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Ce printemps, alors que tant de producteurs se sont résignés à semer de nouveau leur maïs-grain en raison de la sécheresse, la terre de Sylvain et André Pion à Bedford voyait émerger ses premières plantules. Une anecdote qui en dit long sur la stratégie des frères pour donner au sol la plus grande résilience possible grâce à de meilleures pratiques culturales.
Ça fait longtemps qu’on est dans la gestion de risque. On ne cherche pas à faire de coups de circuit, mais on vise à ne pas se faire retirer », illustre André Pion, des Fermes Rolland & Sylvain Pion, qui cultivent 310 hectares de blé de printemps et d’automne, de haricots secs, de soya IP, de maïs-grain et de foin dans le sud de la Montérégie.
Dernier exemple en date de cette stratégie : les rotations de céréales, de légumineuses et de maïs-grain sont réparties sur des superficies équivalentes depuis 2019, alors qu’à une certaine époque, le maïs dominait largement les champs. « Dans la région, cultiver des céréales n’est pas nécessairement le plus payant, mais avec des engrais verts et des amendements, tu obtiens un quart ou une demi-tonne de plus dans ton maïs l’année suivante. Faire des rotations devient intéressant et te permet de répartir l’ouvrage. On est en train de documenter tout le processus », fait savoir Sylvain Pion.
Le tandem travaille beaucoup avec ses coûts de production, de sorte que les bénéfices que procure une culture à une autre sont pris en considération. « On réussit à bien s’en tirer sur une moyenne de cinq ans », ajoute André.
Un cheminement
Leur amour de la terre, les frères Pion le doivent à leur père Rolland, qui s’est installé en 1959 à deux pas du village de Bedford pour y fonder une ferme laitière. Décrit comme un homme curieux et entreprenant, il s’est réorienté vers les grandes cultures avant l’arrivée des quotas laitiers. « C’était un homme attaché à son autonomie et innovant qui faisait déjà beaucoup d’essais comparatifs à l’époque », se souvient Sylvain.
Lorsqu’ils ont repris le flambeau de leur père, décédé en 2001, il était clair dans leur esprit que l’avenir de la ferme passait par un agrandissement « de l’intérieur » plutôt que par l’acquisition de nouvelles terres. Appuyés par un agronome, ils ont apporté plusieurs changements en ce sens dans les années subséquentes comme du renivellement ou du redrainage souterrain dans certains endroits où les rendements étaient moins bons.
Ces améliorations ont ouvert la porte à la culture des céréales d’automne, qui requièrent des sols bien drainés, tout comme les haricots. Cette nouvelle rotation permet l’implantation des engrais verts tout en diminuant le besoin de travailler le sol à plusieurs endroits. « Ça nous a permis de faire des semis dans de meilleures conditions pour l’année suivante, car le tiers de nos superficies sont déjà ensemencées. On a aussi amélioré notre vieux semoir pour faire du semis direct, qui devient de plus en plus la norme chez nous », précise Sylvain. D’ailleurs, avec le semis direct, les producteurs en sont au point où ils songent à diminuer la taille de la machinerie.
Engagement envers l’environnement
Conscients que des écosystèmes en santé peuvent rendre de nombreux services à l’agriculture, les frères Pion ont aussi multiplié les gestes en faveur de l’environnement comme en témoignent l’implantation de haies brise-vent, la récupération des eaux de rinçage grâce à un biofiltre et la présence de bandes riveraines. « En cinq ans, la ferme en est déjà à son troisième Plan d’accompagnement agroenvironnemental [PAA] qui permet de solliciter des subventions à Prime-Vert. Ce document nous sert de plan de gestion pour améliorer graduellement nos pratiques », témoigne André.
Mentionnons aussi que les zones inondables de la ferme, sur les rives de la rivière aux Brochets, sont consacrées aux cultures pérennes depuis plusieurs années. « En 2006, on a participé à un programme pour semer des graminées dans les bandes riveraines élargies pour limiter l’érosion. Même si le projet n’a duré qu’un an, on continue de le faire et on a étendu la culture du foin aux zones inondables », explique Sylvain.
Par ailleurs, tout en travaillant avec leurs représentants commerciaux, les frères Sylvain et André Pion cheminent de plus en plus avec leur agronome, Caroline Sévigny de Pleine Terre, qui fait près de 100 à 125 heures par année à la ferme pour mener différentes interventions comme des profils de sol, des cultures intercalaires et de la lutte intégrée. « La hausse du rendement liée à ces nouvelles pratiques se fait attendre, puisqu’on est encore en phase de transition, mais le sol donne déjà des signes qu’il est plus résilient », signale André.
Ce texte a été publié dans l’édition de septembre 2021 du magazine Grains.