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Depuis deux semaines, des producteurs québécois reçoivent une facture de leur fournisseur d’intrants réclamant 20 $ supplémentaires la tonne pour les engrais de la saison 2022. Des coops invoquent la décision du gouvernement canadien d’imposer, depuis le 2 mars, un tarif douanier de 35 % sur les importations de produits russes, alors que c’est de là que provenait la majorité des engrais azotés en 2022. Les producteurs invoquent quant à eux l’illégalité de la démarche.
Par principe, la productrice laitière Marie-Josée Leblond, de Saint-Lazare-de-Bellechasse, refuse de payer la facture de près de 400 $ qu’elle a reçue le 18 octobre dernier de sa coopérative, Sollio & Avantis dans Chaudière-Appalaches. Sa coop lui facture non seulement 20 $ la tonne de plus que le prix initialement négocié, mais elle les lui facture sur la période allant de novembre 2021 à avril 2022, soit avant l’imposition du tarif douanier sur les importations russes entré en vigueur le 2 mars. « J’ai appelé mon représentant en lui disant que je pensais que c’était illégal. Quand tu as un contrat, un bon de commande et que tu t’entends sur un prix… En plus, l’engrais a été utilisé dans le champ. S’ils veulent venir le chercher, bonne chance. Il n’existe plus », dit-elle.
Après avoir amorcé une discussion sur un groupe Facebook privé regroupant des agricultrices de partout au Québec, la productrice s’est rendu compte qu’elle n’était pas la seule à ne pas vouloir payer sa facture.
Facture légale ou illégale?
Aux Producteurs de grains du Québec, le directeur général Benoit Legault dit avoir reçu plusieurs appels de producteurs ces derniers jours. « Ce n’est pas acquis que les producteurs doivent payer cette facture. Si ce n’était pas prévu dans leur entente préalable sur le prix, un bon de commande ou un contrat, ils n’étaient pas dans l’obligation de payer cet ajustement-là, mais on fait attention parce qu’il y a des contrats qui précisent directement ou indirectement qu’il peut y avoir des frais subséquents qui pourraient être chargés », souligne-t-il en précisant que chaque cas est unique.
Les PGQ sont accompagnés dans cette démarche par les services juridiques de l’Union des producteurs agricoles et Benoit Legault invite les producteurs à joindre la fédération en cas de doute.
Selon Marco Nadeau, le directeur général de la coopérative Sollio & Avantis, de laquelle Mme Leblond a acheté son engrais, les services juridiques qui ont étudié le dossier estiment qu’un changement du tarif douanier représente un changement dans les règles du jeu et qu’il est légal de transférer les frais. « Mais on a absorbé la moitié des frais et on demande aux producteurs de nous aider à mettre de la pression [sur le gouvernement fédéral] », soutient-il.
La coopérative a reçu une facture de 554 000 $ de sa maison-mère, Sollio Agriculture. Marco Nadeau précise que ce coût supplémentaire sera absorbé à 60 % par la coop et à 40 % par les clients. Il explique avoir procédé de la sorte après avoir compris, cet été, que le gouvernement fédéral ne souhaitait pas aider l’industrie, mais plutôt les producteurs. « On comprenait avec le temps qu’il fallait passer à l’autre niveau et impliquer les producteurs dans le processus, mais on souhaite toujours gagner notre cause de renverser la décision du fédéral », explique-t-il.
Pression sur le gouvernement
Au total, Sollio Agriculture estime le coût de ce tarif douanier à 33 M$ pour son organisation. À La Terre, l’organisation précise qu’après avoir facturé cette surtaxe à ses détaillants, elle a recommandé à ceux-ci de transférer la facture aux producteurs.
« Nous comprenons que le gouvernement fédéral va utiliser des programmes de gestion des risques existants pour soutenir les producteurs (ex. Agri-stabilité). Pour ce faire, les producteurs seraient contraints de payer ces montants tarifaires et de démontrer par la suite la hausse de leurs coûts de production pour participer à ces programmes. […] Notre recommandation consistait à facturer les tarifs de façon distincte, afin que ces frais supplémentaires soient facilement traçables, du fournisseur jusqu’au producteur agricole, dans le cas où le gouvernement fédéral émettrait un remboursement ou un dédommagement », indique par courriel la porte-parole de Sollio Agriculture, Virginie Barbeau. Elle encourage également les producteurs à faire pression sur le gouvernement en contactant leurs élus.
Concernant la période de facturation, Sollio Agriculture soutient que le tarif douanier de 35 % a été imposé sans tenir compte du moment où les engrais avaient été commandés. « Sollio Agriculture a dû payer le tarif de 35 % sur les fertilisants en provenance de la Russie commandés bien avant le 2 mars, mais livrés après cette date. À ce moment-là, il aurait été impossible pour Sollio Agriculture de remplacer les commandes de fertilisants en provenance de la Russie pour avoir tout le produit au moment de la période de semis au Québec », explique Mme Barbeau.
Le fédéral maintient le cap Le cabinet de la ministre fédérale de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, répond que le Canada demeure résolu à soutenir l’Ukraine face à l’agression de la Russie. « Nous reconnaissons l’importance des engrais pour nos producteurs et que les prix élevés des intrants exercent une pression sur les producteurs agricoles canadiens. Nous avons d’abord veillé à ce que les producteurs aient accès aux engrais dont ils ont besoin pour la saison 2022, puis avons apporté des modifications au Programme de paiements anticipés, qui permettront à ceux qui y participent d’économiser en moyenne 7 700 $ en frais d’intérêts au cours des deux prochaines années », répond-on à La Terre. |