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PÉRIBONKA — Gérard Tremblay fait partie des rares agriculteurs à avoir défriché la terre avec des chevaux et à encore traire ses vaches aujourd’hui.
Celui qui possède près de 1 000 acres de terre et 85 vaches en lactation à Péribonka, au nord du Lac-Saint-Jean, n’a jamais pensé lâcher, même à 89 ans. « Il y a du monde qui me dit de vendre, mais je ne suis pas prêt. Être assis à ne rien faire? Non, Monsieur! Et j’en connais plusieurs à 55 ans qui ont vendu leur ferme et qui le regrettent. C’est vite mangé de l’argent quand tu ne travailles pas », assure-t-il.
Une autre époque
L’agriculteur a appris le métier de son père à une époque difficile où aucune opération n’était mécanisée. « Dans ce temps-là, on labourait et on hersait pendant des semaines dans la grosse terre forte, en marchant derrière les chevaux. Mon père était rough; il fallait travailler fort et comme il faut », se remémore M. Tremblay.
Un jour, sur les conseils mêmes de son père, il a quitté la terre paternelle pleine de roches, « et pas cultivable » pour aller ériger sa propre ferme deux villages plus loin. « J’ai acheté une vieille étable finie avec deux vaches, des terres pas faites et un vieux tracteur qui prenait trois tanks de gaz par jour. J’ai tout défriché ça à bras et à mes frais. J’ai rebâti une étable et construit des hangars. Ç’a pris 20 ans avant d’avoir de l’agrément », témoigne M. Tremblay.
Sa vie de pionnier n’était pas des plus luxueuses. « Il a fallu qu’on ménage en maudit pour vivre, surtout avec six enfants à nos trousses. Je peux dire que ma femme a fait des galettes en masse! » affirme-t-il, en prenant soin de donner du crédit à sa conjointe et à ses enfants pour tout ce qu’ils ont accompli avec lui.
Sans relève
La Ferme Gérard Tremblay vaut son pesant d’or aujourd’hui, notamment en raison de la valeur du quota laitier et des terres achetées au fil des ans. Si tout était à refaire, M. Tremblay ne changerait pas de métier. Cependant, son sentiment d’accomplissement est affecté par l’absence de relève. « Mes deux gars travaillent avec moi, mais n’ont pas de relève. On va être obligés de vendre. Je me suis éreinté à défricher les terres, mais je deviens vieux et c’est un autre qui va en profiter. J’aurais peut-être dû travailler pour un autre. Tout aurait été moins compliqué », mentionne-t-il, sans être amer pour autant.
« Un casse-tête pas croyable »
Après 70 ans de métier, l’agriculteur de Péribonka a vu les pratiques évoluer pour le meilleur et… pour le pire. Le nouvel équipement agricole a énormément amélioré les performances à la ferme et a facilité le travail de l’agriculteur, reconnaît Gérard Tremblay. Il déplore cependant que la multiplication de réglementations ait rendu son métier moins agréable ces dernières années. « Aujourd’hui, on se fait donner des ordres, on se fait runner par toutes sortes de nouvelles lois. C’est devenu un casse-tête pas croyable. Ce n’est plus vivable », témoigne-t-il. Il donne en exemple les trois demandes de permis qu’il a dû effectuer pour épandre du fumier après le 1er octobre. « Pas de permis, tu n’as pas le droit d’épandre, c’est polluant. Mais avec le permis, c’est meilleur, tu as le droit. C’est ridicule : c’est le même fumier! » dit-il.
Pour drainer ses terres, il a dû faire faire des plans. « La personne voulait mettre les drains où ça n’avait pas d’allure. Si elle avait creusé des fossés à la pelle ronde comme je l’ai fait, elle aurait su où l’eau s’en va. L’eau, ça ne remonte pas. Je lui ai dit de rentrer chez eux », raconte-t-il.
La nouvelle génération, moins travaillante? La notion de travail est complètement différente pour les gens de son époque que pour les jeunes d’aujourd’hui, estime l’agriculteur de 89 ans Gérard Tremblay. « Autrefois j’avais 50 vaches que je tirais seul et je charriais tout leur lait dans mes bras, au bidon, jusqu’au réservoir. L’hiver, je partais bûcher de bonne heure le matin pour agrandir les lots. Je marchais dans six pieds de neige pour couper les arbres à la sciotte avec la neige qui nous tombait dans le dos. Les jeunes aujourd’hui, il n’y en aurait pas un collasse qui ferait tout ça », juge-t-il. Il donne en exemple son expérience avec de jeunes employés qu’il a déjà engagés, qui demandaient de terminer leur journée de travail vers 17 h 30 « alors qu’il restait encore de l’ouvrage ». Les comparatifs de M. Tremblay font sourire. « Quand j’étais jeune, on chargeait la gravelle à la petite pelle dans les camions. Pour les van de bois, on chargeait les cordes de quatre pieds à la main. Aujourd’hui, les jeunes sont tous assis dans leur truck à l’air conditionné à attendre de se faire loader par le tracteur. Après, ils se dépêchent de rentrer le soir pour s’asseoir sur le divan parce qu’ils ont travaillé. Travaillé? Monsieur! » Le vénérable agriculteur est conscient que les temps ont changé, ajoutant qu’il a lui-même peut-être « un peu » trop travaillé. |