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DRUMMONDVILLE – Le ministre Lamontagne est venu rappeler les nombreuses subventions gouvernementales qui soutiennent les gains environnementaux des producteurs de grains lors de leur assemblée générale annuelle et il les a invités à soumettre des projets pour diminuer l’utilisation de fertilisants azotés. Plusieurs producteurs ont par la suite exprimé en avoir assez de la place excessive que prend l’environnement dans le milieu politique agricole.
« L’environnement, je commence à en avoir plein mon casque! » a lancé au micro l’agriculteur Johan Van Hyfte. « Les gouvernements se pètent les bretelles en disant qu’ils n’ont jamais donné autant de subventions en environnement. Oui, il y a des subventions, mais en réalité, c’est une forme d’utopie. Les subventions sont mal ciblées [et leurs effets] sont loin d’être toujours mesurables », a dit ce producteur de grains, le 31 mars, à Drummondville.
En marge de l’assemblée, il a ajouté que ce sont les agriculteurs qui doivent réellement financer les actions environnementales attachées aux subventions. Il a donné en exemple les plantes de couverture qu’il a semées. Pour obtenir la subvention gouvernementale, il ne devait pas travailler le sol à l’automne, sauf qu’au printemps suivant, les résidus des plantes de couverture ont gardé le sol frais et retardé ses semis de deux semaines. « Je n’ai pas eu de compensation pour ça. La subvention paie les semences, et rien d’autre. L’environnement, je suis pour ça. Je fais très attention et je respecte mes bandes riveraines, mais moi, comme agriculteur, il faut que je vive d’abord et avant tout. »
Pas aussi vert qu’on pensait
Une série de producteurs, dont Daniel Lanoie, ont défilé au micro pour parler de la pression environnementale qui s’accentue sur leur secteur. « On pensait qu’on serait des capteurs de carbone et qu’on aurait un revenu de ça, mais c’est quasiment le contraire. Ce qui ressort, c’est qu’on est finalement des pollueurs. Car dans mon club environnemental, j’ai deux fermes qui ont fait beaucoup d’efforts avec des engrais verts et tout le bataclan que demandait le ministère. Ils avaient l’impression d’être carboneutres, mais leur bilan réel, c’est qu’ils sont des émetteurs. À un moment donné, même si tu fais tout ce qu’ils te demandent, si tu n’es pas aussi vert que tu pensais, tu te demandes pourquoi tu as fait tout ça. »
L’agricultrice Jocelyne Bergeron est venue dire que la situation devenait exagérée et incohérente. « Il faut maintenant mettre des bandes riveraines pour des fossés de 18 pouces de profond qui sont secs 30 minutes après une pluie […]. On nous demande de séquestrer du carbone pour que les grandes compagnies puissent continuer de polluer et que les usines d’épuration déversent à la tonne des résidus toxiques. Pour moi, ça ne passe plus. Il faut arrêter de voir l’agriculture comme la solution qui va régler tous les problèmes de la société », déplore-t-elle.
Le producteur Yvan Leblanc, près de Saint-Hyacinthe, n’a pas mâché ses mots au sujet des bandes riveraines. « Moi, j’ai payé des terres chères, et je dois sacrifier une zone pour les bandes riveraines, qu’il faut entretenir en plus. Ça n’a pas de sens! » Du même souffle, il a ajouté : « Je suis d’accord de laisser une bande riveraine, mais leurs trois mètres, ça signifie de cinq à six pieds de perte sur le bord du champ. Sur mes 400 hectares, ça me fait perdre 2,5 ha de bonne terre, parmi les meilleures du Québec. C’est quasiment révoltant… et abusif. Ils sont venus prendre des photos de mes champs avec des drones, et m’ont envoyé des avis de non-conformité cet hiver », a-t-il rapporté.
Venu du Bas-Saint-Laurent, Simon Michaud a rappelé que les agriculteurs produisent de la nourriture et que les pressions environnementales devraient en tenir compte davantage, en s’acharnant moins sur l’utilisation de pesticides et d’engrais pour plutôt viser les secteurs qui ont de grosses émissions, ou qui produisent des produits à usage unique.
Même le premier vice-président de l’Union des producteurs agricoles, Paul Doyon, a pris la parole pour dénoncer les exigences environnementales, notamment associées aux fermes situées en zone de littoral. « Le ministère de l’Environnement travaille à faire disparaître l’agriculture. Il a ses objectifs et n’a de comptes à rendre à personne », a-t-il fait valoir.
Le président des Producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek, a abondé dans le même sens en demandant : « Est-ce qu’on peut faire une plainte au ministère de l’Environnement pour harcèlement? » Il a aussi mentionné que les sommes consacrées à la rétribution environnementale étaient un pas dans la bonne direction, mais qu’il en faudra plus pour qu’elles aient un effet.
Quant aux programmes de réduction des gaz à effet de serre du gouvernement fédéral, M. Overbeek a lui aussi évoqué un peu d’utopie de la part des politiciens, indiquant qu’un programme avait permis d’améliorer l’efficacité énergétique de 9 séchoirs à grains sur les 2 000 qu’il y a au Québec.
Un plus grand soutien aux régions éloignées
Les régions plus éloignées font face à des enjeux spécifiques en raison de l’éloignement des transformateurs, du coût élevé du transport de grains et des intrants, d’un nombre moindre d’acheteurs, qui diminue leur pouvoir de négociation, sans oublier les conditions climatiques qui limitent le potentiel de rendement. Les producteurs de grains réunis en assemblée générale annuelle, le 31 mars, ont voté une résolution demandant au ministère de l’Agriculture et à La Financière agricole du Québec de couvrir plus adéquatement les cultures de ces régions par un programme de sécurité des revenus adapté à leur réalité. De plus, ils ont demandé de mettre en place des crédits d’impôt à l’investissement pour ces producteurs afin de favoriser le développement de leurs infrastructures.