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Alors que la valeur du porc est à son plus bas sur les marchés, plusieurs producteurs porcins hésitent à investir dans l’amélioration de leurs installations ou même dans la construction de nouveaux bâtiments.
D’autres, au contraire, ont pris le risque, et disposent maintenant d’installations qui répondent aux futures normes de bien-être animal. L’Utiliterre a rencontré certains d’entre eux.
Alexandre Coupal n’a pas voulu attendre à 2024, année de l’entrée en vigueur des nouvelles normes de bien-être animal, pour se conformer à celles-ci. Sa maternité de 600 truies située à Saint-Bernard-de-Michaudville est même prête depuis plus d’un an.
Pour maintenir la taille de son cheptel, le producteur de porcelets a dû agrandir ses installations et ériger un nouveau bâtiment couvrant 325 m2 (3 500 pi2). Il a ensuite rénové une partie des installations existantes. Facture totale de l’opération : environ 225 000 $.
C’est assis dans le confort de son bureau, une tablette à la main, qu’il accueille L’UtiliTerre chez lui. Grâce au réseau de caméras qu’il a installé dans ses bâtiments, il suit d’un œil ce qui s’y trame tout en expliquant au visiteur les détails du réaménagement de sa ferme.
« Le plus difficile, ça a été de tout faire en roulement », explique le producteur.
Les rénovations avaient été finement planifiées en fonction des mises bas. Alexandre Coupal disposait d’une fenêtre de trois semaines. Après avoir coulé le béton, ses employés et lui ont aménagé deux parcs de 120 places chacun dans le nouveau bâtiment en plus d’y installer 38 cages.
Le choix d’effectuer toutes ces rénovations à l’interne est allé de soi, explique-t-il. En effet, les modifications apportées à ses bâtiments n’allaient pas entraîner un gain en productivité permettant d’éponger l’investissement. « En faisant le travail avec mon équipe, on a coupé les coûts d’à peu près la moitié », souligne-t-il.
En quelques jours, son équipe et lui auront non seulement construit et aménagé le nouveau bâtiment, mais aussi retiré des cages du bâtiment principal pour le transformer en partie et y ajouter un parc.
S’il qualifie aujourd’hui l’opération de succès, Alexandre Coupal ne la répéterait pas pour autant demain matin. « Les employés faisaient du 8 à 5, mais pour moi, ça a été du travail presque de jour et de nuit », dit-il.
Dernières technologies
Le propriétaire de la Ferme A. Coupal et fils n’a que de bons mots au sujet de ses nouvelles installations.
Un peu plus de la moitié de ses truies, soit 325, vivent désormais dans les nouveaux parcs qu’il a aménagés. Les autres sont placées soit dans l’une des 120 cages de gestation de la ferme, soit en chambre de lactation.
Cela dit, le passage de la cage au parc ne s’est pas fait sans heurts. Si la plupart des truies se sont acclimatées à leur nouvel environnement en moins de trois jours, environ 3 % d’entre elles n’ont pas « passé à travers » l’épreuve, selon le producteur.
D’autres, environ 5 %, ont dû être retournées en cage, ajoute-t-il. « Soit elles ne comprenaient pas le nouveau principe d’alimentation, soit elles vivaient mal en groupe ou avaient trop mal aux pattes », précise Alexandre Coupal.
Dans l’ensemble, les truies sont maintenant plus calmes et « beaucoup moins stressées » depuis qu’elles sont en parc, selon le producteur. Parce qu’elles peuvent se déplacer, elles auraient aussi une meilleure santé, et leur mise bas serait facilitée, ajoute-t-il.
C’est entre autres grâce au système d’alimentation de la ferme que les truies vivent aujourd’hui moins d’anxiété. Alexandre Coupal a profité de la création des parcs pour introduire un système d’alimentation avec distributeurs automatiques de concentrés autobloquants dans ses bâtiments. Chaque station alimente de 15 à 20 truies à tour de rôle.
« La truie peut manger sans être stressée par les autres, explique le producteur. Elle entre par une porte qui se referme ensuite, puis le système l’identifie et le soigneur automatique lui donne sa moulée. »
Une barre au sol empêche l’animal d’être trop à l’aise et de rester dans l’enclos. Une fois qu’il a terminé sa ration, il sort tout simplement et laisse sa place à un autre.
Le système évalue la quantité de nourriture ingérée par chaque animal dans la journée grâce à une boucle d’oreille électronique qui identifie celui-ci. Le lendemain matin, le producteur accède à l’information et décèle en un coup d’œil les cas problématiques.
« On voit plus vite les problèmes, alors on intervient plus rapidement, indique Alexandre Coupal. Les employés passent plus de temps sur les soins aux animaux comme ça. »
Reconstruire
À quelques kilomètres de là, à Saint-Lucien, la ferme Ray-Veille inaugurait dernièrement son tout nouveau bâtiment de porcherie d’une capacité de 750 porcs.
La ferme avait été frappée par un incendie en mai dernier, perdant son bâtiment principal ainsi que 650 des porcs qui y logeaient. Le second bâtiment abritant 400 porcs, lui, avait été épargné.
Avec l’argent de l’assurance, le couple propriétaire de la ferme a eu tôt fait de reconstruire ses installations perdues. « On a enclenché le processus dès le jour un après l’incendie », confie Richard Veilleux, copropriétaire.
Sa ferme profite maintenant d’installations au goût du jour. Au plancher de béton entièrement latté s’ajoutent des dizaines d’abreuvoirs et de stations d’alimentation au sol, toutes approvisionnées par un système de tuyauterie.
Quatre sondes réparties à l’intérieur gèrent la ventilation du site. Chacune est raccordée au système de contrôle central du bâtiment, accessible dans une pièce adjacente à celui-ci.
Grâce à ce système, qu’il commande du bout du doigt sur un écran tactile, Richard Veilleux sait tout ce qui se passe à l’intérieur de son bâtiment sans avoir à y mettre le pied. Il a même accès à ces informations, peu importe où il se trouve, par l’entremise d’une plateforme Web.
Au moment du passage de L’UtiliTerre chez lui, le producteur n’avait pas encore introduit de porcs dans son bâtiment pour tester le tout.
Chose certaine, il se montrait enthousiaste à l’idée de ne plus avoir à peser les porcs « à la main ».
C’est qu’au centre du bâtiment, on a installé une balance. Chaque porc devra y passer s’il veut s’alimenter. Lorsque viendra le temps d’expédier une partie de la production à l’abattoir, Richard Veilleux n’aura qu’à indiquer le poids minimum des porcs qu’il veut sélectionner. « Le porc qui veut manger va entrer dans le couloir et se laisser peser, dit-il. Si la porte ouvre à gauche, c’est qu’il n’est pas assez lourd. Si elle ouvre à droite, il s’en va dans l’enclos pour l’expédition. »
L’outil est déjà employé dans deux des quatre bâtiments de la ferme de Mario Massicotte en Mauricie. « Ça vient changer beaucoup de choses pour nous, explique le propriétaire d’un élevage de 5 600 porcs. Peser les porcs, c’est un travail très physique et on manque de gens pour le faire. »
Des producteurs heureux
Chacun des producteurs interrogés par L’UtiliTerre dispose maintenant de bâtiments répondant aux normes de bien-être animal qui entreront en vigueur d’ici 2024. Chacun en a profité pour réduire sa charge de travail en automatisant les installations. Comme quoi rendre à la fois les porcs et les producteurs plus heureux, c’est bien possible.
Martin Primeau, Collaboration spéciale