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Déjà dans la mire des scientifiques pour ses propriétés fertilisantes, le biocharbon pourrait trouver plusieurs nouvelles applications en agriculture grâce à un laboratoire québécois. « Avec ce matériau, on se retrouve devant des possibilités très vastes », lance Régis Pilote, chercheur au centre Agrinova et responsable de la programmation de la vitrine technologique biochars et bioproduits située à Mashteuiatsh au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« Dans un avenir rapproché, le biochar pourrait servir de terreau aux cultures en serre, mais aussi de biostimulant et de biopesticide, poursuit le chercheur. Dans quelques années, il pourrait même être utilisé pour redresser les sols en agriculture conventionnelle ou pour entrer dans l’alimentation animale comme additif. »
Issue d’un partenariat conclu en 2017 entre le centre Agrinova et Biochar Boréalis, cette vitrine technologique s’est donné pour mission d’explorer les différentes applications possibles du biocharbon et de ses dérivés. Également appelé biochar, ce charbon végétal s’obtient grâce à la pyrolyse (méthode de conversion thermochimique réalisée à haute température en l’absence d’oxygène) de résidus forestiers comme les copeaux de bois, une matière qui abonde dans les scieries de la province.
De multiples propriétés
L’acquisition d’un pyrolyseur expérimental et d’un second équipement à capacité précommerciale en 2019 a permis à Régis Pilote et à ses confrères chercheurs de déterminer les utilisations possibles de ce matériau, dont les propriétés varient énormément selon l’essence d’arbre et la température de la pyrolyse. « Dans la littérature scientifique, il y a beaucoup de recherche qui se fait dans ce domaine, mais chaque condition de transformation donne une caractéristique différente, ce qui rend les applications possibles très nombreuses », explique-t-il.
Résistance au stress hydrique
Parmi ses nombreuses propriétés, le biocharbon améliore la qualité des sols et retient l’eau, ce qui donnerait aux cultures la capacité de mieux résister au stress hydrique tout en nécessitant moins d’engrais. De plus, le biochar aurait le potentiel de réduire les émissions de méthane chez les vaches laitières, une avenue que les chercheurs d’Agrinova explorent également.
Les produits dérivés du biocharbon possèdent aussi des qualités intéressantes. Le vinaigre de bois extrait de l’huile produite durant le procédé agit, à faible dose, comme un biostimulant en dopant l’activité microbienne et en nourrissant la plante. À forte dose, il devient au contraire un bioherbicide. « Dans une région comme la nôtre où le fumier en régie biologique est en quantité limitée, cela peut devenir une avenue intéressante », suggère M. Pilote.
Essais à venir Au cours de 2021, la vitrine technologique mettra notamment à l’essai un prototype de terreau pour la production en serre pouvant servir de solution de rechange à la perlite ou à la tourbe ainsi qu’un prototype de biostimulant. Par la suite, d’autres essais seront effectués dans des lots expérimentaux en vue d’une commercialisation dans un horizon de cinq ans. Le but ultime des recherches menées à la vitrine technologique de Mashteuiatsh est d’intéresser des investisseurs à construire dans la région une usine de production, explique André Benoit, vice-président au développement de Biochar Boréalis. « Il y aurait un grand avantage de bâtir une usine dans la région puisque la ressource est là et qu’il y a une grande volonté politique pour élargir les débouchés des sous-produits forestiers. Nous travaillons à développer un panier de produits de niche comme les additifs alimentaires et les biohuiles pour démontrer la rentabilité du projet. » André Benoit pense également que les producteurs bénéficieront des retombées de ces recherches. « Les biochars et ses dérivés constituent une option écologique très intéressante puisqu’ils offriront les mêmes avantages que les produits conventionnels, mais sans leurs inconvénients », fait-il remarquer. |