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Les accidents mortels impliquant des enfants à la ferme continuent de faire les manchettes, et le Dr Claude Cyr affirme qu’il est temps de faire mieux. « Chaque fois qu’il se produit un drame dans le milieu agricole, on parle de faire de la sensibilisation, mais il faut passer à l’étape suivante. Dans la pile des priorités des instances comme l’UPA [Union des producteurs agricoles] et la santé publique, la sécurité des enfants à la ferme doit monter. Et ça prend un meilleur encadrement des enfants en milieu agricole », affirme le pédiatre aux soins intensifs du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.
Sans vouloir dénigrer le milieu agricole, il indique que la ferme représente l’un des environnements les plus dangereux pour les enfants, tous milieux confondus au Québec. Il se désole d’ailleurs de la mort récente d’une fillette, le 26 mai, dans une ferme familiale de Saint-Lin–Laurentides, dans Lanaudière. L’enfant a péri après être tombée dans un mélangeur. Le service des crimes majeurs de la Sûreté du Québec (SQ) a été dépêché sur place, mais aucune accusation ne sera cependant portée contre les parents, indique la sergente Éloïse Cossette, agente d’information à la SQ.
Des statistiques préoccupantes
Le Dr Cyr souligne que depuis les années 1990, les traumatismes graves et la mortalité chez les enfants causés par les accidents d’auto, de vélo ou autres ont diminué de 85 à 90 % dans sa région. « On n’a pas eu de décès chez les enfants dans ces circonstances depuis 2010. Mais quand on compare, un des seuls échecs qu’on voit, c’est dans le milieu agricole, où depuis 30 ans, il n’y a qu’une baisse d’à peine 0,7 % par année du nombre d’accidents [impliquant les enfants à la ferme] », atteste-t-il. Il ajoute que dans son centre hospitalier, les cas de traumatisme nécessitant l’amputation des enfants lors des dernières années proviennent tous d’un seul milieu : les fermes. « Ce qui m’attriste, c’est le manque de mémoire. Ces accidents sont prévisibles; ils arrivent chaque année et sont « prévenables ». Depuis [ce printemps], j’ai vu chez des enfants une amputation, des accidents de VTT, des chutes… et la haute saison n’est pas encore commencée », s’alarme-t-il.
Encadrement plus solide
Celui qui côtoie des agriculteurs éprouvés par un accident impliquant leur enfant sait qu’en général, les parents ne pensaient pas que l’accident pouvait se produire. « Je ne pense pas que c’est la bonne voie de dire qu’ils sont négligents, mais il faut un encadrement plus solide des enfants à la ferme », insiste le Dr Claude Cyr. Il fait d’ailleurs valoir que s’il faut suivre une formation et être minimalement âgé de 16 ans pour conduire une voiture, il devrait en être de même pour manœuvrer de la machinerie. Et si le gouvernement a décidé de permettre une exception aux agriculteurs pour faire travailler les enfants en bas de 14 ans, il faudrait prévoir un encadrement spécifique à leur sécurité.
Vidéo d’archives
Des moyens à prendre
Il existe différentes mesures de prévention des blessures chez les enfants à la ferme, dont certaines formulées en anglais et mises en place par les Américains, mais d’autres sont en français et ont été adaptées au Québec par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail et l’Union des producteurs agricoles. Il s’agit de la démarche JETEM, qui permet aux parents de structurer l’analyse de leur environnement afin d’identifier le plus de risques possible.
Le Dr Claude Cyr recommande fortement aux parents de l’utiliser. Il insiste sur le fait qu’un enfant n’a pas le même jugement et la même capacité physique qu’un adulte. Il donne en exemple un jeune d’une douzaine d’années qui travaillait au champ lors de la récolte du foin. Il a été victime d’un coup de chaleur au volant du tracteur, le faisant chuter au sol, où il a ensuite être atteint par l’équipement à l’arrière, un faneur, qui lui a infligé d’importantes lésions et des fractures.
Supervision constante
Le pédiatre ajoute cependant qu’il ne faut pas seulement se concentrer sur le travail des enfants. Il veut aussi mettre en évidence que, de leur côté, les enfants d’âge préscolaire ne devraient tout simplement pas se retrouver à l’étable ou dans les lieux de travail agricoles. « Il ne faut pas oublier que les enfants de 4-5 ans et moins qui se retrouvent à la ferme ont besoin d’une supervision directe et constante. Il ne faut pas les laisser jouer seul dans ces environnements, car des pièces de machinerie qui tournent, des tracteurs, un ventilateur d’étable, je le répète, rien ne peut être sécuritaire. » Le docteur précise qu’il est impossible pour un parent de se concentrer sur son travail et sur son enfant en même temps. Il raconte que dernièrement, un garçon a échappé à l’attention de son parent et a été retrouvé enseveli sous les grains alors qu’un silo se faisait remplir. « C’est un employé qu’il l’a réanimé. Il a été sauvé. Ce genre d’accident passe sous le radar, souligne le médecin, car c’est vu comme un accident très familial. Mais la ferme est une entreprise et on ne devrait pas y laisser un enfant, tout comme on ne laisserait pas un enfant se promener dans une manufacture. »