Politique 22 novembre 2018

Le lien de confiance rompu avec le fédéral

Estimant avoir été sacrifiés au cours des trois derniers accords de libre-échange, les producteurs de lait du Québec avouent leur manque de confiance à l’égard d’Ottawa, qui leur avait pourtant promis de préserver leur système de gestion de l’offre. À quelques mois de la campagne électorale fédérale, le gouvernement libéral devra regagner la confiance des éleveurs.

Dans les trois dernières ententes de commerce, soit celles de l’Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, du Partenariat transpacifique global et progressiste et du récent Accord États-Unis–Mexique–Canada (AEUMC), la gestion de l’offre a été affaiblie en servant de monnaie d’échange, ont dénoncé plusieurs participants à la rencontre semi-annuelle des Producteurs de lait du Québec (PLQ), le 21 novembre. « Ça fait trois fois. Ça va faire! » a martelé le président de l’organisation, Bruno Letendre. Dans le cas de l’AEUMC, les PLQ estiment les accès supplémentaires à 3,9 % de la production canadienne, sans compter l’ingérence des États-Unis dans la politique laitière nationale, notamment dans l’abolition de la classe 7. « Plus loin que ça, les Américains sont assis à la table du Comité canadien de gestion des approvisionnements de lait, a résumé Alain Bourbeau, le directeur général des Producteurs. Le niveau de confiance à l’égard du gouvernement n’est pas à son sommet. »

Ces propos ont trouvé écho chez les délégués. « Je n’ai plus confiance en ce gouvernement. […] Pour les compensations, je ne suis pas rassuré. Il faut se faire respecter. Trop, c’est trop », a lancé Yvon Boucher, président des Producteurs de lait de la Montérégie-Est. « Les compensations, je n’y crois pas. Cette entente-là, c’est la fin de la gestion de l’offre », a déclaré Michelle Soucy, productrice de la relève.

« C’est par votre discipline et vos investissements que le gouvernement n’a pas eu à soutenir la production laitière », a poursuivi le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, qui croit que les compensations « complètes et justes » promises par les libéraux compteront parmi les enjeux de la prochaine campagne électorale fédérale au Québec. « Votre pouvoir, il est là. Le gouvernement a pris des engagements! Qu’il les respecte sinon il y aura un prix à payer », a lancé M. Groleau.

Des milliards en compensations

Les PLQ évaluent les pertes liées aux trois derniers accords de commerce à environ 450 M$ par année. Pour l’AEUMC, les dommages iront en s’intensifiant sur une période de 19 ans. De plus, ces estimations excluent la disparition de la classe 7, les plafonds aux exportations canadiennes ainsi que les pertes des transformateurs. « On ne parle pas de quelques centaines de millions de dollars, mais de plusieurs milliards », a souligné Alain Bourbeau. À titre de comparaison, en 2015, le gouvernement conservateur de l’époque avait annoncé de l’aide de plus de 4 G$ pour dédommager l’industrie laitière pour le Partenariat transpacifique et l’entente avec l’Union européenne.

Ottawa a récemment annoncé qu’il mettrait en place des groupes de travail concernant les futures mesures de compensations. Ces comités regrouperont des représentants du fédéral, des éleveurs et des transformateurs. Les Producteurs laitiers du Canada (PLC) se sont entendus sur une délégation de 14 personnes : trois du Québec, trois de l’Ontario, trois de l’ouest du pays, trois des Maritimes et deux de l’organisme fédéral.

L’AEUMC pourrait entrer en vigueur dans la 2e moitié de 2019. Pour leur part, les Producteurs de lait du Québec ne ferment pas la porte à une contestation légale. « Ce n’est pas si clair, mais on fait les démarches pour vérifier cet aspect-là », a précisé Alain Bourbeau, leur directeur général.