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Même si la ministre canadienne de l’Agriculture, Marie-Claude Bibeau, a promis dernièrement la traçabilité à propos de la nouvelle génération de semences issues de l’édition génomique, les acteurs du secteur biologique demeurent sur leur garde.
Ce sont des années d’efforts et conséquemment toute la filière biologique au pays qui seront en péril si le gouvernement du Canada persiste dans sa volonté de permettre aux semenciers une « transparence volontaire » telle que proposé par Santé Canada en mai dernier.
L’agence préconisait cette approche dans la gestion des produits issus de cette technologie et ce sera bientôt au tour de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) d’émettre ses propres directives. « J’ai assisté à leurs consultations et ils s’en vont tout à fait dans la même direction que Santé Canada », déplore Christian Legault, consultant pour la Filière biologique du Québec (FBQ).
Selon lui, c’est toute la chaîne de la traçabilité qui est ici compromise puisque la certification biologique au Canada n’est attribuée qu’aux semences, plantes ou ingrédients pouvant prouver qu’ils n’ont fait l’objet d’aucune intervention génétique.
Cette « transparence volontaire » vient briser un pivot de l’agriculture biologique, estime Christian Legault. « Dans les normes biologiques au pays, l’édition génomique entre dans la même définition que les organismes génétiquement modifiés (OGM). » Rappelons que cette nouvelle technologie mise au point au début des années 2010 consiste en une modification de l’ADN d’une cellule par l’élimination ou l’ajout de gènes de manière sélective.
À la suite de la publication des orientations de Santé Canada au printemps, la FBQ avait fait front commun avec l’Union des producteurs agricoles, le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ) et le Conseil des appellations réservées et des termes valorisants (CARTV) pour demander à l’organisme de reconsidérer sa décision et de former un comité de travail afin que les droits de tous les acteurs de la filière bio soient préservés.
Le directeur général de Grains et Semences RDR, David Proulx, croit lui aussi que les autorités canadiennes font fausse route dans ce dossier. « Il faut un registre dans lequel on retrouvera toutes les variétés de semences qui ont été créées et de quelle manière elles l’ont été », insiste le patron de l’entreprise de Nicolet qui se présente sur son site Web comme l’un des plus grands semenciers biologiques et conventionnels de l’est du Canada.
« On dirait que parce que le bio représente seulement 3 % du marché, les autorités n’ont pas l’air de s’en soucier, tandis que les 97 % restants poussent très fort pour simplifier l’arrivée de nouvelles semences modifiées », souligne David Proulx, qui croit qu’on peut arriver à un compromis dans ce dossier. « Peut-être qu’on n’a pas besoin d’études aussi poussées que pour les semences OGM, mais il faudrait tout de même être en mesure de retracer les variétés qui ont été développées de cette façon-là. Il y a moyen d’arriver à quelque chose qui va satisfaire les deux parties. »
Pour Christian Legault, cette « transparence volontaire » vient compromettre un secteur qui a le vent dans les voiles. « Au Québec, c’est une industrie de 1,2 G$, 3 300 entreprises et 11 400 produits biologiques. Tout ce marché va imploser si le gouvernement persiste à aller de l’avant », rappelle le consultant de la FBQ.
David Proulx va dans le même sens en émettant le souhait que les autorités puissent « trouver une solution qui va convenir autant aux semenciers, qui veulent arriver plus vite et que ça coûte moins de frais, qu’à nous autres qui voulons continuer à développer notre secteur ».