Politique 21 octobre 2022

Fertilisants 2023 : tous les yeux tournés sur l’azote

Grands consommateurs d’engrais azotés en raison de la nature de leurs cultures (céréales et maïs), les producteurs québécois ont intérêt à observer de près les fluctuations des cours de ce marché durant les prochaines semaines.

Benoit Pharand. Photo : Gracieuseté du RVQ
Benoit Pharand. Photo : Gracieuseté du RVQ

« Au niveau du phosphore et du potassium, il n’y a pas d’enjeux particuliers sur le plan de l’approvisionnement en prévision de la prochaine saison. Sur les prix, ça reste ferme pour le moment, explique Benoit Pharand, président-­directeur général du Réseau Végétal Québec (RVQ). Ce qu’on surveille, par contre, c’est l’azote parce que les principaux pays exportateurs se retrouvent en Union européenne (UE) et en Russie. »

Sur les trois composantes des engrais utilisés par les producteurs au Québec, 60 % contiennent de l’azote, dont la fabrication requiert du gaz naturel. « La production de l’UE est très dépendante de ce qu’elle va recevoir en gaz de la Russie. Certaines usines en Europe ont même arrêté leur production en raison des restrictions en approvisionnement », poursuit Benoit Pharand.

Dans le contexte de l’invasion de l’Ukraine, des sanctions des pays occidentaux envers la Russie et alors que celle-ci a fermé son ­robinet de gaz vers l’Europe au début du mois de ­septembre, cet enjeu devient un élément majeur, selon Vincent Cloutier, conseiller principal en agriculture et agroalimentaire à la Banque Nationale.

« Il faut être conscient des risques que les tensions politiques nous amènent et gérer les approvisionnements en conséquence. Si j’avais à acheter des engrais en prévision de la prochaine saison, je le ferais plus tôt que tard parce que les tensions reliées au marché de l’énergie sont à ce point importantes que j’aimerais mieux m’en prémunir le plus vite possible », suggère-t-il.

Comme si ce n’était pas suffisant, Benoit Pharand ajoute que l’Inde, gros consommateur d’engrais azotés, s’apprête à formuler ses demandes et que les principaux pays exportateurs (Russie, UE, Chine, Arabie Saoudite et Qatar) attendent d’en connaître l’ampleur avant de répondre à celles des autres pays importateurs.

Vincent Cloutier. Photo : Gracieuseté de la Banque Nationale
Vincent Cloutier. Photo : Gracieuseté de la Banque Nationale

« Il y a des embûches à l’exportation, mais les fertilisants se trouvent un chemin pour sortir de la Russie, analyse Vincent Cloutier. Malgré les embargos, le pays demeure un très grand exportateur et il va le rester. Les canaux se réorganisent et les liens commerciaux se font désormais vers la Chine et l’Inde, tandis que les pays comme nous qui s’approvisionnaient en Russie s’en vont ailleurs comme les États-Unis, la Chine, le Maroc, dépendamment du type de fertilisants. »

Bien que l’issue du conflit soit imprévisible à l’heure actuelle, Benoit Pharand souligne que l’Ukraine, joueur secondaire dans la production de fertilisants, mais important pays producteur de céréales comme le Canada, sera un demandeur important en prévision de la saison 2023. « C’est un autre élément qui risque de créer de la pression sur les prix des engrais azotés. Il faut trouver des alternatives à la Russie et à la Biélorussie, mais nous ne sommes pas les seuls à le faire », note le PDG de Réseau Végétal Québec. 


Ce texte provient du cahier Grains publié dans La Terre de chez nous du 19 octobre 2022