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L’épuisement et les dettes rongent le quotidien d’un nombre accru de jeunes agriculteurs et agricultrices de la relève, affirme Leïla Arbour, productrice ovine de Bonaventure, en Gaspésie.
« L’agriculture est devenue une relation toxique. La ferme était censée nous donner une qualité de vie, mais elle prend tous nos moyens financiers et nous empêche d’avoir une vie sociale tellement on travaille. » Elle souligne que la santé physique et mentale peut y passer. « Pour bien du monde, c’est ce qui arrive. Plusieurs veulent lâcher, mais ne savent juste pas comment. Car s’ils arrêtent, comment payeront-ils leurs dettes? Alors ils se poussent à bout pour sauver leur ferme, sans prendre soin d’eux, ça devient un cercle vicieux », dépeint l’éleveuse de 26 ans, copropriétaire de l’entreprise Agneau nourri aux algues.
Ce commerce dont elle prend la relève a essuyé une légère baisse des ventes en raison d’une diminution des dépenses des consommateurs. En même temps, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation du prix des intrants lui font mal, précise celle qui a étudié en agriculture au collégial et en sciences de la consommation à l’université.
Ce contexte d’affaires plus difficile a obligé l’un des copropriétaires de son entreprise à partir travailler à l’extérieur. « Nos créanciers sont heureux qu’il rentre un salaire de l’extérieur, mais notre production a baissé et il a fallu se redistribuer les tâches. Et ça déborde. Nous n’avons plus de temps pour nous; je quitte la ferme le soir sans avoir terminé la moitié de ma liste. Moi, je suis capable de le faire, de dire : “C’est assez, autrement c’est moi qui vais sauter.” Je sais par contre que bien du monde de la relève ne le fait pas », déplore Mme Arbour.
Celle qui est administratrice de la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ) mentionne par ailleurs que de jeunes agriculteurs de sa région, en démarrage ou en transfert de ferme, vivent des moments critiques. « La relève, c’est elle qui mange la claque en premier. On n’a pas de coussin financier et les factures rentrent. C’est fou. Plusieurs ne savent plus quoi faire », indique l’éleveuse de 600 brebis.
Elle sait que chaque région a sa réalité, mais dans son secteur, l’éloignement, les frais de transport et la faible compétition entre fournisseurs font en sorte que les équipements et les intrants sont plus chers. « Ça fait dur! » résume-t-elle.
Pas seulement en Gaspésie
La présidente de la FRAQ, Julie Bissonnette, observe une pression supplémentaire sur les jeunes, qui est généralisée un peu partout au Québec. « Il y a beaucoup de renouvellement de prêts ces temps-ci. Ça met une coche de plus. Il y a des jeunes pour qui ça va bien, mais d’autres qui ne voient plus le bout. On fait la tournée des régions présentement, et on voit que c’est pire qu’avant. Les gens parlent beaucoup plus de santé psychologique », fait valoir l’agricultrice du Centre-du-Québec.
Elle lance un appel à l’entraide. « Ceux qui m’inquiètent sont ceux qui n’en parlent pas, qui ne viennent pas aux activités, qui travaillent comme des fous et qui restent chez eux », précise Mme Bissonnette.