encouragera toujours, d’abord et avant tout, le développement des « noyaux municipaux » pour éviter à la source les problèmes de cohabitation entre agriculteurs et citoyens. Il redoute par ailleurs une démarche « chirurgicale » et complexe à mettre en œuvre pour déterminer quelle parcelle de terre pourrait ou non servir à la construction résidentielle. Le président ne se dit pas fermé à la discussion, mais préfère attendre la mise en application de la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire.