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Raymond, c’est mon frère. Il a vingt-cinq ans. Quand j’avais six ans, il était déjà grand. Un après-midi qu’il y avait des fleurs, maman a ramassé un beau plat de fraises des champs. Elle les porta sur la table en disant que c’était pour faire la tarte de Noël. Ensuite, elle est allée à la grange pour faire le train.
Moi, je me suis levé et je voulais en manger trois ou quatre. Elles étaient si bonnes et je n’étais pas grand, et Noël, je ne savais pas encore quand ça serait. À cause de ma gourmandise, j’ai tout mangé.
Je l’ai regretté tout de suite et je me suis mis à pleurer. Raymond arrivait de sa fin de semaine et il m’a demandé pourquoi je pleurais. Je lui ai expliqué que j’avais bien de la peine d’avoir tout mangé, que je n’avais pas pensé assez vite d’écouter maman, que je serais bien puni et qu’on n’aurait pas de fraises pour Noël.
Raymond n’a rien dit. Mais quand maman s’en venait de la grange, il a été au-devant d’elle et lui a dit : « Pauvre maman, je n’ai pas pensé que vous gardiez les fraises pour Noël. Je vous en prie, excusez-moi. » J’ai été surpris; au lieu de le punir, maman nous a regardés un peu et elle n’a rien dit. Elle l’a embrassé, le Raymond, et ce n’était pas sa fête seulement.
Le temps des fleurs a passé. J’ai commencé l’école. Je ne pouvais oublier les fraises. Il y eut de la neige. Toutes les fois que je pensais à Raymond, j’avais comme une petite roche pointue qui me promenait dans la gorge. J’avais de la misère à lire et à manger. Une fois, Mlle Asselin m’a demandé, à l’école, pourquoi je lisais mal. Je lui ai dit la vérité, que j’avais peur d’étouffer avec cette petite roche-là. Elle m’a dit : « C’est ça, la conscience, il faut raconter cela à ta maman et tu n’étoufferas pas. »
Je m’en rappellerai tout le temps. Maman a été contente de moi et fière de Raymond. Quand je lui ai dit cela, elle a préparé tout de suite une immense tarte, grande comme le four, pour fêter Noël. On l’a mangée ensemble. Et je me suis aperçu que cette petite roche pointue qui m’avait fait si mal dans la gorge, et bien, je ne l’avais plus. La conscience, je l’avais avalée quand j’ai dit la vérité.