Politique 1 septembre 2022

L’UPA perd son combat contre le dézonage d’une terre à Saint-Hyacinthe

Après des années de tergiversations, de présentations et même de décisions contradictoires de la part de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), Exceldor pourra officiellement construire son usine d’abattage de volailles sur une terre agricole de Saint-Hyacinthe. La Fédération de l’Union des producteurs agricoles (UPA) de la Montérégie confirme à La Terre qu’elle n’entamera pas d’autres procédures judiciaires afin d’empêcher le dézonage de cette superficie de 10 hectares.

La Fédération avait 30 jours, soit jusqu’au 1er septembre, pour signifier son intention de contester la décision du Tribunal administratif du Québec et de la CPTAQ. Son président, Jérémie Letellier, annonce avec amertume que son groupe n’ira pas plus loin. « Ce n’est pas parce qu’on est d’accord, mais on se rendait compte que les chances de virer la décision sont à peu près nulles », résume-t-il.

Chronologie des événements

Rappelons qu’en décembre 2019, la CPTAQ avait d’abord refusé la demande de dézonage de cette terre de 24 ha située à Saint-Hyacinthe pour permettre la construction de l’usine d’abattage de volailles d’Exceldor. La Commission avait alors indiqué qu’il s’agissait d’une terre dont le potentiel et les possibilités d’utilisation agricole étaient excellents. À la suite d’une nouvelle demande de dézonage, la CPTAQ a émis, le 29 juin 2020, une orientation préliminaire soulignant qu’elle avait l’intention de refuser de nouveau ladite demande. Le 25 août 2020, François Legault, de passage dans la région de Saint-Hyacinthe, s’est montré favorable à la construction de l’abattoir dans le secteur visé.

Coup de théâtre, le 16 juin 2021, dans un avis de modification de l’orientation préliminaire, la CPTAQ a finalement écrit qu’elle entendait autoriser le dézonage de la fameuse terre, et ce, spécifiquement pour la construction de l’abattoir d’Exceldor sur une superficie d’environ 10 hectares. La décision officielle allant dans ce sens a été déposée le 16 septembre 2021. La Fédération de l’UPA de la Montérégie a alors contesté cette décision prétendant qu’elle comportait plusieurs erreurs de droit et de faits déterminantes. Elle a demandé au Tribunal administratif du Québec (TAQ) de refuser la demande ou de retourner le dossier à la CPTAQ afin qu’elle réévalue le tout de nouveau. La Fédération a fait valoir différents arguments, par exemple que la CPTAQ a commis des erreurs dans son évaluation des superficies vacantes pouvant recevoir l’usine, que le nombre de producteurs de volailles locaux touchés par une éventuelle fermeture de l’usine actuelle serait de 53 et non de 400 et que la décision bafoue les principes retenus par la CPTAQ deux ans plutôt, lui reprochant ainsi d’avoir fait preuve d’incohérence décisionnelle.

Finalement, le 1er août dernier, le TAQ a rejeté les arguments de la Fédération et confirmé la décision de la CPTAQ datée du 16 septembre 2021. La Fédération de l’UPA de la Montérégie confirme qu’elle ne fera pas appel de la décision du TAQ.


« Une décision dangereuse qui ouvre des portes »

Le président de la Fédération de l’UPA de la Montérégie, Jérémie Letellier, se dit fortement préoccupé par la décision de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ) d’autoriser la construction d’une usine d’abattage de volailles d’Exceldor sur une terre à vocation agricole. « [Les demandeurs] devaient faire la démonstration qu’ils ne pouvaient pas construire l’usine ailleurs que sur cette terre agricole. À mon sens, cette démonstration n’a pas été faite, mais ce qui m’interpelle, c’est le virage à 180 degrés de la CPTAQ [de ses décisions], avec des critères et arguments qui ne sont même pas dans la loi! C’est une décision dangereuse qui ouvre des portes. C’est sûr que des avocats vont regarder cette décision pour faire avancer leurs dossiers [de dézonage]», déplore-t-il.

L’agriculteur se demande si la décision de la CPTAQ, qui est pourtant un tribunal, a été influencée par les nombreuses pressions politiques locales et provinciales. « Une commande politique, c’est cependant très difficile à démontrer », souligne M. Letellier.

Il dit que son organisation continuera à défendre ce type de causes jusqu’au bout. « Nous notre job, c’est de protéger le territoire. On ne lâchera pas le morceau, car tout le monde voit que l’étalement urbain, ça ne peut pas durer dans le temps. On ne peut pas manger nos terres comme ça. J’ai aimé l’appui de nos producteurs et celle du public. Je crois qu’on a réveillé une certaine conscience », observe-t-il.