Régions 3 août 2018

Lorsque les gens des champs courtisent ceux des villes

Les producteurs agricoles sont sans cesse plus nombreux à relever le défi de développer des attraits de toutes sortes : visites à la ferme, concerts, jeux, animations, randonnées et activités sportives. Le tout dans le but avoué de courtiser les citadins. Et ça marche! 

Des centaines de producteurs, dans toutes les régions du Québec, déploient des trésors de créativité et d’imagination pour attirer les citadins dans leur milieu de vie et de travail. Ils se déplacent même dans les écoles, les résidences ou les centres commerciaux pour offrir quelques minutes de campagne aux gens de la ville. 

Selon les fiches d’enregistrement colligées cette année par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), 880 exploitations déclarent accueillir des visiteurs et des consommateurs. Elles étaient 534 en 2005. « C’est clair que les citadins recherchent de l’authenticité », soutient Jean Morin, propriétaire de la Fromagerie du Presbytère, de Sainte-Élizabeth-de-Warwick, au Centre-du-Québec. Le producteur laitier devenu fromager a décroché de nombreux prix internationaux avec ses fromages fins. 

Contact privilégié

Il a aussi créé ce désormais célèbre événement du vendredi soir qui attire des centaines de personnes. « On a répondu à une demande des consommateurs qui voulaient un fromage en grains frais. Sa sortie en fin de journée le vendredi est devenue un rendez-vous », raconte M. Morin.

En attendant le fromage, les visiteurs pique-niquent sur l’herbe devant l’ancien presbytère pendant la prestation d’un musicien alors qu’un boulanger, un pâtissier et un vigneron offrent leurs produits. 

C’est ce défi de courtiser les citadins et particulièrement les jeunes que relèvent Josianne Lessard et René Théberge à leur nouvelle ferme ovine La bergerie en herbe, de Martinville, en Estrie. Ils ont récemment accueilli les premiers participants à leurs camps d’été et proposeront aux groupes scolaires des classes découvertes et des ateliers fermiers adaptés à différentes tranches d’âge.

« C’est une occasion exceptionnelle de faire connaître l’importance de l’agriculture, explique Mme Lessard. Les enfants vont comprendre très tôt tout le travail derrière la production de la nourriture qu’ils consomment. »

Besoins en accompagnement

Le tandem Lessard-Théberge a multiplié ses efforts pour réaliser son projet. Certes le couple a obtenu l’aide d’organismes locaux et régionaux et du MAPAQ, mais il reconnaît qu’un guichet unique où retrouver conseils et informations aurait facilité les choses. « On aurait sans doute économisé temps et énergie à tout trouver sous un même toit », croit Josianne Lessard. 

Des organismes y travaillent justement, comme la Table agroalimentaire de l’Outaouais. « On élabore un plan d’action pour mieux accompagner les producteurs qui veulent se lancer dans ce genre d’activités », explique son directeur général, Vincent Philibert.  

Des efforts qui rapportent

Une récente enquête du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) démontre que les efforts déployés par les producteurs pour attirer les citadins sont profitables.

Le CRAAQ s’est intéressé aux bonnes pratiques d’affaires d’une trentaine de ces exploitations à succès du Québec. Il en ressort qu’en moyenne, les activités d’accueil du public représentent 57 % de leurs revenus. 

« C’est certain qu’il y a un intérêt commercial de vendre directement aux consommateurs, explique Patricia Turmel, du CRAAQ. Il faut aussi qu’il y ait une volonté des agriculteurs de s’ouvrir au public, de créer un concept et de développer une structure d’accueil avec de l’animation, des visites, des kiosques ou des activités d’interprétation. »

À la lumière des résultats de son enquête, le Centre souhaite donc produire un plan de formation destiné aux producteurs qui aimeraient se lancer dans des activités pour attirer et recevoir les
citadins.

La recette pour charmer les citadins

1Savoir accueillir

L’hospitalité est l’un des ingrédients de base, selon plusieurs producteurs-entrepreneurs. Il faut se montrer accueillant et ne pas oublier que le premier contact est capital parce qu’il donnera le goût de rester… et de revenir.

2Offrir un produit et une expérience de qualité

L’attrait fait partie des principales raisons pour lesquelles les consommateurs vont préférer se rendre dans les fermes plutôt que d’acheter leurs produits dans les grandes surfaces.

3Penser à tout et être créatif

La créativité et la planification constituent une formule gagnante. Y a-t-il de l’ambiance comme de l’animation et de la musique sur le site? La signalisation est-elle suffisante? La circulation sur la propriété est-elle efficace? Y a-t-il des abris pour les intempéries et des toilettes ?

4Se faire connaître

Les réseaux sociaux, tout comme les médias traditionnels, sont d’excellents véhicules pour se faire connaître. Il ne faut pas négliger les commerces et entreprises des environs qui pourront informer et orienter les visiteurs.

5Rechercher les conseils

Les conseils sont bienvenus. On doit rencontrer et visiter des producteurs qui ont de l’expérience, et participer à des colloques, des conférences et des formations qui fourniront des outils pour être plus efficace.

6Savoir se renouveler

La formule à privilégier est celle qui peut se renouveler pour être en mesure de faire évoluer l’expérience des visiteurs. 

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