Relève 17 mai 2024

Ils désirent vivre et travailler ensemble toute leur vie!

LÉVIS – Dans une société où les gens aiment le changement, deux jeunes agriculteurs font exception. Laurence Lacroix et Tommy Labrie ont formé un couple à 18 ans, ont emménagé ensemble dans la ferme familiale à l’âge de 19 ans, attendent maintenant un premier enfant et espèrent poursuivre cette existence paisible pour le restant de leur vie!

« Je sais qu’il y en a qui ont besoin d’essayer plusieurs choses avant de trouver ce qu’il leur faut. Ils changent de blonde, changent de job… Moi, je ne vois aucun intérêt à courailler d’un bord à l’autre, autant d’un point de vue familial que professionnel. J’ai été plongé dès mon plus jeune âge dans les valeurs familiales, de prendre le temps de vivre ensemble, et je ne vois pas l’intérêt de changer de mode de vie », affirme Tommy. 

Le couple veut poursuivre l’évolution de la génétique laitière afin d’accroître la production et la rentabilité de la ferme.

Le jeune agriculteur de 22 ans termine sa phrase en jetant un coup d’œil complice à sa conjointe, Laurence, qui tient les mêmes propos. « Je n’ai pas ce désir-là, d’essayer d’autres métiers. Je sais que j’aurais pu être infirmière ou architecte si j’avais voulu, car je m’adapte bien à tout, mais mon domaine, ce sont les animaux », commente-t-elle.

Ici, à la ferme, je me sens à ma place. Et ça s’est fait naturellement pour moi. Je regarde mes grands-parents, qui avaient une ferme. Ils travaillaient ensemble, leur vie avait l’air paisible et ça marchait bien, leurs affaires. Je ne vois pas pourquoi ça ne fonctionnerait pas pour nous aussi.

Laurence Lacroix, productrice

Le plan

Laurence et Tommy travaillent présentement à temps plein, comme employés, à la Ferme Marcel Labrie et Fils, qui possède 104 vaches en lactation et 140 hectares en cultures, à Lévis. L’entreprise appartient au père et à l’oncle de Tommy.

C’est mon arrière-arrière-grand-père qui a parti ça. Je serais la 5e génération à prendre la relève. C’est avec mon grand-père Marcel que j’ai fait les foins pour la première fois. C’est un exemple pour moi. Il a perdu une main dans la fourragère quand il était au début de la vingtaine. Ma grand-mère l’a ensuite aidé à la ferme. Ça montre que ce n’est pas tout le temps des arcs-en-ciel sur les fermes, mais il y a de belles histoires. Notre plan A à nous autres, c’est aussi de la reprendre, avec la même valeur de famille, et d’y passer notre vie.

Tommy Labrie, producteur

Égalité

Le jeune couple possède des valeurs d’un temps plus ancien, mais agit avec modernisme. La femme n’est pas attitrée aux soins des animaux et l’homme, à la machinerie. Laurence ne s’est pas gênée justement pour indiquer à son équipe de travail qu’elle ne voulait pas effectuer les deux traites journalières. « Il s’agit de s‘asseoir et d’en discuter. J’ai dit que j’aimais le volet gestion et les travaux aux champs, et ça s’est très bien passé. Je fais un peu de tout maintenant, et ça me fait plaisir de voir que mon travail est apprécié et remarqué », dit-elle.

Le couple entend se répartir les tâches équitablement, que ce soit la traite des vaches ou les travaux mécanisés comme les semis et la récolte des plantes fourragères.

« Il faut travailler en équipe et s’entraider plutôt que se diviser et rester chacun dans des tâches. Au champ, moi, je peux herser et Laurence peut semer », renchérit Tommy qui, comme son amoureuse, vient d’obtenir son diplôme en Gestion et technologies d’entreprise agricole du cégep de Lévis. 

Est-ce que ce concept égalitaire persistera dans leur rôle de futurs parents?  

« Oui, on va s’occuper autant des enfants l’un que l’autre. Je ne serais pas capable de rester à la maison. Je veux travailler aussi », signale Laurence.

Faire croître la ferme sans s’oublier

L’heure est à l’accroissement de la productivité à la Ferme Marcel Labrie et Fils. Les propriétaires actuels améliorent leurs méthodes de travail pour économiser du temps. 

La génétique des animaux est aussi sous la loupe. « Présentement, on est dans une moyenne de 10 000 kilos par vache. On pourrait accroître à 13 000. C’est plus payant d’augmenter la production laitière par vache que d’augmenter le nombre de vaches. Améliorer l’efficacité dans l’étable et au champ, c’est un défi déjà entamé par mon père et mon oncle, et nous, on veut poursuivre là-dedans pour être plus rentables et pour se garder du temps », explique Tommy. Celui-ci aime bien, à l’occasion, prendre sa motomarine et « flyer » sur le fleuve avec Laurence. 

L’ambiance de travail est bonne et le plan de relève est bien sur les rails. Mais tout n’est pas réglé pour autant.

Les deux jeunes agriculteurs espèrent conserver leur complicité pour le restant de leur vie.

Tommy affirme que les deux heures consacrées matin et soir à la traite représentent beaucoup de temps. « J’aimerais ça que la traite soit plus rapide, ou plus automatisée », admet-il. Sauf qu’installer des robots et réaménager l’étable, comme il le souhaiterait, pourrait se traduire par une facture qui s’élève facilement à plus de 2 M$, une dette qui rebute les propriétaires actuels. Rendez-vous dans cinq ans pour la suite!

Des statistiques sur le changement

Travailler et demeurer à la ferme toute sa vie, avec le ou la même conjointe, va à contre-courant des statistiques de la société. En voici quelques-unes.

Selon le site d’emplois Jobillico, une personne qui commence sa vie active à l’âge de 18 ans et la finit à 65 ans occuperait 10 emplois. Cette statistique pourrait s’accroître pour les plus jeunes générations avec 12 à 15 changements d’emploi au cours de leur carrière. Statistique Canada indique qu’en 2021, seulement 8,6 % des travailleurs âgés de 25 à 34 ans travaillaient à la même entreprise depuis 10 ans ou plus. De façon générale, 37 % des travailleurs canadiens avaient un emploi depuis 10 ans ou plus. 

Chez les parents appartenant aux générations X et Y, c’est-à-dire nés entre 1966 et 1988, 28 % des couples non mariés se séparent cinq ans après la naissance du premier enfant et 58 % se séparent quinze ans plus tard, indique le ministère de la Famille du Québec dans son bulletin Quelle famille? publié en 2023. Chez les couples mariés, qui sont moins nombreux, la probabilité de se séparer est de 10 % cinq ans après la naissance du premier enfant et de 27 % quinze ans plus tard.

Enfin, selon JLR solutions foncières, une entreprise québécoise qui diffuse des données immobilières, plus de la moitié des acheteurs auront revendu leur maison dans les douze années suivant l’acquisition, indique un rapport de 2018.