Politique 6 janvier 2025

La démission de Trudeau fait mourir le projet de loi sur la gestion de l’offre

Dans la foulée de la démission du premier ministre Justin Trudeau, le 6 janvier, le Parlement a été prorogé jusqu’au 24 mars, faisant ainsi mourir au feuilleton tous les projets de loi n’ayant pas reçu la sanction royale, dont celui sur la gestion de l’offre.

Ce qui adviendra du projet de loi au début de la nouvelle session parlementaire est incertain. Il ne sera réexaminé que s’il est redéposé au Sénat.

Alors qu’il en était, en décembre, à l’avant-dernière étape avant son adoption, le processus recommencerait à la première lecture comme si aucun travail n’y avait été effectué auparavant. Cela n’empêcherait toutefois pas une décision d’accélérer l’étude du projet de loi, soit par consentement unanime, soit par motion avec préavis.

Le député bloquiste de Berthier-Maskinongé, Yves Perron, est en colère. Son parti étant l’instigateur du projet de loi, il tente de convaincre les sénateurs de l’adopter depuis juin 2023. Le Bloc québécois a même imposé un ultimatum en octobre 2024 et rassemblé 250 agriculteurs et sénateurs sur la Colline parlementaire pour accélérer son adoption, sans succès.

M. Perron ne croit pas que la décision sera prise d’accélérer les choses pour sauver le projet de loi. « Il faut que ça tente aux quatre leaders du Sénat de se rencontrer et d’en jaser entre eux. Et ce n’est pas évident. Donc même si on siège deux mois au Sénat, le projet de loi ne sera pas sorti avant [une élection] », estime-t-il.

Daniel Gobeil, président des Producteurs de lait du Québec, et Sylvain Lapierre, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec, se désolent de voir un projet de loi sur la gestion de l’offre abandonné une deuxième fois en peu de temps.

C’est tellement décourageant avec l’énergie qu’on a mise. On est allés à Ottawa, des fois, juste pour ça et le vote n’avait même pas lieu. C’était notre chance, je pense, d’enlever la gestion de l’offre des négociations commerciales, et ils vont nous dire qu’ils vont la protéger, mais cette cassette-là, on l’a entendue trop souvent.

Sylvain Lapierre, président de la Fédération des producteurs d’œufs du Québec

L’abandon de cet outil législatif oblige les producteurs à revoir leur stratégie face à l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, le 20 janvier, précise M. Gobeil.

Considérant l’appui de 80 % des députés de la Chambre des communes et des quatre chefs de partis politiques à Ottawa, le signal était pourtant clair, souligne le président de l’Union des producteurs agricoles et porte-parole du Mouvement pour la gestion de l’offre, Martin Caron. « Au niveau du Sénat, il y a eu un ralentissement du processus et on était tout près d’arriver à une finalité », déplore-t-il.

Les élections en tête

M. Caron évoque néanmoins la possibilité d’une poursuite des travaux après le 24 mars. « On aurait mieux aimé qu’il [ait été adopté avant les Fêtes], mais si on veut rester optimistes, il y a le côté des élus et si on tombe en élection ce printemps, ça va revenir dans nos demandes à nous. Comme on sait que les chefs de partis ont voté pour ce projet de loi-là, je m’attends à ce que ce soit le même résultat », souligne-t-il. 

L’ancien homme politique libéral Jean-Claude Poissant, également producteur laitier à Saint-Philippe, en Montérégie, estime que si les conservateurs accédaient au pouvoir, un gouvernement minoritaire appuyé d’une opposition officielle libérale serait idéal pour la gestion de l’offre et l’agriculture. « Les conservateurs sont divisés sur la gestion de l’offre alors il faudrait un Parti libéral fort quand même pour justement ramener les choses », fait-il remarquer.