Santé psychologique 25 juillet 2024

Travailleuses de rang : encore trop tôt pour regrouper les services

Le projet de regrouper les différents services de travailleuses de rang au Québec sous l’égide d’une même organisation, plutôt que les quatre actuelles, circule depuis quelques années. Le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, a même encouragé ce regroupement, il y a quelques mois, lors de l’assemblée générale annuelle d’Au cœur des familles agricoles (ACFA), le principal organisme offrant des services de soutien psychologique dans le milieu agricole. 

« Toute démarche de collaboration qui permettrait de partager les meilleures pratiques, créer des synergies ou diminuer les coûts administratifs est encouragée », a reconfirmé récemment le cabinet du ministre dans une réponse fournie à La Terre par courriel. 

Par le biais de son cabinet, le ministre Lamontagne a toutefois spécifié qu’il ne souhaite pas s’ingérer dans la gestion ou l’organisation interne de ces organismes. « Le plus important est que ce service soit accessible sur tout le territoire », a-t-il mentionné.

Paul Doyon

Une idée qui mijote depuis trois ans

Paul Doyon, premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), qui siège également au conseil d’administration (C.A.) de l’organisme ACFA, mentionne que cette idée plane depuis déjà quelques années.

Quand je suis arrivé au C.A. d’ACFA, il y a trois ans, ça faisait partie de mon discours : travailler à un modèle qui ferait en sorte que toutes les régions soient couvertes de la même façon. À l’UPA, on est d’accord avec ça. On souhaite des services uniformes partout, avec un financement uniforme.

Paul Doyon
Magali Noiseux-Laurin

Actuellement, ACFA est la plus grande des organisations offrant ce type de service, avec 13 travailleuses de rang couvrant neuf régions du Québec. Outaouais-Laurentides, l’Abitibi-Témiscamingue et Lanaudière ont leur propre modèle. Parmi eux, il y a Écoute agricole, fondée il y a neuf ans, qui compte aujourd’hui quatre travailleuses de rang pour desservir la région Outaouais-Laurentides. Sa directrice générale, Magalie Noiseux-Laurin, indique que cette option de regroupement n’a pas encore été évaluée de son côté. Elle se demande toutefois si un tel modèle pourrait nuire aux liens étroits que l’organisme a su tisser au fil des années avec plusieurs partenaires du milieu. « Notre modèle est efficace, notamment pour nos collectes de fonds, alors avec un organisme plus provincial, on pourrait peut-être perdre ce lien-là », craint-elle.

Encore du travail à faire

Paul Doyon estime qu’avec de la volonté, il serait possible d’arriver éventuellement à un regroupement de toutes les travailleuses de rang dans un même organisme. Il reconnaît par ailleurs que cela représente un défi « structurel » pour les organisations, qui ont encore du travail à faire pour y parvenir.  « Ce sont des organisations qui ont commencé très petites en se structurant selon des modèles très différents les uns des autres. ACFA, par exemple, a ses propres employés, avec leurs conditions d’emploi. La façon dont c’est structuré, ce serait difficile d’intégrer à l’équipe un travailleur de rang qui est déjà employé d’un autre organisme », illustre-t-il. 

À titre d’exemple, l’Abitibi-Témiscamingue compte deux travailleuses de rang employées du Centre de prévention du suicide du Témiscamingue, alors que dans la région de Lanaudière, la travailleuse de rang est une employée de la fédération régionale de l’UPA, qui offre le service en partenariat avec le Centre de prévention du suicide de Lanaudière depuis 2019. 

Andréanne Aumont, directrice générale de la Fédération régionale de l’UPA de Lanaudière, confirme qu’une tentative a déjà été faite pour que la travailleuse de rang de son secteur rejoigne les rangs d’ACFA. Cela impliquait toutefois de congédier ladite employée pour qu’elle soit réembauchée avec d’autres conditions d’emploi. « C’est très difficile de défaire un modèle qui fonctionne bien. Et il y a des avantages qu’il ne faudrait jamais perdre, comme la proximité que la travailleuse de rang a avec les producteurs et les partenaires », ­souligne Mme Aumont. Cette dernière ne ferme toutefois pas la porte à un possible regroupement sous une autre forme éventuellement, ce qui pourrait d’ailleurs faciliter la question du financement ou le partage ­d’expertise, mentionne-t-elle.

L’espoir d’un financement récurrent

Dans son rapport annuel 2023-2024, dévoilé lors de son assemblée générale annuelle du mois de juin, Écoute agricole dit poursuivre ses efforts pour obtenir un financement récurrent du ministère de la Santé et des Services sociaux afin d’assurer la pérennité de ses services.

Le budget de fonctionnement d’Écoute agricole est de 450 000 $ annuellement, et une part de près de 100 000 $ est comblée par des campagnes de financement, précise sa directrice générale, Magali Noiseux-Laurin. Depuis 2020, l’organisme a d’ailleurs connu un certain essor, passant de deux à quatre travailleuses de rang pour répondre à une augmentation des demandes de service dans les Laurentides et l’Outaouais. La dirigeante attribue cette hausse à une plus grande conscientisation du milieu aux enjeux de santé mentale, mais également à une normalisation des demandes d’aide.


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