Politique 26 avril 2018

Préoccupé, Lessard continuera de surveiller Pangea

Le rapport qui découle de l’examen du modèle Pangea ne se prononce pas sur son impact sur le prix des terres. Si la firme se dit satisfaite du rapport la concernant, l’UPA estime qu’il passe à côté des vrais enjeux.

Le ministre de l’Agriculture, Laurent Lessard, à l’origine de cet examen, commandera une étude plus approfondie pour déterminer si Pangea et les fonds d’investissement similaires ont un effet à la hausse sur la valeur des terres.

« Le caractère expansif et la place qu’occupent les fonds d’investissement dans les affaires de Pangea me préoccupent. La structure de cette entreprise n’ayant pas été éprouvée à long terme, j’entends suivre de près l’évolution de l’effet des interventions des fonds d’investissement sur les marchés fonciers agricoles du Québec », a affirmé le ministre Lessard au moment de la publication du rapport d’analyse du modèle produit par son ministère et par La Financière agricole du Québec (FADQ).

Producteurs locataires

L’analyse du modèle d’affaires de Pangea a été produite à la suite de l’investissement de la Caisse de dépôt et placement du Québec dans cette compagnie. Le rapport précise notamment que seulement quatre des huit coentreprises de Pangea suivent le modèle véhiculé publiquement par cette société, qui prévoit que 51 % des parts doivent être entre les mains des partenaires-agriculteurs. En fait, Pangea possède 69 % des terres exploitées et le rapport affirme que « les partenaires-agriculteurs deviennent donc des producteurs majoritairement locataires plutôt que des producteurs majoritairement propriétaires ».

On apprend aussi que Pangea détient 6 000 hectares de terres dans six régions administratives du Québec. Il existe huit coentreprises en partenariat avec des agriculteurs qui exploitent 8 384 hectares au total. Pangea est la deuxième plus grande propriétaire de terres dans la province et devrait passer en première place si elle maintient son plan d’affaires qui vise 20 000 hectares d’acquisitions.

En conclusion, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) affirme néanmoins que ce modèle peut être « intéressant pour les parties prenantes sur un nombre limité de terres situées dans certaines régions où la valeur des terres est relativement faible, et pour des cultures particulières qui permettent de générer des économies d’échelle. Si l’on considère ces facteurs structurels, l’importance relative de ce modèle au Québec devrait demeurer limitée ».

Le rapport affirme par ailleurs qu’une intervention de l’État pour régir la propriété foncière pourrait devenir nécessaire si l’on constate « un effet négatif significatif sur l’accès à la propriété par la relève ou l’occupation et la vitalité des territoires ». Pour le moment, l’analyse gouvernementale compare la situation du Québec avec celles d’autres provinces qui ont choisi de régir l’achat de terres et constate que le nombre d’hectares moyen pour chaque ferme est moindre ici qu’ailleurs au Canada. 

Pangea satisfaite

« Nous sommes particulièrement satisfaits qu’après une analyse exhaustive, le MAPAQ souligne que notre modèle est intéressant. Ça témoigne de l’ouverture du ministère à l’émergence de modèles complémentaires », a mentionné Serge Fortin, cofondateur de Pangea et agriculteur, au moment de la sortie du rapport. Serge Fortin affirme notamment que son modèle facilite le démarrage et réduit l’endettement.

« Pas crédible », dit l’UPA

« Pangea est un modèle qui mise sur la spéculation, encouragé par la Caisse de dépôt et le Fonds de solidarité, au détriment des fermes familiales et de la relève agricole », affirme Marcel Groleau, président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), qui qualifie l’analyse du modèle d’affaires de Pangea de « revue de presse commentée ». Le président rappelle que le déclenchement de l’étude était justifié par l’investissement de la Caisse et que l’analyse ne traite « à peu près pas » de l’impact de ce nouvel apport à Pangea.

L’UPA fait remarquer que le rapport ne parle pas non plus des modalités détaillées pour les partenaires qui voudraient se retirer de la coentreprise, du taux de location des terres ou des explications de l’économie d’échelle que Pangea dit réaliser. L’Union réitère qu’il est « juste impossible » de cultiver des céréales et de dégager un rendement de 8 %, comme espéré par Pangea et ses investisseurs. Selon le président de l’UPA, la rentabilité du modèle Pangea « repose exclusivement sur la hausse du prix des terres ».