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Le nombre de producteurs ovins d’Abitibi-Témiscamingue a chuté de moitié depuis les 10 dernières années, passant d’une quarantaine à une vingtaine aujourd’hui. La question du transport serait l’un des principaux enjeux.
Dominic Lavallée-Rioux compte parmi les producteurs qui ont jeté l’éponge. Propriétaire pendant 15 ans d’une ferme de 300 moutons tout près de la frontière ontarienne, à Saint-Bruno-de-Guigues, en Abitibi-Témiscamingue, il a progressivement réduit son troupeau au fil des années jusqu’à mettre la clé dans la porte il y a deux ans. « J’ai eu une écœurantite aiguë », confie-t-il, ciblant plusieurs problèmes qui se sont enchaînés, dont celui de la création de l’Agence de vente pour l’agneau lourd en 2007, qui impose aux producteurs d’envoyer leurs bêtes dans des abattoirs du Québec. Pour les éleveurs du Témiscamingue, déjà organisés avec un transporteur de l’Ontario, ce changement a représenté des frais additionnels en plus de compliquer passablement la logistique de transport des animaux, puisque le trajet jusqu’à Québec est de 10 à 12 heures, alors qu’il est de 4 heures et demie pour Toronto.
D’autres éléments se sont ajoutés au fardeau à travers les années, explique M. Lavallée-Rioux. Il cite en exemple des modifications apportées au Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA), dont le mode de calcul est passé aux kilogrammes plutôt que par nombre de bêtes, et la mise en place du programme Agri-Traçabilité Québec, qui a ajouté une charge administrative. « Ce n’était plus assez rentable pour me payer un employé. Selon moi, ça achève. Dans quelques années, il ne restera plus d’éleveurs au Témiscamingue », croit-il.
L’idée du pool de transport rejetée
Le président du Syndicat des producteurs d’agneaux et moutons d’Abitibi-Témiscamingue, Yves Côté, n’a pas plus d’espoir. « Au début, lorsqu’on parlait de créer l’Agence de vente, on parlait aussi de mettre en place un pool de transport, un peu comme ça se fait pour le lait, mais ça ne s’est jamais fait », déplore-t-il. Son élevage, également situé à Saint-Bruno-de-Guigues, est passé de 400 brebis il y a 20 ans à 150 aujourd’hui.
Aux Éleveurs d’ovins du Québec, on reconnaît que l’Agence de vente est l’un des facteurs qui expliquent la baisse significative du nombre d’éleveurs ovins de cette région. « Mais ce n’est pas le seul facteur, et tous les producteurs des régions éloignées vivent les mêmes défis », indique le directeur général Jean-Philippe Deschênes-Gilbert.
Il confirme que le projet de pool de transport a bel et bien été proposé lors de la création de l’Agence, mais que cette solution n’était pas à l’avantage de la majorité des éleveurs, déjà organisés pour le transport, qui n’ont donc jamais voté pour sa mise en place. « C’est un enjeu qui revient épisodiquement, mais ça n’a jamais passé le stade de l’étude et de l’analyse. Si les producteurs décidaient que oui, ça serait à regarder », note-t-il.
Par ailleurs, Jean-Philippe Deschênes-Gilbert souligne que les producteurs d’Abitibi-Témiscamingue bénéficient d’une prime de 5 $ par agneau lourd pour réduire leur coût de transport. « Cette mesure existe depuis plusieurs années et est encore en vigueur. Elle est aussi unique à cette région », précise le directeur général des Éleveurs d’ovins du Québec.
Pas d’exceptions possibles
Les producteurs du Témiscamingue questionnés par La Terre souhaiteraient malgré tout pouvoir être exemptés de l’obligation d’envoyer leurs agneaux lourds dans des abattoirs du Québec. Mais selon M. Deschênes-Gilbert, ce n’est pas possible de faire des exceptions. « Car si on le fait pour les éleveurs du Témiscamingue, il faudra aussi le faire pour ceux de l’Outaouais, aussi collés sur l’Ontario, et pour ceux de la Gaspésie, qui sont plus près du Nouveau-Brunswick. Pour qu’une agence de vente fonctionne, il faut que tous livrent aux mêmes endroits. » Il ajoute que le transport est un « passage obligé » et que dans plusieurs régions, comme en Gaspésie, et plus récemment au Saguenay–Lac-Saint-Jean, les éleveurs ont trouvé des solutions qui fonctionnent bien.