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« Mais qu’est-ce que l’aronia? » s’est jadis demandé Daniel Turcotte. L’homme possédait une fermette et venait de découvrir, en se promenant sur sa terre, des baies sauvages.
« Je me suis demandé si elles étaient comestibles. C’est là que tout a commencé », raconte-t-il. Après moult recherches, car la documentation est plutôt rare à ce sujet, Daniel Turcotte est tellement impressionné par les vertus de la baie qu’il décide de racheter la ferme familiale de sa femme à Saint-Cyprien-de-Napierville, en Montérégie, et d’y cultiver le petit fruit. Portrait d’une baie qui refait son apparition au Québec après des années d’oubli.
Un « alicament »
« C’est le nom qu’on donne aux aronias sur notre site Internet, parce que ce sont autant des aliments que des médicaments », explique le producteur. La baie possède effectivement des propriétés médicinales intéressantes que l’on découvre, ou plutôt que l’on redécouvre, puisque la plante est originaire de chez nous : les Indiens d’Amérique du Nord la consomment depuis des lunes pour se soigner. Or, la production se concentre principalement en Europe (Russie et Allemagne), où l’on commercialise déjà l’aronia sous forme de jus, confiture, gelée, fruits secs, sirop, pastilles (bonbons), etc. Sa production est en émergence aux États-Unis, mais presque nulle au Québec.
Le fruit est un peu plus petit qu’un bleuet et sa couronne est bosselée comme celle de la pomme Red Delicious, d’où le nom de « baie pomme » que lui donnent les Allemands. La variété comestible, Aronia melanocarpa, est noire à l’extérieur et rouge à l’intérieur. Sa saveur, souvent comparée à celle du cassis, est astringente lorsque la baie est consommée fraîche. C’est pour cette raison que M. Turcotte cherche à commercialiser le produit transformé plutôt que le fruit frais.
Selon Bio Suisse, la Fédération des entreprises agricoles biologiques suisses, le fruit est riche en vitamines, en acide folique et en particulier en antioxydants. La baie régularise même la glycémie, ce qui permet aux diabétiques de la consommer. Rappelons que les antioxydants, selon la définition du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, aident à protéger les cellules du corps des déchets néfastes (radicaux libres) produits par l’organisme et causés par l’environnement (fumée de combustion, produits chimiques, poussière, etc.). Ils jouent un rôle pour prévenir et contrer les maladies de cellules dégénératives (cancers, neurodégénérescence, cardio-vasculaire, etc.). La croyance populaire veut que les baies contenant les plus hauts taux d’antioxydants soient la canneberge (9 584 micromoles TE/100 g) et le bleuet (6 552 μmol TE/100 g). Or, l’aronia en possède presque le double, soit 16 062 μmol TE/100 g. « En Europe, les médecins prescrivent aux patients qui suivent des traitements de radio et de chimiothérapie de manger de 10 à 15 baies matin et soir pour les aider à passer au travers du traitement, rapporte M. Turcotte. Au Québec, il y aura un grand exercice d’éducation et de marketing à faire, puisque les gens ne connaissent pas la baie. »
Laisser place à l’imagination
« D’ici deux ans, mon but serait de me regrouper avec d’autres producteurs et de vendre aux grandes entreprises de transformation comme Lassonde, projette M. Turcotte. Peut-être même exporter à l’étranger, mais pour l’instant, je suis en phase de recherche et développement. » En effet, l’homme tente plusieurs expériences de combinaisons avec le petit fruit amer. Pour commencer, il souhaite créer un miel de fleur d’aronia. Avec son voisin vigneron, il travaille également sur un vin : « C’est possible puisque nos amis suisses en produisent un élixir contenant 18 % d’alcool », explique-t-il. Il aimerait confectionner des barres tendres biologiques avec les baies séchées, des noix (qu’il ferait aussi pousser sur sa terre) et le miel, ainsi que du cidre de pommes, poires et aronia, et des smoothies. Il souhaite également avoir des moutons pour fabriquer des saucisses d’aronia. Déjà que les dindons arriveront incessamment. « Je me diversifie beaucoup au début pour trouver les points forts de ma future production. À long terme, je me spécialiserai dans ce que ma terre produit le mieux », conclut le producteur.
Une des premières choses à faire, selon M. Turcotte, serait de regrouper les producteurs d’aronia, puisqu’il n’y a aucune association dans la province. Mais la tâche n’est pas simple. Tous ne sont pas membres de l’UPA et il est difficile de les retracer. Certains producteurs canadiens d’aronia se sont affiliés à la Midwest Aronia Association qui existe aux États-Unis. La culture n’en est qu’à ses débuts en sol québécois, même pour M. Turcotte, qui en sera à sa première production le mois prochain. « La demande est là et les producteurs ne fournissent pas. En se regroupant, l’offre serait beaucoup plus importante », explique le producteur.
Label biologique
Peut-être avez-vous déjà vu des plants d’aronia, puisque l’arbre est aussi utilisé dans l’industrie ornementale, entre autres parce que ses feuilles prennent une couleur rouge éclatant en automne. En plus d’être beau, l’arbre n’exige aucun entretien particulier, pas de pesticides ni d’insecticides. M. Turcotte arrose ses plants avec du purin d’orties s’il voit la nécessité de les protéger. La culture est donc entièrement biologique.
Black chokeberry
En anglais, l’aronia porte le nom de « Black chokeberry », la baie qui étouffe. On aime les anglophones parce qu’ils nomment les choses telles qu’ils les voient : la baie reste coincée en travers de la gorge des oiseaux qui la mangent. « On est chanceux; les oiseaux vont commencer à manger l’aronia seulement quand il ne restera plus rien d’autre à manger dans le champ, et ils ne recommencent l’expérience que très rarement étant donné le goût amer et astringent de la baie. »