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LA SARRE – Les producteurs agricoles d’Abitibi-Ouest sont sur le pied de guerre depuis le 4 juin pour évacuer les animaux de ferme menacés par de puissants feux de forêt qui brûlent au nord de l’Abitibi-Témiscamingue et dans le Nord-du-Québec.
Ce sont quelque 1 005 vaches qui avaient été évacuées des exploitations agricoles de Normétal, de Saint-Lambert, de Dupuy et de La Reine au moment d’écrire ces lignes, le 8 juin en fin d’après-midi. La situation était stable cette journée-là, mais les agriculteurs demeuraient aux aguets puisqu’aucune précipitation n’était prévue avant le début de la semaine suivante.
La Ferme S.G. Noël, de La Sarre, est devenue le quartier général des opérations de secours. La productrice agricole Audrey Drouin peine d’ailleurs à manger et à dormir tant les efforts de coordination logistique l’accaparent. « Les gars ont été plus sur le terrain et moi, sur le téléphone : « Es-tu dispo? As-tu de la place? Combien? Quel set-up? Champ/installation? » » a raconté celle qui a même vidé ses plateformes de vêlage pour envoyer ses vaches aux champs plus rapidement de manière à pouvoir accueillir près de 350 vaches et veaux.
Une ferme receveuse devait être identifiée avant le transport de chaque troupeau, de manière à assurer la sécurité de tous les animaux. Des approvisionnements en foin et en fourrage devaient aussi être sécurisés avant de transporter les animaux vers les sites désignés.
« Il y a assurément des enjeux de biosécurité », a reconnu Mathieu Dumont, l’autre grand manitou de l’opération, qui transporte des animaux depuis le dimanche 4 juin. « À un moment donné, on ne pouvait pas désinfecter les remorques entre chaque producteur parce qu’on n’y serait pas arrivé. [Parmi les] vaches qui vêlent en ce moment, c’est garanti qu’il va y avoir des pourcentages de perte. »
Évacuation dans la fumée
À la Ferme Lafontaine-Noël, les efforts de relocalisation des animaux se sont étendus sur plus de deux jours, et ce, en pleine saison de vêlage. Certaines bêtes ont été envoyées jusqu’à Cloutier, un quartier de Rouyn-Noranda, à plus d’une centaine de kilomètres.
« Elles sont sur trois sites », a précisé Éric Lafontaine, copropriétaire de l’entreprise familiale située à Dupuy. « Il va falloir faire des tournées deux fois par jour sur les trois sites. C’est sûr que ça va prendre du temps supplémentaire pour faire les tournées pour les vêlages. S’il y a un problème au champ en ce moment, on est loin de la ferme, donc il y a un impact. C’est du temps. On a eu beaucoup d’aide », a-t-il décrit, reconnaissant du soutien de ses confrères.
« Hier [le 7 juin], on s’occupait des vaches, et quand on a vu le panache de fumée, ça nous a cassés ben raide, a témoigné Hélène Noël, retenant ses sanglots. Après ça, on s’est repris, mais juste de travailler avec un ciel comme ça, un ciel de fin du monde, ce n’est pas évident. Les narines m’ont chauffé. »
Pour le moment, les fermes évacuées sont surtout des élevages bovins. D’autres enjeux pourraient se poser si des fermes laitières devaient être évacuées. « Il y a un producteur laitier qui est près du secteur, mais il n’est pas évacué pour le moment et on espère ne pas avoir besoin [de l’évacuer] parce que ce serait un peu plus compliqué parce pour les vaches laitières, ça prend des équipements pour traire », a expliqué Mathieu Dumont, le 8 juin.
Un travail phénoménal
« Du travail de même en 4-5 jours, c’est phénoménal! » a soutenu le président régional de l’Union des producteurs agricoles, Pascal Rheault, lors d’un point de presse tenu à la Ferme S. G. Noël. « L’élan de solidarité, c’est ce qui me rend le plus fier. Je leur lève mon chapeau. Je veux leur dire merci. C’est sûr que le travail n’est pas fini », a-t-il précisé, mentionnant au passage que des rencontres quotidiennes avaient lieu avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ) pour encadrer la gestion de crise.
Présente lors de ce point de presse, la directrice régionale du MAPAQ, Annick Lavoie, a salué la solidarité entre les producteurs. Elle a d’ailleurs assuré que des mesures d’accompagnement allaient être mises sur pied « en priorité, après la crise ». Mme Lavoie a assuré que son organisation allait prendre le relais des évacuations pour tous les autres animaux, exception faite des bovins. Elle a aussi tenu à livrer un message aux producteurs agricoles : « Santé et sécurité avant toute chose, a-t-elle demandé. Parce que s’il y a un avis d’évacuation, c’est important [de] le suivre. »
Le président régional de l’UPA, Pascal Rheault, a aussi rappelé que les trois travailleuses de rang de l’Abitibi-Témiscamingue allaient poursuivre leur accompagnement auprès des producteurs de la région.
Été compliqué en vue
La situation actuelle en Abitibi-Témiscamingue laisse par ailleurs présager un été compliqué, alors que la sécheresse point déjà. « Il y a des pacages qui vont être handicapés pour l’été, a fait valoir Mathieu Dumont, en référence aux champs occupés normalement utilisés pour la culture de foin et de fourrages. C’est un autre enjeu qu’on va avoir, vu qu’on est en sécheresse », a-t-il anticipé. « Tout le monde est sur la corde raide. En plus, il y a cette épreuve-là. Les producteurs qu’on a déménagés sont déjà accotés. Il va falloir en plus qu’ils absorbent ça. C’est fou », a ajouté l’agriculteur et transporteur.