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LA POCATIÈRE ─ Voilà ce que croit Sophie Demougeot et Alain Anctil propriétaires de la Ferme Cybèle au Bas-Saint-Laurent.
Quand ils n’ont pas les deux mains plongées dans leurs champs de fraises, ce couple de producteurs rêvent d’une agriculture plus rassembleuse, où chacun s’entraide et met ses connaissances au profit de l’économie régionale.
« Ça ne sert à rien de se livrer une compétition entre producteurs. Il vaut mieux travailler ensemble. C’est de cette façon qu’on peut bâtir une agriculture solide », avance Sophie Demougeot.
Nous ne sommes pas chez un gros producteur de petits fruits. La Ferme Cybèle, où la Terre s’est invitée la semaine dernière, est une petite entreprise agricole qui fait pousser des fraises sur une superficie de cinq hectares. Ses activités sont rentabilisées grâce à un bar laitier qui sert des sundaes aux fraises du producteur et qui revend à son kiosque les fruits et légumes provenant d’une quinzaine de petits fournisseurs et producteurs locaux.
« On ne pourrait gagner notre vie avec la seule production de fraises, convient Sophie Demougeot. Nous n’avons pas assez de volume. Voilà pourquoi nous trouvons de nouvelles idées pour élargir nos marchés. »
Pas étonnant que les Anctil-Demougeot soient très impliqué dans sa région et qu’il ne rate jamais une occasion de vanter les avantages d’une agriculture de proximité. Il y a quatre ans, le couple a ouvert un marché public pour les petits producteurs de La Pocatière. Une initiative reprise par la municipalité, qui voit là tout le potentiel de l’achat local.
« On doit s’encourager les uns les autres, insiste Sophie Demougeot, et on fait ce qu’il faut pour faire rouler cette roue sociale. »
Une politique… enfin!
Alain Anctil est bien d’accord avec cette vision. Mais les choses ne vont pas assez vite à son goût au sein du gouvernement qui n’a pas encore démontré, selon lui, son véritable engagement envers l’agriculture et les agriculteurs.
« Je voudrais que l’agriculture soit la priorité des priorités. Je dois reconnaître qu’il y a de l’ouvrage à faire pour en arriver là! », laisse-t-il tomber quand on lui demande ce qu’il pense de la prochaine politique agricole que doit déposer le ministre de l’Agriculture, François Gendron.
Il aimerait que cette politique fasse une place plus grande aux producteurs québécois. « Pour cela, il faut protéger les marchés locaux et cesser de faire entrer des fraises du Guatemala remplies de pesticides. Nos épiceries sont envahies de produits de l’étranger tandis que nous, au Québec, on n’arrive pas à y faire notre place. C’est désolant », déplore-t-il d’une voix où ne point pourtant pas la moindre agressivité.
Sophie Demougeot renchérit : « Nous ne voulons pas nous plaindre, mais il me semble que le gouvernement devrait donner l’exemple et mettre en place des politiques pour nous encourager. Comment se fait-il, par exemple, que les institutions et les hôpitaux n’achètent pas nos produits frais? »
C’est tout juste si elle réussit à vendre un seul panier de ses fraises par année à l’hôpital de La Pocatière. « Et on me l’achète parce que c’est moi qui en fais la demande », soupire-t-elle.
Optimiste, elle estime néanmoins que tout est encore possible. À la condition, toutefois, que « tout le monde se tienne debout » et mette l’épaule à la roue.
La fin des petits cueilleurs?
Les travailleurs mexicains vont-ils bientôt remplacer les « petits cueilleurs » de fraises qui gagnent 50 $ par semaine à la Ferme Cybèle?
« C’est un de mes gros soucis », avoue Sophie Demougeot.
En 2014, à moins d’une volte-face du gouvernement Harper, les producteurs de petits fruits devront payer leurs employés au salaire minimum. Il ne sera plus permis de rémunérer les cueilleurs au panier.
« On a 75 petits cueilleurs dont l’âge moyen est de 12 à 14 ans. Ce sont des jeunes de La Pocatière qui gagnent un peu d’argent durant l’été en travaillant quelques heures par semaine », résume-t-elle.
Sophie Demougeot cherche une solution mais n’en trouve pas. Elle a fait le calcul. Il ne serait pas rentable, vu leur rendement moindre, de payer les jeunes au salaire minimum. En même temps, elle n’est pas en mesure d’embaucher des adultes pour la simple raison qu’il n’y en a pas, dans le coin, qui soient intéressés à s’accroupir dans les champs pour cueillir des fraises à moins de dix dollars de l’heure.
En désespoir de cause, elle pourrait donc devoir se tourner vers les travailleurs étrangers temporaires. « Si je fais venir des Mexicains, ce serait en collaboration avec un autre producteur. La saison est courte dans la région et je n’ai pas les moyens de loger une dizaine de cueilleurs étrangers. »
Ce qu’ils ont dit…
« L’environnement, ça me tient à cœur, tout comme la qualité des produits agricoles. Je ne suis pas inquiète de la qualité de mes fruits. Mes enfants ont été élevés à marcher à quatre pattes dans les champs de fraises! » — Sophie Demougeot, détentrice d’une maitrise en luttes biologiques.
« Je suis de la cinquième génération d’Anctil à travailler sur une ferme. La terre, c’est dans mes gênes. Je m’y sens enraciné, et si mon fils Rémi (13 ans) prend un jour la relève, ça me touchera droit au cœur. Mais ce sera à lui de décider de son avenir. » — Alain Anctil, qui a acquis la terre de son père Marc-Henri, 80 ans.
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