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« Après deux ans d’études menées sur 58 zones de champs semées en maïs et non fertilisées par des engrais de ferme, on s’est aperçu qu’il y avait une forte variabilité des réponses de la croissance du maïs concernant les applications d’azote, témoigne Aubert Michaud, chercheur à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement (IRDA). Dans une zone de champ sablonneuse, par exemple, le rendement maximal de huit tonnes à l’hectare était atteint lorsque nous appliquions une dose de 50 unités d’azote au semis et de 165 unités en postlevée [alors que le maïs se trouvait au stade de quatre feuilles]. Dans la zone argileuse, toujours du même champ, le rendement maximal récolté atteignait 10 tonnes à l’hectare, mais cette fois, avec une dose de 50 unités d’azote au semis et de 102 unités d’azote en postlevée! » Ces données collectées en Montérégie ont confirmé au chercheur et à son équipe que la dose optimale d’azote qu’un producteur doit appliquer n’est souvent pas celle qu’il croit! Car dans les deux exemples précédents, les rendements n’augmentaient pas, même si l’on accroissait la dose d’azote. Dans le second cas, ils demeuraient à 10 tonnes à l’hectare, que le producteur ait consenti à 102, 150 ou 200 unités d’azote en postlevée.
Plus précisément, les résultats compilés par le chercheur indiquent que des réductions dans les apports d’azote étaient motivées dans plus de la moitié des champs étudiés; la dose optimale moyenne pour l’ensemble des champs se situait à 84 unités en postlevée, au lieu de la référence de 150. Une économie moyenne de 66 kilos d’azote à l’hectare… Pour une superficie de 30 hectares, cela signifie près de 3 000 $ de moins!
Ce type de données s’avère d’autant plus préoccupant pour les poches du producteur et pour l’environnement lorsqu’on sait que l’azote versé en trop ne demeurera pas « en banque » dans la terre, mais sera plutôt évacué dans les cours d’eau lors des crues automnales ou printanières.
Le coupable : la variation des propriétés du sol
La dose optimale d’azote peut différer d’un champ à l’autre et même d’une zone à l’autre à l’intérieur d’un champ. Un fait généralement connu, principalement causé par la variation des propriétés du sol. Il existe déjà différents moyens de segmenter les particularités d’un champ, sauf qu’Aubert Michaud et son équipe semblent avoir découvert une façon d’évaluer avec une précision étonnante les propriétés du sol du haut des airs.
La télédétection
« Nous avons développé une méthode assez inusitée qui permet de prédire les propriétés texturales du sol et les classes de drainage, notamment en analysant les images multispectrales captées par satellites, de même que les relevés topographiques collectés par LIDAR [émetteur laser employé dans un avion]. Nous avons comparé les résultats de notre modèle avec des échantillons pris directement au champ. Et la “patente” marche! » déclare avec satisfaction M. Michaud. Vérification faite, 90 % des prédictions effectuées par la méthode de télédétection correspondaient à la réalité du terrain. Ce type d’outil pourrait donc permettre au producteur et à son conseiller de diagnostiquer plus précisément les propriétés texturales du sol, la différence de pH, le taux de matière organique, etc. Il en résulterait une application d’azote modulée champ par champ, et parfois, modulée pour deux ou trois zones à l’intérieur même des grands champs. Un agriculteur qui possède un applicateur d’azote à taux variable pourrait de surcroît se servir de ces données pour améliorer la modulation de ses applications selon des zones encore plus nombreuses et plus précises.
Le relais
La prochaine étape consistera à raffiner la méthode et, surtout, à trouver un partenaire privé qui voudra la commercialiser. « Des gens devront prendre le relais », reconnaît le chercheur, pour qui l’expérience d’avoir développé et validé cet outil se révèle très positive. Pour l’instant, Aubert Michaud invite les producteurs à effectuer eux-mêmes de multiples essais de fertilisation à la ferme (voir l’encadré Une approche qui fait réfléchir), surtout si leur moissonneuse-batteuse dispose d’un capteur de rendement. Au final, ils pourraient réaliser des économies appréciables sans réduire leur récolte.
Une approche qui fait réfléchir
Chercheurs et agronomes conseillent aux agriculteurs de tester différents niveaux de fertilisation pendant quelques années. « J’ai vu des champs où à 100 unités d’azote, le producteur obtenait 11 tonnes à l’hectare, à 150 unités, il avait 11,3 tonnes et à 200 unités, il atteignait 11,5 tonnes. Si après cinq ans d’essais à la ferme un producteur n’a pas de réponse à de plus grandes doses d’azote, il faut arrêter », souligne Benoît Laferrière, du Club agroenvironnemental La Vallière à Sorel. Pour le chercheur Aubert Michaud, le meilleur outil dont dispose un agriculteur pour mesurer l’impact de l’azote demeure un capteur de rendement. « Le mot à retenir : observation! Un producteur se fait des bandes avec différentes doses d’azote et il vérifie le rendement avec son capteur. Les tests de nitrate sont également intéressants. Évidemment, la météo aura un impact, mais après quelques années, le producteur sera en mesure de comprendre comment le maïs réagit à l’azote dans chacun de ses champs. » La modulation des applications d’azote est un concept qui interpelle de plus en plus les agriculteurs. Geneviève Deniger, également agronome au Club La Vallière, assure que les tests de modulation effectués chez des membres du Club ont ouvert les yeux à plusieurs d’entre eux. « Certains commencent à le faire chez eux, d’autres envisagent de s’équiper d’un applicateur à taux variable. D’ici cinq ans, je crois que cette pratique sera beaucoup plus répandue », conclut-elle.
L’azote circule par le drainage souterrain
Dans le ruisseau Pot au Beurre en Montérégie, une sonde alimentée par l’énergie solaire mesure la turbidité et la conductivité de l’eau. Une quarantaine d’échantillons prennent également la route du laboratoire, où l’on évalue la quantité de nitrate qui s’y retrouve. « Ce ruisseau draine une superficie d’environ 10 km2, principalement en cultures de maïs et de soya. D’après nos résultats, 30 tonnes d’azote [sous forme de nitrate] aboutissent chaque année dans ce cours d’eau, équivalant à 30 kg à l’hectare », précise le chercheur de l’IRDA Aubert Michaud. Ce dernier spécifie que, contrairement au phosphore, l’essentiel des nitrates se perd par l’égouttement souterrain des champs. « Pour comprendre ce qui se passe dans le ruisseau, il faut comprendre ce qui se passe dans le champ », assure-t-il, soulignant que ces quantités gaspillées pourraient décroître si les producteurs appliquaient moins ou mieux l’azote. Diagramme à l’appui, il montre que les flux de nitrate sont particulièrement élevés au printemps et à l’automne, lors des fortes pluies. Sans être moralisateur, M. Michaud fait remarquer que ces quantités substantielles d’azote ont un impact sur la qualité de l’eau et représentent des pertes économiques pour le producteur.
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