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La vie a le don de nous réserver bien des surprises. J’avais à peine six ans et toutes mes dents de lait. Cette nuit-là, rien n’aurait pu gâcher mon fameux réveillon de Noël. Mais, comme personne n’est maître des événements, aucun individu n’a pu contrôler la nouvelle naissance qui me donna une panoplie de frissons, d’émotions, ce soir du 24 décembre.
J’avais refusé d’aller au lit… malgré les supplications de ma mère. Il était environ vingt heures, quand mon père entra dans la maison. Il arrivait de l’étable, après avoir jeté un dernier coup d’œil.
– Maudit! Marguerite va avoir son veau. Ses eaux sont crevées.
« La messe de Minuit, elle, et le réveillon? Zut! » pensai-je, choquée.
Mon père retourna à l’étable. Moi, curieuse comme la fouine, je m’emmitouflai tel un oignon; je me glissai en catimini à l’extérieur jusqu’à l’étable. Dehors, il faisait clair de lune. Dedans les bâtiments, mon père était là; assis sur une chaudière, il regardait Marguerite, en plein travail. « Vas-y, ma vieille! » entendis-je. Il dut prendre une corde pour aider la bête. Je n’avais d’yeux que pour la brave vache. Quelques minutes plus tard, le regard émerveillé, voilà qu’enfin apparut une petite tête, un corps blanc taché de noir, et finalement… les deux pattes de derrière.
– C’est une taure, m’annonça mon père, fier et enjoué. Il est minuit, ajouta-t-il, joyeux Noël, ma petite! Joyeux Noël, Marguerite! Tiens… v’là ton veau.
Presque la larme à l’œil, nous sommes restés, mon père et moi, un long moment, regardant la mère et son p’tit.
Sur le chemin du retour, nous avons ri un bon coup. Je pris la grosse main chaude et noueuse de papa; lui indiquai la falaise blanche avec mon autre bras tendu, et je lui ai dit : « On devrait l’appeler… euh… Perce-Neige. Qu’en penses-tu, Pa… »
– On verra. Rentrons vite… il fait froid.
Nous avons réveillonné en famille. J’étais cependant toujours dans la lune. Mon cœur était demeuré à l’étable, entre Marguerite et Perce-Neige.
Depuis ce temps, j’ai bien grandi. Mais, chaque Noël, le souvenir de la naissance de Perce-Neige me revient. Je dois vous avouer que Perce-Neige est devenue, pour mon père, sa meilleure vache à lait. Simple coïncidence, vous dites-vous! Allez demander au père Noël.